Guerre en Ukraine : on vous résume les principaux scandales de corruption qui ont éclaté depuis le début de l'année
Le nouveau ministre de la Défense ukrainien, Roustem Oumerov, s'est vu confier un défi de taille : poursuivre la contre-offensive en cours contre l'armée russe, tout en éradiquant la corruption au sein de son ministère. Mais ce combat à la tête de l'Etat ne se limite pas à la défense. Car l'Ukraine subit depuis des décennies une corruption endémique et généralisée. En 2022, le pays était classé au 116e rang sur 180 de l'indice mondial de la perception de la corruption établi par l'ONG Transparency International.
Désormais pays candidat à l'adhésion à l'Union européenne, l'Ukraine doit se soumettre aux exigences de l'UE et renforcer ses capacités de lutte contre la corruption. En pleine guerre, Kiev doit aussi faire face à la pression de ses alliés occidentaux, comme le rapporte le New York Times. Certains responsables américains et européens craignent en effet un détournement à des fins personnelles des milliards de dollars de l'aide militaire et financière accordée depuis le début de l'invasion russe. Franceinfo revient sur les principales affaires qui ont ébranlé l'Ukraine depuis le début de l'année.
Des produits alimentaires surfacturés par l'armée
Les premières affaires d'envergure qui ont éclaté depuis le début de l'offensive russe en Ukraine concernent la logistique et les commandes d'approvisionnement des forces armées ukrainiennes. Le 21 janvier, le site d'information ukrainien ZN.ua révèle la surfacturation massive de produits alimentaires destinés aux soldats. Le montant total de ces dérives s'élèverait à 13 milliards de hryvnias, soit 327 millions d'euros, des prix "deux à trois plus élevés" que les tarifs en vigueur à l'époque, selon le média ukrainien.
Sous le feu des critiques, le vice-ministre de la Défense, Viatcheslav Chapovalov, alors chargé de la logistique de l'armée, remet sa démission. De son côté, dans un communiqué, le ministère de la Défense explique que ces accusations sont "infondées" et clame l'innocence de son vice-ministre. Le ministre de la Défense de l'époque, Oleksiï Reznikov, reconnaît alors que les services de lutte contre la corruption de son ministère ont "failli dans leur tâche".
Le lendemain de ces révélations, le 22 janvier, Vassyl Lozinsky, vice-ministre en charge des Infrastructures, est également mis en cause et arrêté par la police anticorruption. Il est accusé d'avoir reçu un pot-de-vin de 400 000 dollars pour avoir facilité l'achat surfacturé d'équipements d'hiver et de générateurs électriques.
Au total, au cours du seul mois de janvier, cinq gouverneurs, quatre vice-ministres, deux responsables d'une agence gouvernementale, un chef adjoint de l'administration présidentielle et un procureur général adjoint sont mis sur la touche.
Un dessous-de-table pour influencer la Cour suprême
Le système judiciaire ukrainien s'est aussi retrouvé dans la tourmente. Le 16 mai, le président de la Cour suprême, Vsevolod Kniaziev, est arrêté et placé en détention dans une affaire portant sur le versement d'un pot-de-vin. Selon les responsables anticorruption, la quatrième fortune du pays, le milliardaire Kostantin Jevago aurait transféré 2,7 millions de dollars, soit 2,5 millions d'euros, à une société d'avocats.
L'entreprise aurait ensuite versé une partie de cette somme (1,8 million de dollars) à plusieurs juges de la plus haute instance judiciaire du pays, afin qu'ils adoptent une décision favorable au milliardaire. Selon le parquet, l'homme d'affaires souhaitait que la Cour suprême prononce une décision qui lui aurait permis de garder le contrôle des parts d'une entreprise minière faisant l'objet d'un litige avec d'anciens actionnaires.
L'Ukraine avait réclamé l'extradition de Konstantin Jevago à la France, pays dans lequel il réside. Car le milliardaire est également accusé par la justice ukrainienne de "détournement de biens" à grande échelle, "blanchiment" et "dissimulation des produits d'une infraction". Mais le tribunal de Chambéry a rendu en mars une décision défavorable, estimant que "l'Etat requérant (...) n'est pas en état de garder un tribunal garantissant les libertés fondamentales".
Des pots-de-vin pour échapper à la guerre
Le 11 août, sur Telegram, le président Volodymyr Zelensky annonce le limogeage spectaculaire de l'ensemble des chefs des bureaux régionaux et d'enrôlement militaire. Ils sont suspectés d'avoir mis en place un système permettant à des conscrits d'échapper à la guerre en échange de pots-de-vin. Ce système "d'enrichissement illégal" concerne plusieurs régions du territoire, notamment à Donetsk, Vinnytsia, Odessa ou à Kiev.
Ces renvois massifs font suite à une enquête menée par plusieurs organismes anticorruption ukrainiens. Plusieurs fonctionnaires chargés des examens médicaux et sociaux sont soupçonnés d'avoir "aidé des citoyens à obtenir des certificats d'invalidité ou à être reconnus temporairement inaptes au service. Cela leur permettait de retarder ou d'éviter le service militaire", d'après le parquet.
Pas moins de 112 procédures pénales auraient ainsi été engagées à l'encontre de plusieurs responsables des centres d'enrôlement, a affirmé Volodymyr Zelensky dans une allocution début août.
Une nouvelle facture douteuse au ministère la Défense
Le 10 août, le ministère de la Défense est accusé d'avoir payé à des prix gonflés une commande d'uniformes à une société turque appartenant au neveu d'un député ukrainien. Cette nouvelle affaire est révélée par plusieurs médias ukrainiens, dont le site d'informations ZN.ua. Comme le souligne Libération, une vidéo publiée par le média Ukrainska Pravda le 25 août complète la première publication.
Selon les révélations de la presse ukrainienne, le ministère de la Défense est soupçonné d'avoir acheté pour près de 30 millions de dollars des tenues hivernales à l'entreprise turque Vector Avia Hava Yukleter, dont l'un des propriétaires est le neveu d'un parlementaire, membre de la commission parlementaire sur la sécurité nationale, la défense et du renseignement.
D'après ces enquêtes, le prix des produits ont triplé après le passage de la frontière, grimpant de 28 à 86 dollars. "J'ai vu comment ces factures évoluent au fil du temps. La première facture indique 'veste de camouflage', la seconde à 86 dollars est présentée comme un 'uniforme d'hiver'", explique le journaliste Yuri Nikolov dans la vidéo d'Ukrainska Pravda. Fin août, le ministre de la Défense, Oleksiï Reznikov, a assuré que les prix facturés correspondaient à ce qui était offert par les fabricants en Turquie.
Mais après avoir traversé près de 550 jours de guerre à la tête du ministère, Oleksiï Reznikov a finalement été remercié dimanche 3 septembre. Volodymyr Zelensky a justifié sa décision par un besoin impératif de changement. "Je crois que le ministère a besoin de nouvelles approches et de nouveaux modes d'interaction avec l'armée autant qu'avec la société civile", a déclaré le chef d'Etat ukrainien.
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