Arrivée de migrants en Grèce : l'Europe doit "dire à Erdogan que sa politique de chantage ne paye pas"
Le journaliste Jean-Paul Mari estime que l'Europe doit se montrer ferme avec la Turquie à propos de la crise migratoire.
L'Union européenne doit "dire à Erdogan que sa politique de chantage ne paye pas, et qu'il n'est pas possible d'obtenir un appui politique de l'Europe en traitant des migrants en les considérants comme une simple marchandise qu'on retient dans les prisons ou dans les camps, ou qu'on jette vers les frontières", estime Jean-Paul Mari ce mardi sur franceinfo. Le journaliste, spécialiste des migrations, analyse l'arrivée massive de migrants à Lesbos en Grèce depuis la Turquie et l'accueil violent qu'ont pu avoir les habitants de l'île.
franceinfo :Est-ce que les Grecs se sentent abandonnés par l'Union européenne ?
Jean-Paul Mari : Les Grecs se sentent abandonnés comme les Italiens se sentaient abandonnés. C'est pour ça qu'on a eu les mouvements populistes, notamment en Italie. C'est pour ça qu'on risque d'avoir une montée du populisme en Grèce et des réactions extrêmement dures. Dire qu'on va participer, dire qu'on va vous aider, ce n'est pas suffisant. Ce qu'il faudrait, me semble-t-il, c'est de dire à Erdogan que sa politique de chantage ne paye pas, et qu'il n'est pas possible d'obtenir un appui politique de l'Europe en traitant des migrants, en les considérant comme une simple marchandise qu'on retient dans les prisons ou dans les camps, ou qu'on jette vers les frontières. C'est ce mépris absolu de la personne humaine qui n'est pas acceptable. Ce qu'on attend de l'Europe, ce n'est non pas qu'elle participe en envoyant des tentes et des couvertures pour accueillir des migrants qui vont arriver, mais qu'elle dise au président Erdogan que son attitude politique n'est pas acceptable, que c'est du chantage et du chantage sur l'humain. Et du chantage sur l'humain qui est en danger et qui sort d'une guerre et qu'on renvoie vers une autre guerre, celle des vagues migratoires.
Quel regard portez-vous sur ce qui se passe à Lesbos ?
On ne peut pas faire pire. Quand je suis allé à Lesbos la dernière fois, il y a trois ans, vous aviez une île où il y avait des migrants qui arrivaient, mais vous aviez des gens qui se mobilisaient, qui donnaient des couvertures, des médicaments, de la nourriture. Quand les migrants arrivaient sur le nord de l'île et qu'ils marchaient à pied pour rejoindre la capitale et bien vous aviez des bus qui s'arrêtaient et qui demandaient aux gens de monter. Les gens de Lesbos avaient ce sens de l'hospitalité. En quelques années, on a écrasé Lesbos sous le nombre des migrants sans les aider vraiment et vous avez vu le résultat. Maintenant, on attaque les journalistes, les ONG... Les gens les plus durs prennent la parole et les autres sont visiblement mis en position inférieure. On a fait basculer une île qui est, à l'évidence, sur les nerfs.
C'est une question politique ?
Vous avez un président turc Erdogan, qui comme d'habitude, comme il l'a déjà fait, pratique ce qu'on pourrait appeler la traite des migrants, une traite politique. Pour accepter que les migrants ne quittent pas son territoire, il a demandé de l'argent et il en a obtenu. Il a d'abord demandé 3 milliards et ensuite 6. Il a obtenu cet argent. Il a même demandé à ce que les trucs aient des visas, alors qu'on les refusait aux migrants. Comme il a des difficultés avec le voisin syrien, il demande cette fois-ci un appui politique. Que fait-il pour obtenir cet appui politique ? Il recommence la traite des migrants. Cette fois pas en les retenant, mais en les jetant par vague, sans leur dire que la frontière n'est pas ouverte et que c'est très dangereux. En les jetant par vague vers la frontière grecque pour faire une pression et en ouvrant les vannes : submerger les îles grecques sous une marée de nouveaux arrivants pour laquelle l'île et la Grèce ne sont pas préparées.
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