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Guerre en Ukraine : pourquoi Volodymyr Zelensky s'accroche-t-il autant à Bakhmout, ville dévastée et "presque encerclée par les forces russes" ?

Article rédigé par Pierre-Louis Caron - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Un immeuble détruit par des tirs d'artillerie à Bakhmout (Ukraine), le 16 décembre 2022. (ANDRE LUIS ALVES / ANADOLU AGENCY VIA AFP)
La cité industrielle transformée en champ de ruines garde une valeur stratégique et symbolique pour les deux camps, explique le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue "Défense nationale".

C'est la bataille la plus meurtrière depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine, en février 2022. A Bakhmout, dans l'est du pays, les combats font toujours rage, mercredi 8 mars, et le tableau s'assombrit pour les forces ukrainiennes. Dans la matinée, Evgueni Prigojine, patron de la société militaire privée russe Wagner, a revendiqué le contrôle des quartiers est de la ville grâce à l'action de ses mercenaires. Quant au reste de la cité, il pourrait "finalement tomber dans les prochains jours", a déclaré quelques heures plus tard le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, en marge d'une réunion à Stockholm.

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Ces derniers jours, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait appelé à poursuivre la mobilisation autour de Bakhmout, ville à défendre coûte que coûte. "Nous devons rester forts (...), faire tout ce que nous pouvons tant que nous recevons des armes et du matériel", a-t-il encore déclaré mardi soir, dans un entretien à CNN (en anglais). Pour mieux saisir l'importance de cette ville aux yeux du pouvoir ukrainien, franceinfo a interrogé le général français Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la Revue défense nationale.

Franceinfo : comment analysez-vous la situation à Bakhmout, dont on annonce la chute aux mains des forces russes depuis plusieurs jours maintenant ?

Jérôme Pellistrandi : C'est une guerre d'attrition qui se poursuit, avec des combats de rue barbares et usants. Les Russes sont en offensive, donc c'est à eux de progresser. Mais leur avancée est très lente et ils ont enregistré des pertes très lourdes. Selon les services de renseignements occidentaux, entre 20 000 et 30 000 combattants russes ont déjà perdu la vie dans cette bataille, c'est énorme ! On peut comparer Bakhmout à la fois à la bataille de Verdun [en 1916, entre l'armée française et l'armée allemande ], car c'est une guerre de position avec des pertes très élevées, mais aussi à celle de Stalingrad [en 1942-1943, entre l'armée soviétique et l'armée allemande] pour son côté urbain et l'ampleur des destructions.

A Bakhmout, les Ukrainiens veulent à tout prix éviter d'être submergés. Le fait de combattre en ville, même dans des ruines, leur a permis de résister à un plus grand nombre d'adversaires, dans un rapport de un contre 10 environ. Mais les Russes tirent à vue avec leurs blindés, et quand vous avez des hordes de fantassins, même mal formés, qui déboulent, vous souffrez. La ville est presque encerclée par les forces russes et c'est une question difficile qui continue à se poser pour l'état-major : se retirer et perdre du terrain, ou aller jusqu'au bout avec des risques de pertes importantes, y compris pour les quelque 4 000 habitants encore présents ?

Volodymyr Zelensky semble avoir tranché et a annoncé des vagues de renforts dans la zone, y compris des "troupes d'élites". Comment expliquer cette détermination ? 

Bakhmout, c'est un peu la mère de toutes les batailles en Ukraine, car ces derniers mois elle concentre l'essentiel des efforts militaires. Mais c'est aussi une guerre de communication qui s'y joue. Pour les Ukrainiens, il ne faut pas céder un pouce de terrain et on voit bien qu'il leur faut tenir le plus longtemps possible. Cela leur permet d'infliger un maximum de pertes, car, contrairement aux Russes, l'état-major ukrainien envoie des soldats aguerris, de l'infanterie mécanisée avec l'appui de l'artillerie. Toujours sur le terrain de la communication, la récente vidéo d'un soldat exécuté sommairement par les Russes ne peut que renforcer cette volonté de défendre Bakhmout.

Si cette ville tombe, le président Zelensky alerte que les forces russes auront "la voie libre" dans l'est de l'Ukraine. Partagez-vous cette analyse ?

On pourrait voir Bakhmout comme une ville sans intérêt majeur : une cité à la soviétique, avec ses rangées de blocs d'immeuble. Mais pour Moscou, c'est une ville étape dans son opération plus large de conquête de la région du Donbass, avec ses villes industrielles et ses zones minières. Il est vrai que si les Ukrainiens perdent Bakhmout, derrière, on retrouve les villes de Sloviansk, Kramatorsk... C'est le cœur du Donbass. Le Kremlin se doit donc de gagner cette bataille, qui fait partie de la "défense de la mère patrie", une terminologie datant de la Seconde Guerre mondiale. 

Mais il y a un écart entre la symbolique et la réalité sur le terrain. Même si les Russes parviennent à mettre leur drapeau sur la mairie de Bakhmout, est-ce que cela signifie pour autant la fin de la bataille ? Rien n'est moins sûr. Il pourra toujours y avoir des tentatives de reprise, et des combats qui se poursuivent dans les faubourgs. Tant que les Ukrainiens estiment qu'ils peuvent infliger des pertes aux Russes, ils le feront. 

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