Cet article date de plus de deux ans.

Pourparlers russo-ukrainiens : il y a "un problème de bonne foi dans le comportement russe", pointe un expert

"Lorsque la Russie indique qu'il y a une réduction drastique des forces, en réalité, on appelle ça une retraite", explique Julien Théron, co-auteur de "Poutine, la stratégie du désordre".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Julien Théron, sur franceinfo, lundi 14 octobre. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Julien Théron, spécialiste des conflits et de sécurité internationale, et co-auteur de Poutine, la stratégie du désordre, estime mercredi 30 mars sur franceinfo qu'il y a "un problème de bonne foi dans le comportement russe", et que le Kremlin "fait apparaître une retraite comme un mouvement de bonne volonté", alors que, selon Julien Théron, il ne respecte pas ses engagements au fil des négociations sur l'Ukraine selon lui.

>> Guerre en Ukraine : suivez notre direct.

franceinfo : Quand Tchernihiv, à 150 kilomètres de Kiev, est bombardée alors que la Russie annonçait une réduction de ses activités militaires sur place, peut-on croire la parole du Kremlin ?

Julien Théron : Lorsque la Russie indique qu'il y a une réduction drastique des forces, en réalité, on appelle ça une retraite, parce qu'il y a une contre-offensive ukrainienne contre les troupes russes, à la fois à l'ouest et à l'est de Kiev. Ce sont des éléments de langage. C'est une manière de faire apparaître une retraite comme un mouvement de bonne volonté, de désescalade. Or, on a déjà eu ce genre d'annonces en décembre.

"Ce sont des mouvements diplomatiques qui ont un but stratégique."

Julien Théron, spécialiste des conflits et de sécurité internationale

à franceinfo

Le Kremlin affirme que rien "de très prometteur" n'est sorti des pourparlers mardi entre Russes et Ukrainiens en Turquie : comment analyser cela ?

Ça me fait penser aux négociations sur la Syrie. Il y a une dizaine d'années, dans les processus de Genève, les négociations étaient absolument interminables, c'est ce qu'on peut considérer comme un processus dilatoire pour gagner du temps. En réalité, les rares fois où il y avait eu un accord, il n'avait pas été appliqué. Il y a un autre enjeu extrêmement important, c'est qu'il y a eu une mesure conservatoire de la Cour internationale de justice qui a exigé que la Russie arrête les combats. Il y a eu aussi une résolution de l'Assemblée générale de l'ONU qui exigeait que la Russie arrête les combats, et la Russie fait complètement fi des processus onusiens. Elle accepte pour l'heure de participer à ces négociations sous couvert de la Turquie (...) et on met à l'écart l'ONU, on s'autorise à discuter afin de redistribuer les territoires avec des puissances régionales, avec des avancées dont le Kremlin lui-même ne donne guère d'espoir.

Y a-t-il des divergences ou une stratégie du mensonge côté Russe ?

On peut considérer qu'il y a effectivement un problème de bonne foi dans le comportement russe. La Russie se sert du processus diplomatique très clairement pour se montrer au centre du jeu, ce qui n'empêche pas non plus les divergences en interne. On se souvient des discussions au sein de l'armée russe sur la pertinence d'une invasion avant l'invasion. Effectivement, on parle de purges, notamment dans les cercles du FSB, ça veut dire qu'il y a des divergences. Je pense qu'à partir du moment où il y a une ligne prise par rapport aux négociations, c'est plutôt une décision assez homogène de participer aux négociations, et de réorganiser les troupes pour continuer l'offensive.

Kiev réclame des garanties en échange de sa neutralité, avec un engagement contraignant d'autres pays pour la défendre : est-ce par crainte que la Russie ne respecte pas ses engagements ?

Un nouveau texte qui induirait, comme proposé mardi à Istanbul, un nouvel engagement à ne pas recourir à l'arme nucléaire et à avoir un statut de neutralité, tout ça était déjà inscrit dans le Mémorandum de Budapest [en 1994]. On peut s'interroger sur la pertinence de signer un nouveau texte alors que le précédent était tout à fait pertinent et a été purement et strictement violé par la Fédération de Russie lors de son attaque contre l'Ukraine. Effectivement, les garanties de sécurité d'un certain nombre de pays pourraient être imaginées. Le président ukrainien indique que le choix serait les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, ou la Pologne, voire d'autres pays comme la Chine ou Israël. En tout cas, on voit bien une volonté d'aller chercher des soutiens avec des clauses engageantes pour un certain nombre de pays de garantir l'indépendance territoriale de l'Ukraine, c'est-à-dire, en termes pratiques, qui viendraient défendre l'Ukraine si la Russie revenait se battre sur son territoire.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.