"Ocean Viking" : pourquoi les bateaux de sauvetage de migrants en Méditerranée n'accostent jamais en France
Jusqu'à maintenant aucun bateau de sauvetage en mer Méditerranée n'a accosté dans un port français avec des migrants naufragés à bord. Cela s'explique par plusieurs raisons : la première est géographique.
Les partis politiques se déchirent sur la question de l'accueil sur les côtes françaises de l'Ocean Viking, mercredi 9 novembre. Le bateau de l'ONG SOS Méditerranée se dirigeait mercredi en début de soirée vers la Sardaigne et Corse avec 234 migrants à bord, après le refus du gouvernement italien d'extrême droite de l'accueillir dans un des ports de Sicile. Jusqu'à présent, aucun bateau de sauvetage en mer de Méditerranée n'a accosté en France avec des naufragés à son bord depuis le début de la crise migratoire. Cela peut s'expliquer par plusieurs raisons.
Une question de distance
C'est d'abord "une question de proximité" explique Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au CNRS, spécialiste des migrations internationales. La France est plus loin de la Méditerranée centrale : "C'est là le point de passage le plus important d'immigration en Méditerranée, explique la chercheuse, La plupart des passages se font entre la Libye et l'Italie ou entre le Maroc et l'Espagne. La France n'est pas sur la ligne directe de ces arrivées." C'est dans cette zone que les bateaux de sauvetage affrétés par des ONG croisent pour se porter au secours des migrants, fréquemment victimes de naufrages.
Ces bateaux font également souvent face à des situations d'urgence. "Si des gens sont malades à bord, si des femmes doivent accoucher, etc., il faut que ce soit le plus proche de là ou se trouve le bateau." Selon le droit maritime, c'est le port sûr le plus proche qui doit accueillir le bateau. La Méditerranée est divisée en zones SAR ("search and rescue"), où des services de recherche et de sauvetage doivent être assurés par un État à proximité. C'est pourquoi ce sont le plus souvent l'Italie, l'Espagne et parfois Malte qui accueillent les bateaux.
Une question politique
Comme aujourd'hui, la France s'est déjà dite prête à accueillir des bateaux sur ses côtes. C'était le cas pour l'Aquarius en 2018. L'Italie de Matteo Salvini avait de la même façon refusé d'ouvrir ses ports. L'ancien ministre communiste Jean-Claude Gayssot, avait alors proposé d'accoster dans le port de Sète (Hérault). La Corse aussi à l'époque avait indiqué que ses "ports étaient disponibles pour une aide humanitaire d'urgence", par la voix de Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse. Une proposition renouvelée ces derniers jours par le même Gilles Simeoni. "Mais la France avait fait beaucoup de difficultés", se souvient Catherine Wihtol de Wenden. L'Espagne s'était prononcée plus rapidement et l'Aquarius avait finalement accosté à Valence. "Le gouvernement de gauche au pouvoir en Espagne était plus ouvert à l'accueil de migrants en situation irrégulière."
Conformément à sa tradition d’hospitalité et pour éviter toute perte de vie humaine, la #Corse est prête, si nécessaire, à accueillir temporairement l’#OceanViking dans l’un de ses ports.
— Gilles Simeoni (@Gilles_Simeoni) November 8, 2022
La France n'est donc pas la première destination pour les bateau de sauvetage. Seule exception, l'East Sea, le 17 février 2001, premier "débarquement sauvage" de migrants sur les côtes françaises. Le vraquier rouillé s'était échoué sur une plage du Var, près de Saint-Raphaël. Il transportait 900 réfugiés kurdes. "Une arrivée impossible aujourd'hui avec les contrôles aux frontières renforcés", estime Virginie Guiraudon, directrice de recherche au CNRS, en poste au centre d'études Européennes à Sciences Po Paris.
La France deuxième pays d'accueil des demandeurs d'asile
Bien que les bateaux n'accostent pas sur les côtes françaises, la France reste "le deuxième pays, derrière l'Allemagne, à accueillir le plus de demandeurs d'asile en Europe", souligne Catherine Wihtol de Wenden. Le 10 juin 2022, sous la présidence française, une majorité des États membres de l'Union européenne ont adopté une réforme de la politique migratoire européenne destinée à aider les États dits "de première entrée". Le "mécanisme volontaire de solidarité", prévoit de répartir dans d'autres pays les demandeurs d'asile. L'objectif est d'arriver à 10 000 relocalisations la première année. Parmi eux, la France, l'Allemagne et le Luxembourg.
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