Ukraine : le jour où le pouvoir a basculé
Le parlement ukrainien a libéré samedi l'opposante emprisonnée Ioulia Timochenko et décidé d'une élection présidentielle anticipée en mai, destituant de facto Viktor Ianoukovitch. Il dénonce un "coup d'Etat".
La situation a évolué d'heure en heure samedi 22 février en Ukraine. Les députés ukrainiens ont destitué le président Viktor Ianoukovitch qui aurait tenté de fuir son pays pour gagner la Russie. L'opposante Ioulia Timochenko a elle été libérée et acclamée à Kiev. Voici ce qu'il faut retenir de cette journée historique.
1Le pouvoir bascule
Le parlement ukrainien a décidé d'une élection présidentielle anticipée en mai, destituant de facto le président Viktor Ianoukovitch. Les députés ont constaté ce qu'ils ont considéré comme une vacance du pouvoir et destitué le chef d'Etat. "Le président Ianoukovitch s'est écarté du pouvoir et ne remplit plus ses fonctions", indique la résolution adoptée par les députés, qui ont fixé au 25 mai l'élection présidentielle anticipée.
Les défections se sont multipliées samedi dans le camp du chef de l'Etat, au fur et à mesure que l'opposition s'emparait des leviers du pouvoir. Le président du Parlement ukrainien et proche de Ianoukovitch, Volodymyr Rybak, a annoncé samedi matin sa démission. Le bras droit de l'opposante Ioulia Timochenko a été élu pour le remplacer.
Elément essentiel qui a pesé dans la balance et dans le basculement du pouvoir, les forces armées ont annoncé dans un communiqué qu'elles respecteraient leurs "obligations constitutionnelles" et se tiendraient à l'écart de la crise politique actuelle. La police a elle évacué le quartier gouvernemental dans la capitale, le laissant sous le contrôle du service d'ordre des opposants.
2Le président Ianoukovitch en fuite
Avant ce vote, Viktor Ianoukovitch avait quitté la capitale pour se réfugier dans l'est de l'Ukraine, à majorité russophone, où il pouvait compter sur le soutien des dirigeants des régions. De Kharkiv, Viktor Ianoukovitch, dont le mandat court jusqu'en mars 2015, a assuré qu'il n'avait nullement l'intention de démissionner. "Le pays assiste à un coup d'Etat (...). Je suis un président élu de manière légitime", a-t-il souligné dans une allocution télévisée. Il a aussitôt reçu le soutien de la Russie, qui estime que "l'opposition n'a pas rempli une seule de ses obligations" figurant dans l'accord signé vendredi avec le président et dénonce "les extrémistes armés et les pillards dont les actes constituent une menace directe [pesant] sur la souveraineté de l'Ukraine". La déclaration de Viktor Ianoukovitch a été enregistrée à une date inconnue.
Alors que l'accord qu'il a conclu vendredi prévoit qu'il entérine rapidement des mesures adoptées par le parlement en vue de la formation d'un gouvernement d'union nationale, Viktor Ianoukovitch a souligné qu'il n'allait "rien signer avec les bandits qui terrorisent le pays".
Le nouveau président du Parlement, Olexandre Tourtchinov, a affirmé que le chef d'Etat se cachait dans la région de Donetsk (est), dont il est originaire. "Il a essayé de prendre un avion à destination de la Russie, mais il en a été empêché par des gardes-frontières", a-t-il assuré. Le patron des gardes-frontières de l'aéroport de Donetsk confirme. "Des hommes armés qui ont proposé de l'argent aux fonctionnaires pour pouvoir décoller sans autorisation." En vain.
3L'opposante historique Timochenko libérée
"Ioulia libérée !" : des centaines de personnes à Kharkiv ont salué la libération de I'ancienne égérie de la Révolution orange de 2004 à proximité du centre pénitentiaire où elle était hospitalisée.
Dans la soirée, elle s'est rendue sur le Maïdan, la place de l'Indépendance où campent des milliers d'opposants, recevant un accueil triomphal. En larmes, elle a salué "les héros de l'Ukraine".
"La dictature est tombée non pas grâce aux hommes politiques et aux diplomates, mais grâce aux gens qui sont sortis dans la rue, qui ont réussi à protéger leurs familles et leur pays", a-t-elle déclaré un peu plus tôt, rendant hommage aux centaines de milliers de personnes qui ont manifesté pendant trois mois leur opposition au régime.
4La population reste calme
Dans la banlieue de Kiev, un embouteillage monstre a été provoqué par l'afflux de milliers d'Ukrainiens allés jeter un oeil sur la luxueuse résidence présidentielle, abandonnée par la sécurité. Les lieux sont gardés par le service d'ordre des opposants, qui laisse les curieux contempler de l'extérieur les pièces décorées de marbre et de dorures, la salle de réception en forme de galion et une collection de faisans... Toutefois, le service d'ordre des opposants ne laisse pas les visiteurs rentrer au sein de la villa, de peur de dégradations qui nuiraient à l'image de l'opposition.
Sur le Maïdan, transformée en quasi-zone de guerre, au cœur de Kiev, des milliers de personnes sont venues avec une bougie et des fleurs. Des photos de manifestants tués sont affichées sur le podium érigé au centre de la place et une inscription proclame "gloire aux héros".
A Kharkiv, des responsables des régions pro-russes de l'est ont remis en cause la "légitimité" du Parlement ukrainien, considérant qu'il travaille actuellement "sous la menace des armes". "L'intégrité territoriale et la sécurité de l'Ukraine se trouvent menacées", ont-ils estimé. L'Ukraine, 46 millions d'habitants, est divisée entre l'Est russophone et russophile, majoritaire, et l'Ouest nationaliste et ukrainophone.
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