Pourquoi la droite va remporter les élections en Espagne
Les Espagnols sont appelés aux urnes ce dimanche. La sévère crise économique qui touche le pays devrait largement profiter au Parti populaire, crédité d'une forte avance dans les sondages.
Les bureaux de vote sont ouverts depuis 9 heures en Espagne pour les élections législatives de ce dimanche 20 novembre. Les résultats seront connus vers 20 heures, mais le suspense est faible. Tout laisse présager une écrasante victoire du Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy.
Crédité d'une avance d'au moins 14 points dans les sondages, comme le rapporte l'agence Reuters, le parti libéral conservateur devrait revenir au pouvoir avec une large majorité après sept ans passés dans l'opposition. Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), mené par Alfredo Pérez Rubalcaba, ne peut qu'espérer limiter les dégâts. Pourquoi un tel raz-de-marée en perspective ?
• Parce que c'est la crise
Avec un taux de chômage de plus de 21 %, et qui atteint même 45 % chez les jeunes, la crise économique domine largement le débat électoral. Exit les questions de société qui avaient alimenté le débat politique en 2008, notamment sur l'avortement ou encore le mariage homosexuel, sur lequel le PP souhaite revenir.
"C'est la crise qui va décider de l'élection", résume Bruno Vargas, spécialiste de l'Espagne contemporaine au laboratoire Framespa de l'université de Toulouse-Le Mirail. Dans ce contexte, le gouvernement sortant est la principale victime de la morosité des Espagnols. A quelques jours des élections, le secrétaire d'Etat à l'Economie a même dû revoir à la baisse mercredi sa prévision de croissance pour 2011, à 0,8 % contre 1,3 % initialement.
• Parce que les électeurs de gauche sont déçus
Contraint à une austérité drastique par les autorités européennes, le gouvernement socialiste de José Luis Zapatero s'est mis à dos une partie de son électorat. "Il y a deux ans, lorsque Bruxelles lui a imposé la rigueur budgétaire, José Luis Zapatero avait le choix de partir, en disant 'ce n'est pas pour ça que j'ai été élu', ou de rester et d'appliquer la rigueur", explique Bruno Vargas.
Une partie des électeurs de gauche ne lui a pas pardonné d'avoir choisi la deuxième option. Le candidat du PSOE, Alfredo Pérez Rubalcaba, a beau défendre un programme de relance, il peine à se dédouaner du bilan d'un gouvernement dont il était numéro deux jusqu'en juillet.
"Il y a un sentiment de découragement général, où [les Espagnols] se disent 'finalement, la gauche ou la droite, c'est pareil", appuie Bernard Bessière, spécialiste de l'Espagne au Centre aixois d'études romanes. Paradoxalement, les votants de gauche pourraient donc favoriser la droite en restant chez eux : l'abstention pourrait grimper jusqu'à 40 % (article en espagnol), selon le quotidien espagnol El País.
• Parce que les "indignés" ne font pas de politique
Les "indignés" espagnols ont beaucoup fait parler d'eux, mais devraient peu peser sur les élections. "Les 'indignés' ne sont pas assez nombreux pour changer une élection", constate Fermín Bouza, sociologue spécialiste de l'opinion publique à l'université Complutense de Madrid. Qui plus est, beaucoup rejettent en bloc la classe politique et devraient rejoindre le banc des abstentionnistes. "Quand le PP a remporté les élections régionales [en mai 2011], ils ont dit 'ça ne nous concerne pas'", rappelle Bruno Vargas.
• Parce que Mariano Rajoy reste flou sur son programme
De son côté, Mariano Rajoy, président du PP et candidat malheureux aux élections de 2008, clame haut et fort qu'il saura remettre le pays sur pied. "Tout le monde doit savoir que pour mon gouvernement, la priorité sera de tenir les engagements de l'Espagne à Bruxelles", explique-t-il jeudi 17 novembre dans un entretien à El País (article en espagnol), affirmant vouloir "couper dans tout", sauf les retraites.
Au grand dam de l'opposition, le candidat du PP se garde cependant de détailler des mesures qui risquent de peser lourdement sur la population espagnole. "Moins il en dit, mieux il se porte", résume Bernard Bessière.
• Parce que l'ETA, ça ne compte pas
Le geste historique des indépendantistes basques d'ETA, qui ont déposé les armes le 20 octobre, aurait pu être versé au crédit du gouvernement, mais devrait avoir peu d'effet. L'attitude face à cette organisation "était une politique d'Etat, sur laquelle les deux partis étaient d'accord", analyse Bruno Vargas. Enfin, explique Fermín Bouza, avec la crise, "il y a longtemps que le terrorisme n'est plus un thème important [dans les élections]".
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