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Loi asile et immigration : un texte "populiste" porté par un gouvernement "autiste", dénonce le militant Cédric Herrou

Agriculteur dans la vallée de la Roya et militant pour l’aide aux migrants, Cédric Herrou a dit lundi sur franceinfo ne pas comprendre "quel l'avenir est en train de nous préparer ce gouvernement".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le militant Cédric Herrou pendant une manifestation contre la loi asile-immigration à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), le 8 août 2017. (BORIS HORVAT / AFP)

Cédric Herrou est agriculteur dans la vallée de la Roya et militant pour l’aide aux migrants. Au mois d'août, il a été condamné à quatre mois avec sursis pour avoir aidé des migrants à passer la frontière franco-italienne. Le projet de loi asile et immigration est "populiste" et le gouvernement "autiste", a-t-il déclaré lundi 23 avril sur franceinfo. Ce texte a été adopté en première lecture dimanche soir à l'Assemblée nationale après plus de soixante heures de discussions houleuses et l'examen de 953 amendements.

franceinfo : La présidente de la Cimade dénonce lundi sur franceinfo un "gâchis" à propos de ce texte. Est-ce que vous partagez ce sentiment ?

Cédric Herrou : Oui, exactement. Moi j'ai été témoin de personnes qui sont venues chez moi en 2016 et je les ai retrouvées un an et demi après à Paris après avoir été gazées par la police, après avoir été pourchassées. Ces personnes sont dans un état assez abominable, qui ont traversé le désert, qui ont traversé la Libye, la Méditerranée. Elles sont arrivées chez moi avec plein d'espoir et on les voit un an et demi après complètement asphyxiées, écrasées par un système gouvernemental et étatique. Ce que je ne comprends pas, c'est quel avenir est en train de nous préparer ce gouvernement ? Qu'est-ce qu'il va se passer dans 20 ans, 25 ans ou 15 ans ?

Pour vous, ce projet de loi ne porte pas de vision à long terme ?

Non, il est complètement populiste, en fait. La France est un pays de slogans. On a une problématique, un défi migratoire mondial. Et au lieu de régler cela on jette des slogans, et on menace d'enfermement des gamins. Il y a quand même des personnes qui ont voté pour une loi pour enfermer des enfants ! Mais où on va ?

Les députés ont voté l'assouplissement du délit de solidarité en cas d'aide au séjour illégal des étrangers. Est-ce que cela aurait changé quelque chose pour vous ?

C'est encore un slogan, tout cela. Ce qu'ils ont trouvé contre moi c'est une contrepartie directe ou indirecte militante. Le nouveau texte garde cette contrepartie directe ou indirecte, cela peut être quand une personne vous fait un sourire et que cela vous fait plaisir d'aider votre prochain ou d'aider l'autre... Qu'est-ce que cela veut dire ? Moi, j'aimerais comprendre : dans un pays où la devise est "Liberté, égalité, fraternité", est-ce qu'il devient interdit d'être fraternel ? Et est-ce que cette loi devient inconstitutionnelle ? Je me le demande vraiment.

La rapporteure de la loi disait sur franceinfo que les députés n'étaient pas "des salauds ni des idiots" mais qu'ils avaient essayé d'être "pragmatiques". Est-ce que pour vous ce projet de loi est pragmatique ?

On est en train de faire un clivage. D'un côté, les gauchos, naïfs et Bisounours, et de l'autre, les gens de droite, méchants, racistes et xénophobes. Mais c'est beaucoup plus compliqué que cela. Il y a un défi, une gestion d'un flux migratoire, qui est mondial. On demande aux gens, aux émigrés de s'intégrer à notre société, mais s'intégrer comment, s'intégrer à quoi ? Comment voulez-vous qu'un enfant, qu'une famille s'intègre quand elle a été pourchassée à la frontière franco-italienne, qu'elle a été mise en détention à plusieurs reprises, renvoyées cinq, dix, vingt fois en Italie ? (...) L'Ofpra [Office Français de protection des réfugiés et apatrides], l'organisme indépendant qui analyse les demandes d'asiles, a alerté le gouvernement en disant il nous faut du temps pour analyser les situations de chaque personne. Et le gouvernement n'est pas à l'écoute, ni de l'Ofpra, ni des associations, ni des personnes migrantes, ni des demandeurs d'asile. Le gouvernement est complètement autiste. "Pragmatique" ? Non ce n'est pas le bon terme.

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