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"On voulait être dans l'action" : ils logent gratuitement un réfugié malien dans leur chambre Airbnb

La plateforme Open Homes lancée il y a un mois par le géant américain de la location entre particuliers permet à des hôtes d'Airbnb de recevoir chez eux des réfugiés. C'est l'aventure dans laquelle s'est lancée un couple de la région parisienne. 

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Solenn discute avec Moriba, réfugié malien qu'elle accueille chez elle à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).  (MARGAUX DUGUET / FRANCEINFO)

C'est une petite maison coquette à l'abri des regards. Dans une cour d'immeuble de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), vivent Solenn et Thibaud, un couple de trentenaires. Il est informaticien, elle est sans activité professionnelle pour le moment. Depuis deux ans, ils ont décidé de mettre en location la deuxième chambre du pavillon sur le site Airbnb. "On l'a fait quelques fois, avec les touristes et ça se passait bien", raconte Solenn. Puis, une idée germe dans la tête de la jeune femme aux grands yeux bleus : "On pensait héberger un réfugié par rapport à l'actualité. On s'est dit que la chambre serait plus utile à un Syrien qu'à un touriste." 

Mais le couple tergiverse, hésite à sauter le pas. Et, il y a quelques semaines, ils reçoivent un appel d'Airbnb. L'entreprise organise une rencontre avec des associations d'aide aux réfugiés, des demandeurs d'asile et des hôtes Airbnb. C'est le déclic. Grâce à la plateforme Open Homes, lancée le 20 juin, Solenn et Thibaud accueillent gratuitement Moriba, un réfugié malien, depuis le 2 juillet. 

"J'ai été reçu comme un prince"

Il n'a pas pu être présent lors de notre visite, pour des raisons personnelles, mais Moriba tient à raconter son histoire. C'est via un chat vidéo, sous le regard de Solenn et de Louise, bénévole de l'association Refugiés Bienvenue, qu'il déroule le récit de sa vie. Originaire de Bamako, la capitale du Mali, Moriba décide de fuir son pays l'année dernière. Homosexuel, il dit avoir été persécuté. "J'ai subi beaucoup de violences physiques, j'ai dû aller à l'hôpital, mon restaurant a été saccagé." 

Il fallait que je parte car, sinon, ça serait peut-être ma mort.

Moriba, réfugié malien hébergé par un couple français

à franceinfo

Agé de 37 ans, Moriba prend plusieurs avions et débarque à l'aéroport d'Orly (Val-de-Marne), le 14 juillet 2016. L'homme est d'abord hébergé par une cousine à Aubervillers (Seine-Saint-Denis) mais les choses tournent mal. "Ca s'est soi-disant mal passé parce que je suis homo", relate Moriba. Le 115 le met finalement en relation avec l'association Ardhis, qui vient en aide aux réfugiés LGBT. Les bénévoles lui font ensuite rencontrer l'association Réfugiés Bienvenue. Logé tour à tour chez deux familles, Moriba arrive donc le 2 juillet chez Solenn et Thibaud. 

Moriba parle avec Solenn qui l'héberge avec son mari dans leur logement de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).  (MARGAUX DUGUET / FRANCEINFO)

"Ils ont été très très gentils", s'enthousiasme Moriba. "J'ai été reçu comme un prince, je suis très gâté", ajoute-t-il. Celui-ci est hébergé pour un mois, durée minimale demandée par Réfugiés Bienvenue.

"C'est une belle aventure"

Assise à la table de la cuisine, Solenn acquiesce."C'était pas évident d'emblée mais c'est une belle aventure", explique-t-elle, assurant qu'elle et son mari voulaient "être dans l'action". "Et puis, Moriba est quelqu'un de très ouvert, il a la tchatche", s'amuse-t-elle. Au quotidien, leur hôte malien bénéficie d'une allocation de l'Etat pour ses repas et s'occupe lui-même de ses affaires. Il dispose de son propre étage, d'une petite kitchenette et de sa salle de bain. 

Notre quotidien n'est pas bouleversé car Moriba est quelqu'un de très indépendant. C'est ce qu'on voulait.

Solenn, utilisatrice d'Open Homes

à franceinfo

Le couple et Moriba vivent donc leur vie chacun de leur côté. "On se croise", dit le demandeur d'asile. Ce qui ne les empêche pas de partager des vrais moments où Moriba dévoile petit à petit son douloureux passé. "Son histoire personnelle ? Il nous en parle au fil de l'eau. Mais il n'a pas à nous rendre des comptes", tient à préciser Solenn. 

Solenn et Louise dans la chambre qu'occupe Moriba, le 21 juillet 2017, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).  (MARGAUX DUGUET / FRANCEINFO)

Si la jeune femme et son mari ont "sauté le pas", c'est essentiellement grâce à "l'encadrement". Ce rôle est endossé par Louise. Cette étudiante en droit, âgée de 20 ans, est la bénévole de Réfugiés Bienvenue, association partenaire d'Airbnb. Elle suit en ce moment trois familles et leur demandeur d'asile. "Le rôle le plus important du bénévole est d'organiser la rencontre entre l'hébergeur et le demandeur d'asile. Avec Solenn et Thibaud, on est allé dans un café non loin de chez eux", explique-t-elle. Le courant passe et le couple propose à Moriba de visiter leur logement. Un contrat d'hébergement est ensuite signé entre les différentes parties. Ils font désormais partie des 70 hébergeurs de l'association. 

600 logements ouverts aux réfugiés en France via Airbnb

Au niveau national, 600 logements sont actuellement proposés aux associations d'aide aux réfugiés, selon Emmanuel Marill, directeur général d'Airbnb France. "En Europe, la France est désormais le premier pays en terme d'hébergements proposés", explique-t-il à franceinfo. Car Open Homes existe aussi au Canada, en Grèce, en Allemagne, en Italie, ou encore aux Etats-Unis. Airbnb ambitionne même 100 000 logements à horizon 2022 pour "les personnes vulnérables". Sans contrepartie financière. 

Solenn et son mari ne reçoivent aucune gratification contrairement à d'autres associations qui défrayent sept euros par jour aux hébergeurs. La jeune femme s'est même permis quelques gestes de bienvenue. "On lui a rempli le frigo au début. Mais Moriba est aussi très reconnaissant, il nous a offert des chaussures qu'il a 'designées' et du beurre de karité du Mali". 

Solenn tient fièrement les chaussures offertes par Moriba, le 21 juillet 2017. (MARGAUX DUGUET / FRANCEINFO)

La mode, le design, les chaussures. Des mots qui font rêver Moriba. Pour l'instant, en tant que demandeur d'asile, il n'a pas le droit de travailler. Malgré les lourdeurs administratives, l'homme ne se décourage pas. "Le chemin est très difficile mais, avec Louise et la famille, j'ai beaucoup d'espoir", sourit-il. 

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