: Reportage "J’ai déjà oublié celui que j’étais avant la guerre" : en Ukraine, les soldats épuisés par un conflit qui semble interminable
La situation est toujours "extrêmement difficile" autour de la ville de Pokrovsk en Ukraine. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky l’a lui-même reconnu. L’armée russe a fait de cette ville de plus de 50 000 habitants sa priorité. Des combats acharnés se déroulent là-bas depuis des mois maintenant. Et les soldats ukrainiens sont épuisés, mais malgré tout déterminés, comme l’a constaté franceinfo. Nous avons pu en rencontrer plusieurs, dans un camp d’entrainement, à une vingtaine de kilomètres en retrait du front.
Pavlo et ses camarades ont arrêté de compter combien de balles ont été tirées depuis le début de la guerre, combien d’ennemis tués, combien de fois la mort a été évitée. Ils combattent sur le front du Donbass depuis deux ans et demi. "J’ai déjà oublié celui que j’étais avant la guerre. Le temps passe. J’ai fini par m’habituer à celui que je suis devenu."
"Sur le front, soit tu recules, soit tu creuses pour survivre."
Pavlo, sodlat ukrainienà franceinfo
Celui qu’il est devenu, c'est un homme épuisé, qui prie chaque jour pour sauver sa peau. "Jamais, je n’aurais cru qu’à la guerre, une pelle était aussi importante et qu’elle pouvait te sauver." S’enterrer pour échapper aux drones russes, c’est le quotidien de ces fantassins comme Pavlo, qui malgré tout ne se laisse pas abattre. "Il faut essayer de rester positif, se raconter des blagues avec les gars pour se changer les idées."
Des soldats "crevés" mais qui restent "motivés"
Mais où trouver la motivation, la force de se battre encore, alors que tous les jours, les Ukrainiens reculent sur le front ? Teren est le chef d’une unité de dix fantassins. "On est presque tous crevés, mais on reste motivés. Depuis que je suis là, depuis deux ans et demi sur le front du Donbass, j’ai compris qu’il fallait qu’on arrête les Russes ici, sinon après, ce sera trop tard."
Teren évoque aussi son autre motivation, "le contact avec les frères d’armes". "Appeler ceux qui sont blessés. Chacun de nous a laissé une partie de soi à l’arrière : la famille, les proches… Alors les appeler, leur parler, ça, ça me motive. Moi, par exemple, j’ai deux enfants que j’essaie d’appeler dès que je peux." Les appeler oui, mais les voir, c’est très rare. Les soldats ukrainiens n’ont droit qu’à 30 jours de permission par an.
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