GRAND FORMAT. "Soit on avance, soit on meurt" : de la Guinée à la France, le voyage cauchemardesque d'un migrant de l'"Aquarius"
Charlotte sur la tête, M'Bemba* arrose d'huile une grande plaque de cuisson, avant d'y disposer des parts de pizzas. Autour du jeune Guinéen, une petite dizaine de personnes s'activent dans la cuisine. Il est 11 heures. Dans quelques minutes, les bénéficiaires de cette association qui vient en aide aux personnes démunies se presseront dans la petite salle aux murs jaunes pour probablement le seul repas chaud de leur journée. En attendant, elles patientent dans la pièce d'à côté autour d'une télé qui diffuse des dessins animés. "Indigents, SDF, migrants, retraités avec un faible reste à vivre... Ici, on accueille tout le monde sans distinction, c'est la maison de tout le monde", pose Lionel*, le directeur.
A le regarder diriger ceux qui l'entourent, impossible de deviner que M'Bemba partage plus de points communs avec les personnes de l'autre côté du comptoir qu'avec ces bénévoles venus donner de leur temps libre. Il n'a que 29 ans mais ce qu'il a traversé pour venir dans cette ville moyenne du centre de la France pèse déjà lourd. "Si je n'avais pas l'association, ces gens avec qui parler, ma tête exploserait", résume-t-il. M'Bemba est un migrant. Ce naufragé est arrivé en Europe à bord de l'Aquarius à l'automne 2016, avec pour seul bagage les traumatismes subis en Libye et en mer Méditerranée.
Cette histoire, il a accepté pour la première fois de la raconter dans le détail. Pendant près de quatre heures, il s'est confié à nous dans le calme de sa chambre. Pour témoigner de "l'enfer" vécu par les migrants. Pour exorciser aussi ses mauvais souvenirs et tenter de passer à autre chose. Voici le récit de son parcours, qui permet d'éclairer la trajectoire des 1,9 million de personnes arrivées en Europe par le même chemin depuis 2014.
Une enfance d'infortune
M'Bemba est "un gars de la campagne". Il a grandi loin de Conakry, la capitale de la Guinée, dans un petit village où tout le monde ou presque est agriculteur. "Tout se faisait à la main, pas de machine. Mon père cultivait du riz, de l'igname, de la patate douce, du manioc, des ananas, des bananes", énumère-t-il, dans un français teinté d'un léger accent. Sa mère s'occupe du "jardin" et de ses légumes, M'Bemba et sa sœur sont scolarisés. Une vie paisible, qui fait quelques envieux. "De ce qu'il raconte, on comprend que son père était un peu jalousé. Il avait une position reconnue, des terres, les gens venaient lui demander conseil", complète Dominique*, 62 ans, chez qui M'Bemba réside depuis quelques mois.
Les malheurs du jeune homme commencent en 2001. Son père est poignardé à mort par son oncle lors d'une dispute familiale. Sa mère disparaît un an plus tard, emportée par une fièvre typhoïde. L'oncle "assassin" prend le contrôle de la famille, des enfants et des biens. Alors que ses parents s'y étaient toujours opposés, il décide de faire exciser sa nièce de force. "Ma sœur a développé des maladies et elle est morte à l'âge de 17 ans", lâche M'Bemba, les larmes aux yeux. Le jeune garçon est retiré de l'école à 12 ans, contre son gré, et envoyé aux champs. Assis sur son lit, M'Bemba écarte son tee-shirt pour montrer une cicatrice sur sa clavicule :
Cette cicatrice ici, c'est lui. Je m'étais caché pour aller à l'école, il l'a su, il m'a frappé et je suis tombé.
Seul et sans perspective, il devient "l'esclave de la famille" pendant quinze ans. Aux champs la semaine, au village le week-end. Sans salaire. Jusqu'à ce qu'un ancien employé de son père prenne "pitié" de lui en 2016. Il lui conseille alors de partir, d'aller tenter sa chance ailleurs. Devant les hésitations du jeune homme, qui ne sait où aller, il lâche : "Tu es grand, tu n'es pas un enfant. Si tu restes ici, tu gâches ta vie, tu n'as aucune importance." M'Bemba décide de fuir et grimpe, en pleine nuit, dans un taxi-brousse. Direction Conakry, la capitale. Dans son sac, une tenue de rechange et les quelques économies rassemblées en vendant des légumes au noir, dans le dos de son oncle. Il marque une pause dans son récit et se frotte les yeux : "Parfois, quand je pense à mes parents, je pleure. Si mon papa était toujours là, je ne serais pas venu jusqu'ici. J'aurais étudié."
A la merci des passeurs
M'Bemba débarque à Conakry un matin de janvier 2016. Il ne connaît personne dans la capitale guinéenne. Alors, comme d'autres jeunes désœuvrés, il propose ses bras aux abords du marché de Sonfonia contre quelques francs guinéens. Un jour, une commerçante lui demande de porter ses bagages. Pris de vertiges à cause du manque de nourriture, le jeune homme s'effondre sur la chaussée. "La dame a eu peur. Elle m'a proposé de venir me reposer chez elle", retrace-t-il. M'Bemba lui raconte son histoire. "En Afrique, c'est comme ça. Quand tu n'as plus de parents, tu es foutu", commente, fataliste, la quinquagénaire. Elle propose au jeune homme de rester chez elle et de lui rendre service dans son commerce. "Je suis devenu comme son fils, je l'aidais beaucoup", résume M'Bemba.
Un fils, cette commerçante en a déjà un. Il s'appelle Karim* et a 30 ans en 2016. "C'est devenu mon ami intime. On priait ensemble", se souvient M'Bemba. C'est Karim qui évoque le premier l'Europe, un mois après l'arrivée de M'Bemba à Conakry. Le trentenaire rêve de devenir footballeur sur le continent et se dit prêt à voler de l'argent à ses parents – opposés à tout départ – pour financer le voyage. M'Bemba tente de le dissuader, sans succès. En juillet 2016, Karim prend la décision de partir et insiste pour que son ami l'accompagne. "Il m'a dit : 'Si tu restes ici, tu vas pourrir, tu n'as pas d'avenir, il faut regarder loin'", se remémore M'Bemba. Le jeune homme se laisse convaincre.
Les deux compères se rendent chez un passeur de Conakry, avec dans la poche 1 500 euros volés à la mère de Karim. Dans son échoppe, ce dernier leur sort le grand jeu. "Il nous disait que la Libye était un pays sûr. Il nous montrait des photos de gens en disant : 'J'ai fait rentrer celui-ci en Italie, celui-là en France'", rapporte M'Bemba. L'homme leur demande 1 000 euros pour les emmener jusque sur les rives libyennes de la Méditerranée.
C'était fini. J'étais rentré dans la catastrophe.
Karim et M'Bemba montent dans un taxi-brousse, direction le Mali puis le Burkina Faso. Dans leur sac, deux "complets" – tee-shirt, jean, sous-vêtements – et une paire de sandales en plastique bleues. Karim emporte aussi un téléphone et les 500 euros qu'il leur reste. Ce pécule doit leur permettre de payer la traversée de la Méditerranée, il ne résistera pas bien longtemps à la cupidité des militaires maliens et burkinabés. A un premier barrage, on leur demande 25 000 francs CFA (38 euros) par tête pour continuer le voyage. "Si tu ne les as pas, tu descends. On a traversé 17 barrages pour aller jusqu'à Ouagadougou, parfois c'était 1 000 francs CFA, parfois 50 000. Ils savent tous que c'est la route des migrants et qu'il y a de l'argent", témoigne le jeune exilé. Pour se rendre au Niger, leur prochaine étape, ils traversent à nouveau quatorze "checkpoints".
Ils n'ont plus que 5 000 francs CFA (7,62 euros) en poche lorsqu'ils arrivent à Niamey, la capitale du Niger. Karim appelle le passeur de Conakry, furieux. Le ton monte. "Il l'a insulté, lui a dit : 'Tu m'as menti, tu m'as dit que je n'avais plus rien à payer'. Il a même insulté sa maman", témoigne M'Bemba. Fataliste, le jeune homme calme son ami : "On est déjà dans le problème. C'est toi qui nous as mis dans la merde, je t'avais dit que ce n'était pas bon. On a jeté les dés, maintenant, soit on avance, soit on meurt." Il faut se résoudre à appeler la mère de Karim, qui découvre leur départ. Malgré sa colère, elle accepte d'envoyer de l'argent par mandat, environ 200 euros. Prochaine étape, Agadez.
Dans l'enfer libyen
C'est dans cette ville du nord du Niger, en plein désert, que commence "la route de l'enfer" jusqu'à la Libye. Comme à chaque étape, tout est bien organisé pour leur transport. "Il y a toujours quelqu'un qui vient te récupérer, qui connaît ton nom ou le numéro de ton véhicule. Je ne sais pas comment le monsieur en Guinée fait", confie M'Bemba. Ici, il faut troquer le taxi-brousse ou le mini-bus pour un pick-up. Dans la benne de l'engin, les passeurs entassent une vingtaine de migrants, grâce à un système qui donnerait des sueurs froides à la Sécurité routière. Des bouts de bois sont calés sur le pourtour de la benne. Les passagers s'assoient sur le rebord, à califourchon sur leur bâton. "Ce morceau de bois, c'est ta seule sécurité. S'il tombe, tu tombes avec et t'es mort", explique M'Bemba. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé à une femme de son convoi, après que son pick-up a heurté un caillou. "On a creusé le sable et on l'a mise dedans, recouverte de pierres", expose le jeune Guinéen. Une tombe anonyme de plus dans un désert qui n'en manque pas.
Le convoi de huit voitures roule sans beaucoup s'arrêter. "Tant que le moteur tourne, tu roules. Si tu es mal placé dans la remorque, tu ne bois pas et tu ne manges pas", explique M'Bemba. Le deuxième jour, après une nuit sur le sable du désert, le convoi entre en Libye puis gagne Sebha. Les migrants sont fouillés, dépouillés et parqués dans un enclos "comme des moutons". Il faut accrocher ses vêtements aux clôtures pour se protéger du soleil. "Tu n'as plus de portable, plus d'argent, plus de bons vêtements. Ils te retirent tout en te disant que ce n'est pas pour toi", témoigne M'Bemba.
Pour les deux Guinéens, le cauchemar commence. Il se répétera pendant toute la durée de leur séjour en Libye, selon un schéma bien rodé. Dans chaque localité, le groupe armé aux commandes prélève sa dîme. Pour avancer, il faut payer. Sinon, c'est la mort.
Le premier jour, ils arrivaient en demandant de payer, par exemple 500 euros par personne. Si personne ne paye, ils abattent quelqu'un au hasard et disent : 'On revient demain et si vous ne payez pas, on vous tue tous'.
Il y a toujours un interprète pour traduire ces menaces, un téléphone disponible pour appeler un proche à l'aide et un numéro pour envoyer l'argent en une demi-heure. La mère de Karim met une deuxième fois la main à la poche. "Elle a commencé à l'insulter : 'Karim, tu vas me tuer, c'est toi qui as créé tout ça'. J'ai pris le téléphone, je lui ai dit : 'Ce n'est pas le moment de crier, si tu ne payes pas, on va tous mourir ici ce soir'", poursuit M'Bemba.
Parfois, les malheureux ont droit à un repas par jour. A d'autres endroits, ils n'ont que de l'eau salée à disposition. "On a bu ça pendant deux-trois jours et puis on a commencé à tomber malades", se souvient M'Bemba, dont la gastrite contractée en Guinée s'aggrave. Les femmes sont encore plus maltraitées. M'Bemba en a vu se prostituer pour payer leur passage, d'autres être violées. Il se souvient particulièrement d'une jeune Ivoirienne de 17 ans, embarquée dans un pick-up un soir. Elle a été déposée le lendemain les cuisses couvertes de sang, incapable de marcher toute seule. "Ce ne sont pas des musulmans ces gens. Ce n'est pas ça l'islam", s'emporte le jeune homme, très croyant. Sauvés par les 8 000 euros déboursés par les parents de Karim, les deux Guinéens arrivent à l'automne 2016 sur les rives de la Méditerranée.
A la dérive en pleine Méditerranée
Une nuit d'automne, M'Bemba et Karim se retrouvent sur une plage libyenne avec 600 personnes. Avant de quitter le pays, ils sont fouillés une dernière fois. "Tu enlèves tous tes habits, ils te mettent la main dans le slip. Ils ne veulent surtout pas que tu partes avec des images, des preuves de ce que tu as subi", raconte M'Bemba, avant de brandir les écouteurs de son téléphone : "Même s'ils te trouvent avec ça, ils te coupent la tête." Six bateaux pneumatiques sont mis à l'eau. Les passeurs attendent qu'un volontaire se désigne pour prendre les commandes. "Ils leur disent de conduire tout droit pour aller en Italie et c'est tout", témoigne M'Bemba. Aucun téléphone pour alerter d'éventuels secours, aucune carte, aucuns vivres, aucun gilet de sauvetage. Les six embarcations, avec une centaine de personnes à bord chacune, s'élancent dans la nuit noire.
Le premier jour, la flottille ne croise aucun bateau et n'aperçoit aucune côte. La nuit tombe. Coincé sur le bord du bateau, M'Bemba ne peut s'appuyer sur rien pour dormir. A chaque fois que ses yeux se ferment et que sa tête s'affaisse, il est réveillé en sursaut. La tension monte à mesure que l'espoir s'amenuise. Des disputes éclatent, des insultes fusent. Le capitaine improvisé tente de calmer les esprits : "Si vous continuez les palabres, on va chavirer et on va tous mourir." Contrairement à ses camarades, M'Bemba a appris à nager dans les rivières de sa campagne guinéenne. Mais comment s'en sortir en plein milieu de la mer ? "Je pensais que c'était foutu. Il y avait de ces vagues..." se souvient-il. Avec le plat de sa main, il mime les rebonds du canot à la surface de l'eau.
Le deuxième jour, une coque orange apparaît à l'horizon. Sous la passerelle, M'Bemba lit l'inscription "SOS Méditerranée". "Je ne connaissais pas. On s'est dit que c'était peut-être un bateau de pêche", se remémore le jeune Guinéen. Il s'agit en réalité de l'Aquarius, un navire affrété depuis février par une ONG pour sauver les migrants à la dérive en Méditerranée. Depuis le pont, un homme s'adresse à eux en anglais, puis en français : "Restez tranquilles, on est là pour vous sauver."
On leur jette des gilets de sauvetage, avant de les faire monter à bord. Le soulagement ne dure pas longtemps pour M'Bemba. Car Karim n'était pas dans la même embarcation que lui. Sur le pont de l'Aquarius, le jeune Guinéen fait les cent pas. Un deuxième bateau arrive, puis un troisième, un quatrième, un cinquième. Mais pas de nouvelles du sixième. M'Bemba interroge les nouveaux arrivants. "Ils m'ont dit : 'Karim est resté dans l'eau'", lâche-t-il. Assis sur son lit, M'Bemba se prend la tête dans les mains. Des larmes coulent sur ses joues.
C'est le plus gros choc que j'ai eu dans ma vie. J'ai perdu mon papa et ma maman, mais ça... On passe, ça me fait trop mal.
A bord du navire, des vêtements, de la nourriture et des médicaments sont donnés aux réfugiés. Une femme de l'équipage tente de consoler M'Bemba. "Elle s'est assise à côté de moi, m'a dit que c'était la vie, que ce n'était pas facile mais que si je me mettais trop ça dans la tête, j'allais devenir fou", reconstitue le jeune homme. Trois jours plus tard, l'Aquarius accoste dans un port italien. Les dates et les lieux donnés par M'Bemba concordent avec les opérations du navire cet automne-là.
L'éden européen
J'étais rentré au paradis." En posant les pieds sur le sol italien, M'Bemba est soulagé d'avoir échappé au bourbier libyen. Mais son voyage n'est pas terminé. Francophone, il a toujours eu pour objectif de rejoindre l'Hexagone. "Pour nous, en Guinée, c'est le meilleur pays du monde. Tu es en sécurité, il n'y a pas d'injustices, pas de corruption. Il y a beaucoup de différences avec notre pays, c'est un peu comme le ciel et la terre", argumente-t-il. Les autorités italiennes le transfèrent dans un camp près de Milan. Pendant huit mois, M'Bemba patiente. Il économise patiemment le pécule versé par les autorités à chaque demandeur d'asile – 75 euros par mois – pour financer la suite de son voyage. Il découvre la neige.
Quand ils ont annoncé à la télévision qu'il allait neiger, on n'a pas dormi. Quand ça a commencé, on est tous sortis du bâtiment pour voir ça. C'était magnifique.
Le voyage se poursuit à Vintimille. Pour passer cette nouvelle frontière, il faut à nouveau payer des passeurs. Leur technique est simple : à la nuit tombée, ils cachent leurs clients dans les toilettes et autres compartiments discrets des trains vides. Le migrant patiente ensuite toute la nuit dans sa cachette, en attendant que le train s'ébranle pour la France. M'Bemba est repris trois fois par la police française qui le renvoie en Italie. A l'été 2017, à sa quatrième tentative, il parvient à passer et suit deux Maliens rencontrés à Vintimille, qui ont une tante dans une ville du centre de la France. Mais cette dernière ne peut pas l'héberger. Après une nuit passée à l'abri grâce au 115, il atterrit dans un foyer pour migrants. C'est là qu'on l'envoie, "pour manger", dans l'association où nous l'avons rencontré.
Ce foyer le dirige également vers la préfecture. Il découvre qu'il est un "Dubliné" : puisque ses empreintes digitales ont été enregistrées en Italie, il est obligé d'y déposer sa demande d'asile. Arrêté début 2018, il est renvoyé en Italie. Deux jours plus tard, il est de retour en France, toujours dans cette même ville, après un nouveau périple. "J'ai recommencé le combat", commente-t-il, sobrement. En attendant décembre 2019, date à laquelle il pourra demander l'asile en France, il reste à la merci d'une nouvelle expulsion.
Pour le jeune homme, il n'est pas question de quitter un environnement où il a déjà commencé à se tisser un réseau. Au sein de son association et au Secours catholique, il a fait la connaissance de bénévoles qui acceptent de l'héberger. "C'est quelqu'un plein de bonne volonté, très souriant et aimable. (...) Je ne l'ai jamais vu de mauvaise humeur, à peine un peu contrarié", témoigne Gérard, chez qui il a habité trois mois. Dominique, qui l'accueille actuellement, confirme :
Il ne semble pas porter le poids de tout ça.
Aujourd'hui, M'Bemba partage son temps entre les cuisines des deux associations où il fait du bénévolat et de menus travaux de jardinage chez des particuliers. Bénéficiaire de la CMU, il a pu soigner son infection gastrique.
Parfois, l'actualité le ramène en Libye. Il a observé avec tristesse les difficultés de l'Open Arms et de l'Ocean Viking à débarquer les migrants secourus en Europe. A son époque, l'Aquarius avait été accueilli sans problème par les autorités italiennes. "Quand j'ai entendu Salvini [alors ministre de l'Intérieur] à la télévision, mes larmes ont coulé. Moi je sais ce qu'ils ont traversé, pas lui, se désole-t-il. Si on te met dans un bateau pour te ramener en Libye, il vaut mieux te jeter à l'eau." Depuis cette funeste journée d'octobre 2016, il n'a pas pu se résoudre à annoncer à la mère de Karim la disparition de son fils. "Il faut que je le fasse, je n'ai pas le choix, reconnaît-il. Personne ne peut lui dire à part moi."
* Tous les prénoms ont été modifiés pour préserver l'anonymat de notre témoin.