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Rosia Montana, une mine d’or explosive pour le pouvoir roumain

Pour contrer les écologistes qui s’opposent à l’exploitation d’une mine d’or, l’Etat roumain veut faire voter une loi qui, entre autres, autorise l’usage du cyanure. Du coup, la mine de Rosia Montana est devenue une affaire d’Etat. A tel point que ce dossier illustre, selon certains observateurs, la difficile transition du pays vers la démocratie.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Manifestation le 8 septembre 2013 à Bucarest pour protester contre l'autorisation d'extraction de l'or à Rosia Montana. (AFP/DANIEL MIHAILESCU)

Rosia Montana est un petit village de Transylvanie, au centre-ouest du pays. Un village qui se meurt depuis que l’exploitation minière, vieille de 2000 ans, a cessé. Une richesse historique qui a façonné le centre ville datant du 18e siècle, inscrit au patrimoine national roumain.
 
L’or, est la fortune du pays depuis les Romains. L’or dont l’exploitation est redevenu rentable. Mais cette fois, le projet de mine à ciel ouvert divise. Car il impose l’usage du cyanure. Un cyanure qui va générer 250 millions de tonnes de déchets liquides. Il faudra les stocker dans un lac artificiel de quatre kilomètres de long sur deux de large, appuyé à un barrage de 180 mètres de haut.
 
Ce projet va détruire 42 km² de patrimoine naturel et historique. Collines et forêts, tout y passe. Même une partie du village sera rasée, à l'exception du centre ville historique. Près de 1000 familles vont déménager, soit la quasi-totalité de la population de 3000 habitants.
 
Des droits exhorbitants
Et c’est là que commence une autre polémique. Cette fois, la contestation du projet va bien au-delà du cercle des écologistes. Sept fois de suite, des dizaines de milliers de manifestants ont battu le pavé de Bucarest pour dénoncer les passe-droits dont bénéficie la compagnie minière RMGC, un consortium qui réunit le canadien Gabriel Resources et l’entreprise publique roumaine Minivest.
 
Pour mener à bien son projet, la compagnie a obtenu des avantages exhorbitants. Ainsi, elle peut être mandatée par l’Etat, pour exécuter des procédures d’expropriation. Elle peut donc exproprier quiconque refuse la vente de son bien.
L’Etat de droit en prend un coup, d’autant que RMGC possède déjà les deux-tiers des maisons et la moitié des terres de Rosia Montana. Pire, elle peut en 45 jours récupérer un bâtiment d’Etat.


Vers une union sacrée des protestataires
Lors des manifestations, on a vu des militants de gauche s’en prendre à la politique d’un gouvernement mené par le Parti social démocrate (des ex-communistes). A côté d’eux, des nationalistes dénoncent ce qui, à leurs yeux, est une vente du pays. Les libéraux descendent eux-aussi dans la rue pour condamner l’arbitraire de l‘expropriation et défendre la propriété privée.
 
Du coup, l’opposition écologiste au projet est devenue plus globalement une opposition au modèle économique, à la manière de gouverner, à l’état de la démocratie en Roumanie. Et il y a de quoi en dire sur cette démocratie. «Tous pourris» est devenu le cri du peuple, qui attend un changement, et pour qui le dossier de la mine d’or est exemplaire du clientélisme régnant.
 
L’écrivain et journaliste italien Adriano Sofri jette un regard très sévère sur le pays dans un article publiée dans la Repubblica (traduction dans Presseurope). «Les pressions et manœuvres sur les juges ordinaires pour des affaires de fraudes électorales en tout genre, et même sur la Cour suprême, sont monnaie courante dans un pays où il est difficile de trouver le moindre poste, la moindre charge, qui n’ait été attribué directement par tel ou tel chef de faction. » écrit-il

Manifestation dans les rues de Bucarest contre le projet de mine d'or (HotNews / Dan Popescu)

Une huitième nuit de protestation
Aussi ces manifestations à répétition sonnent-elles comme un réveil démocratique. C'est du moins ce que veulent y voir certains observateurs. Ainsi, le site internet hotnews cité par Presseurope veut y voir «un phénomène sans précédent dans notre histoire postrévolutionnaire (1989), la constitution d'une véritable opposition au sein de la société civile

Un réveil qui semble marquer des points. Le 9 septembre, toujours selon hotnews, le gouvernement a annoncé l'abandon du projet. Mais il doit encore être confirmé par un vote du parlement.
La société canadienne Gabriel Resources a vu son cours d'action chuter de 70% à la bourse de Toronto, et menace d'attaquer en justice l'Etat roumain.

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