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Ukraine : Moscou promeut "l'homme russe" contre les valeurs occidentales

Les autorités russes travaillent sur une nouvelle politique culturelle fondée sur les valeurs démarquant la Russie de l'Occident. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le président russe Vladimir Poutine à Moscou, le 18 avril 2014. (MAXIM SHIPENKOV / AP / SIPA)

"Un Russe, ou plutôt une personne appartenant au monde russe, pense d'abord et avant tout qu'un homme a une haute destinée morale. Les valeurs occidentales sont [à l'inverse] que la réussite se mesure à la réussite personnelle." Vladimir Poutine a donné le ton, jeudi 17 avril, lors de sa séance de questions-réponses télévisées. Samedi 19, la presse russe révèle que Moscou travaille sur une nouvelle politique culturelle fondée sur les valeurs démarquant la Russie de l'Occident, en pleine crise sur l'Ukraine.

Cette nouvelle politique, dont la rédaction revient au ministère de la Culture, se base sur la thèse que "la Russie n'est pas l'Europe" et s'appuie sur de nombreuses citations des discours de Vladimir Poutine. Selon une première version du texte du ministère, révélée dans la presse, la Russie est à la croisée des chemins et doit faire un choix entre l'extinction culturelle et la sauvegarde de ses "fondements moraux et spirituels". La solution, "une politique culturelle d'Etat".

"Gardiens de la véritable civilisation européenne"

Le document est entre les mains d'un groupe de travail du Kremlin présidé par l'un des plus proches appuis de Vladimir Poutine, son chef de cabinet Sergueï Ivanov, un ancien agent du KGB récemment mis sur liste noire par les Etats-Unis. 

Dans une interview au journal Kommersant, le ministre de la Culture, Vladimir Medinski a de son côté souligné que la Russie devait "protéger" sa culture des errements, selon, lui, de la culture contemporaine européenne. "La Russie sera peut-être l'un des derniers gardiens de la culture européenne, des valeurs chrétiennes et de la véritable civilisation européenne", a-t-il affirmé.

Une approche "soviétique", dénoncent les analystes

"L'idée principale, c'est que nous devons nous défendre de l'Occident, que l'Occident est le diable", résume l'analyste politique Alexeï Makarkine qui souligne que la tendance, déjà visible ces dernières années a été amplifiée par la cris en Ukraine. Il cite pour exemple la loi adoptée en 2012 pour obliger les ONG bénéficiant de financements étrangers à s'enregistrer comme "agent de l'étranger".

A l'époque stalinienne, le terme était appliqué aux opposants réels ou supposés du régime, qui étaient alors fusillés ou envoyés dans les camps. Il était aussi employé par les autorités soviétiques dans les années 1970 et 1980 à l'égard des dissidents, accusés d'être à la solde de l'Occident. "Nous vivions ainsi à l'époque soviétique. C'était apprécié par les conservateurs, ceux qui voulaient un monde confortable, hermétique sans choses irritantes comme l'art abstrait", poursuit l'analyste.

De leur côté, 25 professeurs de l'Académie des Sciences ont rejeté dans une lettre ouverte le concept d'une Russie étrangère à l'Europe. Accusant le texte et son "idéologie d'Etat" de violer la Constitution russe, ils regrettent que le gouvernement, plutôt que de financer la recherche et favoriser les débats, ne préfère imposer une vision étrangère à l'histoire.

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