Guerre en Ukraine : "Jamais le gaz naturel liquéfié américain ne remplacera en totalité nos importations de gaz russe", selon un spécialiste de l'énergie
Les États-Unis ont annoncé vendredi matin qu'ils fourniront 15 milliards de mètres cubes supplémentaires de gaz naturel liquéfié à l'Union européenne, d'ici à fin 2022.
Philippe Chalmin, professeur d'histoire économique à l'Université Paris Dauphine et spécialiste des matières premières et de l’énergie, indique vendredi 25 mars sur franceinfo que "jamais le gaz naturel liquéfié américain ne remplacera en totalité nos importations de gaz russe". Face à la guerre en Ukraine, et pour être moins dépendants de la Russie en termes d'approvisionnement en gaz, les Européens veulent miser sur le gaz naturel liquéfié (GNL) américain.
franceinfo : se défaire des combustibles russes sans hausse des prix est-il possible ?
Philippe Chalmin : c'est une équation très difficile à résoudre, surtout sur le court terme. Jamais le gaz naturel liquéfié américain ne remplacera en totalité nos importations de gaz russe. Il ne faut pas se faire d'illusions. S'il en remplace un tiers, ce sera le grand maximum. Le problème n'est pas celui de l'approvisionnement en gaz naturel liquéfié. Le problème est celui, sur les deux ou trois années à venir, des capacités européennes à accueillir des méthaniers, ces bateaux qui transportent le GNL, puis à le re-gazéfier. Si on mettait bout à bout l'ensemble des capacités de regazéification qui existent aujourd'hui en Europe, on arriverait à remplacer à peu près deux tiers seulement de nos importations de Russie.
Les prix vont-ils mécaniquement augmenter ?
Si la demande européenne augmente, les prix augmenteront. Je doute très fortement que les entreprises américaines qui actuellement exportent du gaz naturel liquéfié, et gagnent beaucoup d'argent là-dessus, feront des cadeaux aux Européens plutôt que d'exporter aux Japonais et aux Coréens. Le prix du gaz naturel est voué à rester élevé, instable, largement supérieur à ce que nous avons connu dans les années 2010.
Quelles sont les options pour tenter de limiter l'envolée des prix ?
On ne peut pas plafonner le prix du gaz puisqu'on l'importe. Par contre, on peut remettre en question le lien qui existe aujourd'hui entre prix du gaz et prix de l'électricité. C'est ça, à mon sens, l'une des vraies clés du débat. La proposition espagnole, un peu soutenue par la France, c'est de déconnecter le prix de l'électricité du prix du gaz naturel. Ça avait été mis en place dans un autre contexte et à un moment où on voulait privilégier les renouvelables. Aujourd'hui, il me semble que la question se pose totalement différemment, et on aurait probablement intérêt à re-réglementer le marché européen de l'électricité. D'autant que sur le gaz naturel, on va avoir beaucoup de mal à passer l'hiver prochain si on mettait en place un boycott total du gaz russe.
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