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Quatre graphiques pour comprendre le drame de l'immigration clandestine en Méditerranée

Les naufrages d'embarcations transportant des migrants irréguliers se succèdent en Méditerranée. Pourtant, les candidats sont de plus en plus nombreux. Francetv info vous aide à comprendre la situation en quatre graphiques.

Article rédigé par Jéromine Santo-Gammaire
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Une équipe du Migrant Offshore Aid Station (MOAS) secourt une embarcation de migrants en Méditerranée, le 8 septembre 2014. (AFP PHOTO / MOAS / HO)

Le bateau a quitté le port de Damietta, en Egypte, le 6 septembre, avec 500 personnes à bord, des hommes, des femmes et des enfants, qui devaient gagner l'Italie. D'après les témoignages, ces migrants venaient de Syrie, d'Egypte, de Gaza et du Soudan. Leur embarcation a coulé à mi-chemin entre la Crète et Malte, quelques jours plus tard. Seule une dizaine de personnes a pu être secourue. Il s'agit d'un des drames de l'immigration clandestine en Méditerranée les plus importants de ces dernières années.

Chaque mois, les médias rapportent des catastrophes similaires, dont l'île italienne de Lampedusa est devenue le symbole. Fuyant la guerre ou la pauvreté, des aspirations plein la tête, les migrants sont prêts à mettre leur vie en péril pour atteindre l'Europe. D'où sont-ils originaires ? Où arrivent-ils ? Francetv info revient en quatre graphiques sur ce flux, et ceux qui y prennent part, parfois au péril de leur vie.

La traversée attire de plus en plus de candidats

Depuis le début de l'année, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) dénombre près de 130 000 migrants arrivés sur les côtes méditerranéennes. Soit déjà deux fois plus qu'en 2013 sur l'année complète. L'Italie, à elle seule, a vu 108 000 personnes débarquer sur son territoire. "Ceux qui décident de partir ne sont pas les plus pauvres, explique Christiane Berthiaume, porte-parole de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) en Suisse. Ils sont ingénieurs, entrepreneurs, la plupart font partie de la classe moyenne. On aperçoit souvent des familles entières qui voyagent avec les deux parents et leurs enfants."

En cause, le développement des conflits en Afrique sub-saharienne et au Moyen-Orient, notamment la guerre en Syrie. De plus, depuis la mort de Mouammar Kadhafi, en 2011, l'instabilité s'est étendue en Libye et les côtes méditerranéennes du pays ne sont plus contrôlées, ce qui laisse aux passeurs le loisir d'organiser des départs vers l'Europe. Le pays est devenu la plaque tournante des embarquements de migrants. "Certains passeurs font même du racolage d'étrangers en plein jour, essayent de les convaincre que la traversée vaut le coup, rapporte Flavio di Giacomo, porte-parole de l'OIM en Italie. C'est devenu un vrai business."

Pourtant, les arrivées par la mer ne représentent qu'une minorité des immigrations en Europe. Il s'agit aussi du choix le plus risqué. La plupart des migrants viennent par avion, soit avec de faux papiers, soit avec des visas touristiques en règle au moment de leur arrivée, et demeurent sur le sol après expiration.

Le nombre de décès et de disparus explose

Dans un communiqué, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés estime que plus de 2 500 personnes ont trouvé la mort en tentant de traverser la Méditerranée, ou sont portées disparues, depuis le début de l'année. Selon les estimations de l'OIM, ce chiffre aurait même dépassé 2 900.

Le site italien Fortress Europe évalue à 21 344 le nombre de personnes mortes noyées depuis 1988 lors de ces tentatives de traversée, selon sa dernière estimation datée de septembre. 

L'augmentation du nombre de décès, ces dernières années, est directement liée à l'explosion du nombre de départs vers l'Europe. "Pourtant, les chiffres restent en dessous de la réalité, estime Christiane Berthiaume. Parfois, on nous informe du départ d'autres bateaux dont on n'entend ensuite plus du tout parler."

Le bond des arrivées en Italie

Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), l'Italie a accueilli, cette année, déjà presque trois fois plus de migrants arrivés par la mer que l'an passé, soit 108 000 personnes. Un chiffre qui dépasse largement le dernier pic, qui datait de 2011, lors du Printemps arabe, avec l'arrivée en Italie de 60 000 migrants illégaux.

Néanmoins, ce décalage dans les chiffres s'explique en partie par des données trompeuses pour 2009 et 2010 et qui ne peuvent pas être comparées avec celles des années suivantes. D'abord parce que l'Italie de Berlusconi et la Libye de Kadhafi avaient mis en place un accord interdisant à tout migrant de quitter le territoire libyen. Ensuite, parce que se pratiquaient alors l'interception des bateaux et le refoulement des occupants vers le pays de départ, une pratique pour laquelle l'Union européenne a condamné l'Italie.

En Italie, les migrants sont secourus en mer directement et conduits vers de grands ports italiens en Calabre, dans les Pouilles ou en Sicile. Lorsqu'ils posent les pieds à terre, ils sont transférés dans des centres de première assistance. "La procédure d'identification est très compliquée, étant donné le nombre de personnes qui débarquent presque quotidiennement, témoigne Flavio di Giacomo, basé à Lampedusa. Certains parviennent à s'échapper. Il est très difficile d'en connaître le nombre. Ils voient l'Italie comme un pays de transit, cherchent à retrouver leur famille dans d'autres pays."

La grande majorité des migrants sont sauvés par l'opération de secours "Mare Nostrum" lancée en octobre 2013 par la marine italienne. Celle-ci doit prendre fin en novembre et l'Union européenne devrait la relayer à travers une nouvelle opération en Méditerranée baptisée "Frontex plus".

"L'opération lancée par l'Italie est très importante, il ne faut pas qu'elle s'arrête, affirme Christiane Berthiaume. Elle est opérationnelle 24h/24 et 7j/7, mais coûte très cher : 9 millions d'euros par mois. Est-ce que Frontex aura les moyens?"

Les autres portes d'entrée par la Méditerranée sont la Grèce, l'Espagne ou Malte. Selon l'UNHCR, près de 15 000 migrants irréguliers auraient été appréhendées entre la Turquie et la Grèce entre janvier et fin juillet. Un peu plus d'un millier sur les côtes espagnoles et maltaises.

Une majorité de migrants venus d'Erythrée

Ils fuient la guerre en Syrie ou le régime érythréen répressif, où les droits de l'homme sont souvent bafoués. En Erythrée, beaucoup de jeunes quittent le pays afin d'éviter d'être mobilisés dans l'armée pour une durée illimitée, comme le rapporte JOL Press.

"La plupart de ces migrants ont le droit de recevoir une protection internationale puisqu'ils sont des réfugiés politiques et non économiques", souligne Flavio di Giacomo.

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