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Emmanuel Macron a-t-il changé de discours sur l'accueil des migrants ?

Le président de la République se rend aujourd'hui à Calais (Pas-de-Calais), ville-symbole des flux migratoires, pour son premier déplacement sur le thème de l'immigration. Certaines associations qui défendent les migrants ont décidé de boycotter la rencontre.

Article rédigé par franceinfo
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Le président français, Emmanuel Macron, lors d'une réunion de l'UE et de dirigeants africains consacrée aux questions migratoires, le 28 août 2017 à l'Elysée. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Emmanuel Macron était attendu de pied ferme à Calais (Pas-de-Calais), mardi 16 janvier, où il rend visite aux élus locaux, aux associations et aux forces de l'ordre. Au fil des ans, la ville est devenue le symbole en France de la crise migratoire. Plusieurs associations ont toutefois décidé de boycotter la rencontre, car elles dénoncent le projet de loi sur l'immigration et l'asile en cours de préparation, dont le texte définitif doit être présenté en février. "On a considéré qu'on allait perdre notre temps", explique François Guennoc, vice-président de L'Auberge des migrants, sur franceinfo.

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La question migratoire divise, au point de créer quelques tensions au sein de la majorité présidentielle. Le député LREM François-Michel Lambert, ainsi, est inquiet de la mainmise de Gérard Collomb sur le dossier. "On pourrait craindre un changement de discours, explique-t-il sur BFMTV, parce que le dossier est entre les mains du ministre de l’Intérieur, et que quel qu’il soit, il est forcément sur des questions sécuritaires et policières." 

La réduction du délai d'examen des demandes d'asile figurait dans le programme présidentiel

Dans son programme présidentiel, Emmanuel Macron prévoyait un examen des "demandes d’asile en moins de six mois, recours compris", et une refonte du système. Une fois élu, lors du Congrès de Versailles, il plaide pour une réforme en "profondeur du système qui, débordé de toutes parts, ne permet pas un traitement humain et juste des demandes de protection d’hommes et de femmes menacés par la guerre et la persécution".

Comme prévu lors de la campagne, l'objectif du projet de loi est toujours de parvenir à ce fameux délai de six mois.

Le candidat Macron distinguait déjà réfugiés et "migrants économiques"

Toujours dans son programme, le candidat souhaitait "accueillir dignement les réfugiés qui ont droit à la protection de la France". Tout en annonçant son intention de reconduire les autres "sans délai vers leur pays afin qu’ils ne deviennent pas des immigrés clandestins". Cette distinction entre réfugiés et migrants économiques est à nouveau évoquée face aux parlementaires, lors du Congrès de Versailles. Le président élu défend alors "une action efficace et humaine qui nous permette d’accueillir les réfugiés politiques courant un risque réel car ce sont là nos valeurs". Mais il ne veut ni les confondre "avec des migrants économiques", ni abandonner un "indispensable maintien de nos frontières".

Cette distinction est aujourd'hui reprise en chœur par tous les membres du gouvernement et de la majorité, en défense du projet de loi. "Humanité et fermeté. Retenez ça, humanité et fermeté", martèle Richard Ferrand, président du groupe LREM à l'Assemblée nationale, sur Europe 1.

Certaines mesures, jugées répressives, n'étaient pas annoncées

Certaines dispositions du texte en préparation, toutefois, font tiquer les associations qui défendent les migrants. Pendant sa campagne, Emmanuel Macron n'a jamais évoqué une augmentation de "la durée maximale de la rétention administrative, de 45 à 90 jours". Et dans son programme, nulle trace du "renforcement du régime de l'assignation à résidence pour l'assortir de l'obligation de demeurer au domicile pendant une plage horaire". La députée LREM Sonia Krimi, interrogée par BFMTV, reconnaît que ces mesures "n'étaient pas détaillées" dans le programme du candidat. Elle assure toutefois que "l'état d'esprit n'a pas changé" chez Emmanuel Macron.

En décembre, l'élue avait d'ailleurs interpellé Gérard Collomb à l'Assemblée nationale, en lui reprochant notamment sa circulaire du 12 décembre sur le recensement des migrants dans les centres d'hébergement d'urgence : une trentaine d'associations ont saisi le Conseil d'État pour "faire tomber" ce dispositif. Déjà critiqué à l'été dernier pour son refus d'ouvrir un centre d'accueil à Calais (il en avait finalement ouvert deux à la fin juillet, selon le Huffington Post), le ministre de l'Intérieur supporte mal ces attaques. "Le procès que l'on me fait est assez malhonnête", a-t-il estimé, selon des propos rapportés par Le Canard enchaîné, ajoutant en avoir "un peu marre de passer pour le facho de service."

Un "discours de vérité" plus ferme

Le chef de l’Etat devrait tenir "un discours de vérité" lors de sa visite à Calais, selon des propos de l'Elysée rapportés par Le Monde : "La frontière est fermée et Calais ne peut plus être une destination pour les migrants." Une fermeté dénoncée dans l'opposition de gauche. Le secrétaire national du Parti communiste, Pierre Laurent, souhaite que la France engage une "politique d'accueil allant au-delà des seuls bénéficiaires potentiels de l'asile". En 2017, leur nombre a dépassé la barre historique des 100 000, avait annoncé l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, début janvier. Soit une hausse de 17% par rapport à 2016.

"Emmanuel Macron avait ouvert les bras à un accueil, à quelque chose qui nous avait laissé de l'espoir, explique à franceinfo Yann Mazi, fondateur de l'association Utopia 56. Depuis qu'il évoque un tri des migrants (entre réfugiés et migrants illégaux), nous voyons bien que sa politique sera très dure. Nous n'acceptons pas cette distinction entre quelqu'un qui prend une balle dans la tête et quelqu'un qui n'a rien à manger, mais va mourir quand même."

Il nous avait laissé envisager une politique d'accueil. Mais c'est aujourd'hui une politique de non-accueil.

Yann Mazi

fondateur de l'association Utopia 56

Son association et L'Auberge des migrants ont donc décidé de boycotter la rencontre avec Emmanuel Macron. "Monsieur Macron a hérité d'une situation, en même temps sa politique l'a aggravée", dénonce sur franceinfo le vice-président de L'Auberge des migrants.

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