: Témoignages Guerre en Ukraine : "J'ai fait mes valises en trente minutes et nous avons quitté la ville"
Au premier jour de l'invasion russe dans l'est de l'Ukraine, des dizaines de milliers de civils ont fui les bombardements, vers l'ouest ou d'autres pays. franceinfo les a suivi sur la route de l'exode.
Au premier jour de l'opération militaire russe en Ukraine, les Ukrainiens de l'est du pays ont fui en masse les combats et les bombardements pour tenter de se réfugier dans d'autres villes ou d'autres États. Selon un décompte du Haut commissariat aux réfugiés (HCR), l'offensive de Moscou a fait quelque 100 000 déplacés à l'intérieur de l'Ukraine, jeudi 24 février, et quelques milliers de civils ont fui dans les pays voisins, principalement la Moldavie et la Roumanie.
>> Guerre en Ukraine : suivez l'évolution de la situation dans notre direct
Ainsi, dès les premiers bombardements, des files de voitures se sont formées sur la route principale qui relie l'est et l'ouest de l'Ukraine. Elles ont finalement constitué un embouteillage monstre sur des dizaines de kilomètres, dans un décor de steppes et de plateaux. "Je me suis réveillée à 5 heures du matin parce qu'il y avait des bombes", raconte Catherine, professeure d'anglais. Elle a quitté sa ville de Kharkiv, dans l'est du pays, avant les premières lueurs du jour. "J'ai fait mes valises en environ trente minutes et nous avons quitté la ville." Sa ville de Kharkiv s'est vidée d'une grande partie de ses habitants, terrifiés par les puissantes explosions.
Parmi ces déplacés, on trouve aussi Ahmed. "Je viens d'Alep", raconte ce Syrien qui a fui son pays, à feu et à sang, en 2012. "Nous avons connu la guerre, la grande guerre. C'est pour ça que nous sommes venus en Ukraine." Cet homme de 35 ans est contraint à un nouvel exode. "C'est de nouveau la guerre et nous devons encore une fois fuir pour trouver un endroit en sécurité." Il compte se rendre en Pologne.
"Ça fait dix ans que je vivais ici. C'est pour ça que je suis triste. J'avais mon travail, ma vie. C'était mon histoire."
Ahmed, Syrien de 35 ans qui vivait en Ukraineà franceinfo
La file des Ukrainiens qui quittent leur domicile et leur région, sur la route depuis le Donbass vers Dniepro, est impressionnante. Elle est notamment due à l'impréparation de ces habitants. En effet, il y a quatre ou cinq jours, personne en Ukraine - que ce soit à Kiev, Kharkiv et même dans le Donbass - ne pouvait concevoir qu'il y aurait une guerre. Ce pays était en paix : on allait au cinéma et on sortait. D'un seul coup,il y a eu cette annonce et les Ukrainiens ont vu leur pays être bombardé. Ces gens avaient à peine une ou deux petites valises, un bonnet, une veste et sont partis.
Autre raison pour expliquer cette fuite aussi massive et rapide des civils : l'avancée rapide des Russes. Il suffit de regarder une carte de l'Ukraine : il y a des poches qui commencent à être prises par les Russes. Par exemple, à quatre heures de Dniepro, le drapeau russe a déjà été hissé dans une petite ville de la région de Kherson.
Un exode risqué sur les mêmes routes que les militaires
Sur la route entre Dniepro et Kiev, les voitures roulent au ralenti. Par endroits, des check-points militaires ukraniens sont installés. Ils sont de plus en plus équipés, préparant même pour certains des barricades en béton armé avec des engins de chantier. Il règne une ambiance de veillée d'armes, avec un vrai risque pour les civils en fuite. En effet, ils empruntent les mêmes routes que les convois militaires ukrainiens qui filent vers Kiev. Ils peuvent donc être à tout moment la cible de nouvelles frappes russes pour déstabiliser l'organisation de la défense de la capitale ukrainienne.
Si ce départ est un vrai déchirement pour ces déplacés, qui n'auraient jamais imaginé devoir fuir leur ville sous les bombes, il n'a en revanche rien de surprenant pour Vitali. "Malheureusement, mon ami et moi étions préparés à ça", affirme cet ingénieur qui connaît bien la Russie et les méthodes de son président Vladimir Poutine. "Ces deux dernières semaines, nous avons lu des choses horribles sur les réseaux sociaux russes. Ce sont des appels au meurtre. Qui est Poutine ? C'est un tueur et un agresseur."
La sidération pour certains habitants
Si l'exode est important, certains habitants sont aussi totalement sidérés. "Il n'y a pas d'autre mot pour décrire la situation", explique ainsi cet homme, complètement hagard et perdu. Lui reste dans sa commune et voit passer des dizaines de voitures. "Ils partent sans arrêt depuis 7 heures du matin", raconte-t-il en fumant sa cigarette. "Les gens ont été réveillés parce que leur maison tremblait. C'est toute l'Ukraine de l'est qui part et ces gens là ne savent même pas où ils vont." Il évoque "la peur" qui le saisit à l'idée d'une progression plus poussée des Russes. "Qui n'a pas peur de cette invasion totale ?"
Cette peur qui se confirme par les récentes informations, notamment les combats en cours vendredi à Kiev et la progression des troupes russes dans d'autres villes. Pour accueillir les réfugiés, l'Europe se prépare. Les pays voisins, comme la Pologne ou la Roumanie, ont notamment déjà mis en place des centres d'accueil. Cette guerre pourrait déplacer près de cinq millions d'Ukrainiens.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.