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Quelles conséquences sportives en cas d'indépendance de l'Ecosse ?

Andy Murray, le Celtic Glasgow et les Jeux olympiques seraient concernés. 

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Les athlètes écossais médaillés aux Jeux olympiques de Pékin (Chine) défilent dans les rues d'Edimbourg (Ecosse), le 27 août 2008. (DAVID MOIR / REUTERS)

Le 18 septembre, l'Ecosse doit décider si elle quitte ou non le Royaume-Uni lors d'un référendum à hauts risques. L'indépendance aurait des conséquences économiques (changement de monnaie ?), politiques (nouvel Etat dans l'Union européenne ?), symboliques (changement de look pour l'Union Jack ?), mais aussi sportives. 

La France ne va pas passer devant le Royaume-Uni au classement par médailles aux JO

Le Premier ministre écossais, Alex Salmond, chef du parti indépendantiste SNP, a beau clamer que l'Ecosse est deuxième au classement du nombre de médailles par habitant, c'est faux. Lors des Jeux olympiques de Londres, en 2012, la nation écossaise a contribué, avec 13 médailles, à environ 20% du total britannique. Mais seules trois ont été obtenues au cours d'épreuves individuelles. Les dix autres lors d'épreuves par équipes, dans lesquelles concourraient aussi des Anglais, des Gallois ou des Nord-Irlandais. Même en étant large, sans les 13 médailles "écossaises", la Grande-Bretagne reste loin devant les Tricolores (52 contre 34). A noter qu'une éventuelle indépendance de l'Ecosse serait une catastrophe pour le Royaume-Uni aux JO d'hiver : l'Ecosse, terre de curling, a contribué à deux des quatre médailles britanniques à Sotchi, cet hiver.

Vous pensiez que deux semaines de communion nationale autour du sport avaient renforcé le sentiment d'appartenance au Royaume-Uni ? Patatras ! D'après un sondage Panelbase (en anglais) réalisé juste après les Jeux, en août 2012, le vote indépendantiste s'est renforcé de 12% pendant cette période. Les railleurs, comme le maire de Londres, Boris Johnson, qui a dit que les JO avaient "saboté la campagne des indépendantistes", auraient dû lire cette autre enquête de Yougov (en anglais), où 44% des Ecossais affirment que l'Union Jack représente pour eux le racisme et l'extrémisme. Ne parlons même pas du God Save the Queen, avec sa sixième strophe où il est demandé à Dieu "d'écraser les rebelles écossais".

Andy Murray ne sera pas sifflé sur le central de Wimbledon

La nationalité d'Andy Murray fait débat depuis qu'il a percé au plus haut niveau. Lors du Mondial de foot 2006, interrogé sur son équipe favorite, le tennisman écossais avait osé déclarer : "L'adversaire de l'Angleterre, peu importe lequel". Shocking ! Les tabloïds avaient tôt fait de fabriquer de toute pièce l'information selon laquelle il avait acheté un maillot du Paraguay juste avant le match de ce pays face aux Anglais.

A sa décharge, ses compatriotes ne sont guère plus fidèles. Un sondage le prouve : avant le tournoi de Wimbledon de 2013, 52% des sondés anglais estimaient qu'Andy Murray était avant tout écossais, et pas britannique. Le même sondage, réédité quinze jours plus tard, après la victoire de Murray, montrait que 48% des Anglais le voyaient désormais comme "un vrai Britannique", sept points de plus que ceux qui le réduisaient à sa condition d'Ecossais, remarque The Economist (pour abonnés, en anglais)

Le tennisman britannique Andy Murray à l'US Open, le 28 août 2014, à New York (Etats-Unis). (SHANNON STAPLETON / REUTERS)

Le tennisman a bien compris que cette question était minée. Il a ainsi publiquement désapprouvé qu'Alex Salmond agite un drapeau écossais dans la tribune royale (dans le dos de David Cameron, pas particulièrement ravi) lors de sa victoire. Et sur le référendum, motus : "Je ne m'y connais pas trop en politique, a-t-il avancé à la BBC (en anglais). La dernière fois que j'ai fait une remarque là-dessus, elle m'a poursuivi pendant sept ou huit ans." Le site humoristique Murray-o-Meter permet aux internautes de déterminer chaque jour le degré de "britishness" de Murray. Actuellement, il est à 100%. Jusqu'au 18 septembre ?

Le Celtic Glasgow et les Rangers peuvent toujours rêver de rejoindre la Premier League

Depuis plusieurs années, les deux poids lourds du championnat écossais de football rêvent de rejoindre la Premier League anglaise et ses droits télé exorbitants. Le Celtic Glasgow et les Rangers doivent composer avec l'hostilité de la fédération anglaise, avec le règlement de la Premier League qui n'autorise que des clubs anglais et gallois en son sein. Mais l'acteur qui détient les clés du dossier ne s'embarrasse pas de considérations politiques : c'est la chaîne Sky Sports, vache à lait du football outre-Manche, qui peut faire pencher la balance, affirme le Guardian (en anglais)

Comme par hasard, David Cameron, le Premier ministre du Royaume-Uni, avait fait les yeux doux aux deux clubs dans une interview au Sunday People (en anglais) en 2013. Pas sûr que cela suffise à convaincre les supporters du Celtic, historiquement pro-indépendance. 

Les hommes politiques écossais vont continuer d'instrumentaliser le sport

Qui n'a pas vibré en écoutant l'hymne écossais Flower of Scotland avant un match de rugby - surtout si la chanson est reprise en chœur par les 60 000 spectateurs du stade de Murrayfield, à Edimbourg ? Pourtant, cette chanson patriotique n'est pas l'œuvre d'un druide contemplant la lande battue par les vents, mais une création d'un groupe folklorique, The Corries, dans les années 1960.

Elle n'est devenue l'hymne officiel des équipes nationales écossaises qu'au début des années 1990, quand la fédération écossaise en a eu marre que la foule siffle God Save the Queen. A cette époque, la politique menée par Margaret Thatcher fait des ravages en Ecosse, et les nationalistes sont prompts à surfer sur ce rejet, relève le New Statesman (en anglais).

Le sport constitue une formidable caisse de résonance pour l'identité écossaise, et les leaders nationalistes l'ont bien compris. Un peu trop bien même : des chercheurs avancent sérieusement l'hypothèse (PDF en anglais) qu'un premier référendum d'autodétermination, en 1979, a été perdu à cause de "la gueule de bois" qui a suivi la débâcle de l'équipe de foot d'Ecosse au Mondial 1978. En revanche, celui de 1997 sur l'autonomie élargie aurait été gagné parce que l'Ecosse venait de se qualifier (en anglais) pour le Mondial en France. Les courbes du sentiment nationaliste et des résultats sportifs écossais seraient-elles parallèles ? Le référendum du 18 septembre est organisé quelques semaines après les Jeux du Commonwealth, à Glasgow, et juste avant la Ryder Cup de golf. Ce n'est peut-être pas un hasard.

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