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Avec l'accord européen sur les migrants, "l’Italie se trouve doublement cocue"

Paolo Modugno, enseignant de civilisation italienne à SciencesPo Paris, a estimé, vendredi sur franceinfo, que l'accord européen sur les questions migratoires "ne fait, pour l’instant, que le jeu de Mme Merkel".

Article rédigé par franceinfo
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Des migrants devant la Croix-Rouge italienne, à Vintimille, dans le nord de l'Italie, le 25 juin 2018. (MIGUEL MEDINA / AFP)

Après des heures de tractations, un "accord de façade" sur les questions migratoires a été conclu par les dirigeants de l'Union européenne, juge Paolo Modugno, vendredi 29 juin sur franceinfo. L'enseignant de civilisation italienne à SciencesPo Paris estime "l’Italie a cédé sur tout, même si Conte [le président du Conseil italien] essaye de faire croire le contraire".

Paolo Modugno explique que "l’Italie se trouve doublement cocue", car elle doit installer un méga hotspot sur son territoire pour voir une partie des demandeurs d’asile pris en charge par d'autres pays européens, sauf que cette prise en charge repose sur la base du volontariat.

franceinfo : Avant de juger le contenu, pouvons-nous nous réjouir de cet accord ?

Paolo Modugno : En Italie, le nœud du problème se situe au sein du gouvernement. Le président du Conseil, Giuseppe Conte, essaye de trouver sa place dans le triangle que forment le ministre des Affaires étrangères et le président de la République, Sergio Mattarella, qui sont plutôt pro-européens. De l’autre côté, il y a le ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, qui ne réagit pas bien à cet accord. Il dit vouloir attendre de voir les actes avant de crier : "Vive l’Europe".

L’Italie a cédé sur tout, même si Conte essaye de faire croire le contraire.

Paolo Modugno

Dans la presse italienne, on titre "Una Caporetto" du nom de notre première défaite pendant la Première Guerre mondiale. Concrètement, cet accord ne change pas grand-chose à notre situation. L’aide qu’attend l’Italie ne tient pour l’instant qu’à des promesses.

Certaines mesures sont facultatives. Il est indiqué que "toutes les mesures prises dans le cadre des centres contrôlés, y compris la relocalisation et la réinstallation, se feront sur la base du volontariat". Qu’en pensez-vous ?

Cela pose un problème. À en croire la presse italienne, nous n’aurons la possibilité d’accéder à la redistribution des demandeurs d’asile entre les différents pays membres qu’à condition d’avoir au préalable accepté d’installer, dans son propre pays, un méga hotspot. L’Italie se trouve doublement cocue puisqu’elle est obligée de posséder ce centre afin de pouvoir éventuellement partager ses demandeurs d’asile, alors que les partenaires européens ne sont pas obligés de les accueillir.

Quelles seront les conséquences politiques de ce sommet ?

J’ai l’impression que cet accord de façade ne fait, pour l’instant, que le jeu de Mme Merkel. C’est surtout elle qui a sauvé les meubles. Concernant l’Italie, j’attends de voir ce qui se passera à l’intérieur du gouvernement. Salvini a le vent en poupe et pourrait profiter de la situation si c’est accord se trouve être désavantageux pour l’Italie. Les tensions, déjà émergeantes, vont s’affirmer entre le M5S et la Ligue, cette dernière montant très fortement dans les sondages. Elle est à 30% aujourd’hui alors qu’elle était à 5% il y a 5 ans. Salvini pourrait être tenté de casser l’alliance entre les deux partis dès la fin de l’été afin de faire revenir le peuple italien aux urnes le plus rapidement possible et d’obtenir une mandature permettant à la Ligue de gouverner seule.

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