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Qui va payer pour le ramassage des ordures du Parlement européen ?

Installé dans l’Hexagone, à Strasbourg, le Parlement européen (PE) est protégé par une immunité fiscale. Il n’a donc pas à payer pour… l’évacuation de ses ordures. Résultat : la justice française a annulé une dette de plus de 3 millions d’euros réclamée indûment par le fisc hexagonal. Mais qui va payer la note ?
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le Parlement européen à Strasbourg (12 octobre 2012). (AFP - Frédérick Florin)

Dans une décision rendue publique le 10 janvier 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a estimé que le PE n’avait pas à être assujetti à la taxe sur les ordures ménagères. La direction des Finances publiques de la capitale alsacienne lui réclamait à ce titre de 415.000 à 600.000 euros par an, pour les années 2005 à 2011.

D’une manière générale, les institutions européennes ne sont pas assujetties en France aux impôts directs. Pour autant, le fisc a décidé de réclamer la taxe au Parlement de Strasbourg dans la mesure où pour lui, il ne s’agissait pas d’un impôt mais de la rémunération d’un service rendu.
 
Saisi par le PE, qui avait protesté en vain auprès du gouvernement français, le tribunal administratif a rendu une analyse contredisant le fisc. Selon lui, cette taxe n'a pas été calculée en fonction du coût réel du ramassage des déchets. Conséquence : à ses yeux, il s'agit bien d'un impôt auquel le tribunal n’a pas à être assujetti puisqu'il bénéficie de l'immunité fiscale accordée aux institutions européennes. Cette protection est destinée à «garantir l'indépendance de l'Union à l'égard des Etats membres et son bon fonctionnement», a-t-il rappelé.

En attendant le règlement du litige, le PE n'a jamais payé les sommes réclamées. Depuis 2009, il a délégué le ramassage de ses ordures à un prestataire privé. Reste à savoir qui va payer pour la période précédente: le contribuable strasbourgeois ?

Au PE, on élude la question. «Il faut voir que la France a choisi d’accueillir des organisations internationales avec qui elle signe des accords de siège. En l’occurrence, elle a signé avec le Parlement européen un accord qui lui accorde une immunité fiscale. Celle-ci exonère ce dernier des impôts directs. Or le tribunal a bien reconnu que cette taxe est un impôt», commente l’une de ses porte-parole.
 
On le voit, la réponse du PE reste juridique. Une manière de renvoyer la France dans ses buts pour qu’elle règle l’affaire... «Au final, pour la ville, le manque à gagner est estimé à près de 600.000 euros par an», résume Rue89.

Que l'on se rassure: même s'il n'a pas payé la taxe pour l'enlèvement des ordures ménagères, le Parlement européen (dont on voit ici l'hémicyle à Strasbourg le 15 janvier 2014) ne verra pas s'arrêter ses activités... La justice administrative lui a donné raison.  (Reuters - Christian Hartmann)

Mais l’affaire n’est pas aussi simple qu’il y paraît… Pour la vice-présidente de la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS) en charge de la politique des déchets, Caroline Barrière, il s’agit d’un combat entre l’Etat français et le Parlement européen : la collectivité territoriale n'est pas à l'origine de ce différend juridique entre le Parlement et l'Etat français. Elle n'en a été que le «spectateur», souligne-t-elle.

«Pour nous, il n'y a pas et n’y aura pas de manque à gagner», insiste l’élue. Motif : «Dans la taxe de gestion des ordures ménagères, récoltée par les services fiscaux, il y a un delta qui sert à couvrir les impayés. C’est une sorte d’assurance», précise-t-elle. Ce qui revient à dire, implicitement, que l’ardoise des 3 millions a été payée de cette manière.
 
 «Dans l’avenir, nous allons passer d’une taxe à une redevance : ce qui va permettre d’établir la facture en fonction du service rendu au vu du volume des déchets produits. Nous commençons par les non-ménages, administrations entreprises, avec qui nous établissons des conventions. Mais pour le Parlement européen, la question ne se pose pas puisqu’il fait appel à un prestataire privé», conclut Caroline Barrière. Autrement dit, que le contribuable strasbourgeois se rassure : il n’aura pas à payer pour les déchets du PE. Ouf…  

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