Naufrage du Titanic : une erreur du timonier ?
C'était un secret de famille, bien gardé depuis presque un siècle. Dans un livre qui vient de paraître en Grande-Bretagne, la petite-fille du commandant en second du Titanic, Charles Lightoller, qui a survécu au naufrage, le rompt enfin : non, le paquebot n'a pas coulé parce que l'équipage n'a pas vu assez tôt l'iceberg traître et fatal. Selon elle, le navire l'avait repéré, et avait tout le temps qu'il lui fallait pour le parer. C'est du moins ce qu'affirme lady Louise Patten dans son dernier roman.
Le responsable du naufrage serait en fait le timonier : l'homme qui était à la barre. Dans un moment d'égarement ou de panique, il se serait trompé de côté, dirigeant le bateau sur l'iceberg au lieu de l'en éloigner. Il aurait été victime d'une mutation technologique, assure l'écrivain. Le Titanic aurait été l'un des premiers navires équipés d'un système de gouvernail qui permettait de virer dans le sens où l'on tourne la barre à roue, comme sur le volant d'une voiture. Sur les grands voiliers, écrit Louise Patten, le système restait inversé : quand le timonier tournait la barre à droite, par exemple (à tribord), le bateau partait à vers la gauche (bâbord), comme sur les petites unités équipées d'une barre franche.
L'auteur assure que son grand-père a révélé que, soumis au stress, le timonier du Titanic aurait oublié cette nouveauté technologique et obéi à un vieux réflexe. Si bien que le navire aurait viré dans le mauvais sens et qu'il aurait été trop tard pour rattraper l'erreur. Si Charles Lightholler s'est tu devant les deux commissions d'enquête, c'est, révèle sa petite-fille, pour protéger sa compagnie et ses collègues, qui auraient risqué un licenciement.
LES SPECIALISTES SCEPTIQUES
Mais pour les spécialistes de la marine, ce scénario est totalement farfelu. Pour commencer, les barres à roue ont fonctionné sur le même principe dès leur invention : le navire tourne dans le sens où le timonier tourne la roue. Et aucun changement technologique n'a eu lieu au début du XXème siècle.
Ensuite, s'il y a eu erreur, il s'agit plutôt d'une erreur de propulsion. Comme l'affirme la thèse classique, l'ordre de faire machine arrière a ralenti le Titanic, qui a du coup viré trop lentement et s'est fait déchirer sur presque toute sa longueur par l'iceberg. S'il avait continué en avant, il aurait été endommagé, mais moins gravement, car il aurait pu virer partiellement.
_ Tout grand évènement historique se doit d'avoir sa version officielle et sa version iconoclaste et contestataire. Le naufrage du Titanic n'avait pas encore la sienne. C'est désormais chose faite.
Grégoire Lecalot
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