Moldavie: où est passé le milliard de dollars volatilisé?
Si la Moldavie et ses 3,5 millions d'habitants, majoritairement roumanophones, remplissent les conditions d’adhésion, les «portes de l'UE (doivent rester) ouvertes», insistait Chisinau le 8 avril 2015. Dans le même temps, la justice va devoir faire la lumière sur la «disparition» d’un milliard de dollars.
Ce que l’on sait
L'affaire a éclaté quand la Banque centrale de Moldavie a découvert que trois banques avaient accordé à des destinataires non-identifiés des crédits pour un montant total d’un milliard. Une affaire rondement menée en quelques jours, peu avant les élections législatives, fin novembre 2014.
Une partie de l'argent aurait été transférée dans quatre banques russes, selon le rapport d'une commission parlementaire qui a filtré dans la presse.
Pour Igor Dodon, le leader de l'opposition socialiste, ces fonds auraient fini dans les comptes de plusieurs compagnies offshore, «où l'on a perdu leur trace».
Des analystes expliquent, pour leur part, la passivité des institutions incriminées par «des ordres venus d'en haut», de la part d'hommes politiques influents qui auraient empoché une partie de l'argent.
Quoi qu’il en soit, «cette méga-transaction a un impact néfaste majeur sur l'économie, provoquant une forte dévaluation du leu moldave (la monnaie locale)», a indiqué Alexandru Fala, analyste du groupe de réflexion Expert Grup.
Des mesures d’urgence
Pour l’exemple, un vice-gouverneur de la Banque centrale et le président du gendarme des marchés financiers ont été limogés. Le Parquet général a ouvert une enquête. Deux personnes non-identifiées ont été placées en détention provisoire et les biens de plusieurs autres mis sous séquestre.
Les partenaires de la Moldavie (Banque mondiale, Union européenne et Etats-Unis), ont exhorté le gouvernement à «rendre public le montant des pertes subies par l'Etat» suite à cette affaire.
Et afin d’éviter la panique financière et la faillite des établissements concernés (ils représentent un tiers des actifs bancaires du pays), la Banque centrale a placé sous sa gestion directe la Banque d'Economies, l'Unibank et la Banque Sociale.
Les réactions
Le président de la Ligue des banquiers, Dumitru Ursu, a accusé de négligence la Banque centrale et le gendarme des marchés financiers dans ce dossier. Selon lui, «de telles transactions n'auraient pas pu échapper à leur surveillance», ni d'ailleurs à celle du parquet anti-corruption.
Le vice-Premier ministre, le Français Stéphane Bridé, un ancien expert financier pendant 18 ans au service d'Ernst&Young, reste quant à lui prudent en évoquant des «transactions suspectes» massives.
Le leader de l'opposition socialiste Igor Dodon est, lui, convaincu d’une chose: «que la somme en question ne sera pas remboursée intégralement et que la différence sera transformée en dette publique» (laquelle s’élève actuellement à 1,7 milliard de dollars). Selon lui, «cette ardoise risque de provoquer la faillite du budget de l'Etat». Et d’ajouter: «Etant donné le niveau de corruption au sein du système judiciaire et le statut des personnes impliquées, penser que l'argent sera récupéré semble relever de la naïveté».
Une Moldavie déjà exangue
Dans un contexte troublé en raison de la crise ukrainienne, la Moldavie subit déjà les effets de la récession en Russie et de l'embargo imposé par Moscou sur son secteur agroalimentaire (pommes, prunes, conserves) en représailles à la signature en juin 2014 par Chisinau d'un accord d'association avec l'Union européenne. Ces sanctions se sont ajoutées à celles frappant déjà les vins moldaves. Un embargo qui a coûté au total 145 millions de dollars à l'économie du pays.
Il en va aussi de son ticket d’entrée dans l’UE. Car, si la Commission de Bruxelles a récemment loué les avancées de la Moldavie faites en 2014, elle a aussi souligné que des efforts importants restaient à faire dans des domaines comme la justice ou la lutte contre la corruption.
Aux experts de la compagnie d'audit américaine Kroll de jouer maintenant pour tenter de démêler l’écheveau du scandale. Elle a été mandatée par le gouvernement pour le faire.
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