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Près de 90 millions de personnes déplacées dans le monde : "Un symptôme affreux de l'état de notre monde", s'alarme Filippo Grandi, du HCR

Filippo Grandi, Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, est revenu ce jeudi sur le rapport alarmant de l'ONU qui fait état d'un nombre record de réfugiés dans le monde. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des familles déplacées fuient le 14 juin 2022 des insurgés armés qui ont attaqué leur communauté dans la province de Cabo Delgado, au Mozambique.  (ALFREDO ZUNIGA / AFP)

"J'aurai vraiment espéré ne jamais arriver à ce chiffre terrible, un symptôme affreux de l'état de notre monde", s'est alarmé jeudi sur franceinfo Filippo Grandi, Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, alors que les déplacements forcés de populations ont battu un nouveau record dans le monde. Selon le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), qui publie son rapport annuel ce jeudi, 89,3 millions personnes ont été contraintes de fuir leur région ou leur pays à la fin de l'année 2021. A cette "tragédie humaine", la communauté internationale est dans "l'incapacité de résoudre ces conflits". Filippo Grandi déplore que même le Conseil de sécurité ne trouve plus cette unanimité nécessaire" à "achever la paix" :

Dans le rapport, vous soulignez que cet exil forcé a augmenté chaque année lors de la dernière décennie.

Le chiffre de 90 millions qui est contenu dans ce rapport s'arrête à la fin 2021. Si vous y ajouter les réfugiés et les déplacés de l'Ukraine, le chiffre dépasse maintenant les 100 millions. J'aurais vraiment espéré ne jamais arriver à ce chiffre terrible, un symptôme affreux de l'état de notre monde. Les conflits et toutes les autres raisons qui obligent les gens à quitter leur foyer semblent se multiplier. Et aucune ne semble trouver une solution. Parfois, on est tellement pris dans des statistiques qu'on oublie qui c'est. Il s'agit bien de femmes, d'hommes, très souvent d'enfants, puisque la moitié de ces personnes sont des enfants, des mineurs. Donc c'est une tragédie humaine de proportion majeure.

Est-ce que les principales causes de ces déplacements forcés restent les guerres ?

Oui. Et la principale cause reste l'incapacité dans laquelle nous nous trouvons, tous dans le monde, de résoudre ces conflits. Regardez le Conseil de sécurité, l'organe des Nations unies, qui est l'organe suprême responsable pour la paix et la sécurité dans le monde. Le Conseil de sécurité ne trouve plus cette unité, cette unanimité nécessaire à promouvoir la paix dans aucun des grands débats autour des conflits qui sévissent dans le monde. Et sans cette volonté politique unanime, c'est impossible d'achever la paix et de créer les conditions pour que ces gens puissent rentrer chez eux.

Il y a 100 millions de déplacés. Mais il faut aussi compter les familles qui doivent rester sur place. Le nombre de personnes concernées directement par ces situations est donc beaucoup plus important...

Et j'y ajouterai également les communautés qui les hébergent. En Occident, on a un petit peu une image des réfugiés comme d'un phénomène de gens qui viennent chez nous pour chercher des conditions plus pacifiques. Mais en fait, la majorité de ces 100 millions sont des personnes qui bougent d'un pays pauvre à un autre. Ils se trouvent donc dans des pays avec peu de ressources et sont hébergées souvent avec beaucoup d'ouverture d'esprit, de générosité, par des communautés très pauvres. Et elles aussi sont affectées. Donc on parle de plusieurs centaines de millions de personnes dans le monde concernées par ce phénomène.

Quelle réponse de la communauté internationale à ces déplacements et des pays occidentaux notamment ? Est-ce que l'accueil des réfugiés semble possible avec la guerre en Ukraine ?

Certains leaders européens m'ont dit tellement souvent, 'l'Europe est pleine, on ne peut plus accueillir des gens, il faut les renvoyer chez eux, bâtir des murs, les renvoyer au Rwanda', comme on l'a récemment entendu du Royaume-Uni. Comment est-il possible que, si l'Europe est pleine, l'Europe a été capable d'accueillir de manière plutôt efficace sept millions d'Ukrainiens ? Bien sûr, il y a une volonté politique, on comprend le contexte. Mais cela veut dire que les mécanismes existent pour le faire aussi pour les autres.

Est-ce qu'il ne faut pas aussi prendre en compte les réfugiés alimentaires ou climatiques dont on commence à peine à évaluer ce que pourrait être l'ampleur ?

Plutôt que de parler de réfugiés climatiques, moi je préfère dire que les causes qui poussent les gens à fuir deviennent plus complexes. Bien sûr, à la base de tous les flux de réfugiés, il y a les conflits, la violence, les violations des droits de l'homme. Mais de plus en plus, nous voyons d'autres causes intervenir et créer des complications ultérieures. Les phénomènes climatiques, certainement, les inégalités sociales, même les déséquilibres démographiques, même la pandémie, ont causé des mouvements de population. Et maintenant, avec l'impact de cette guerre en Ukraine qui va causer des crises alimentaires et autres, on aura des complications ultérieures.

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