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Suisse : l'immigration, un débat très politique

La Suisse, qui occupe le 4e rang en Europe pour les demandes d'asile politique (3.005 requérants pour 1 million d'habitants), a décidé de durcir les conditions des demandeurs. Cette réforme rencontre nombre de critiques de l'opposition et nourrit les courants populistes qui ne veulent pas des étrangers vivant sur le sol helvétique.
Article rédigé par Jean-Claude Rongeras
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Bâtiment de la banque suisse UBS à Bâle (25-10-2011) AFP - SEBASTIEN BOZON (AFP - SEBASTIEN BOZON)

Environ 22% de la population vivant dans la Confédération helvétique est d’origine étrangère, soit 1.789.374 personnes à la fin avril 2012. Et 65% d'entre elles sont originaires d’Etats de l’Union européenne. Un exemple de mixité qui bénéficie à l’économie suisse. Mais cette politique libérale commence à subir des restrictions.

Le Conseil fédéral helvétique (gouvernement) a ainsi rétabli des contingentements sur les permis de travail accordé aux travailleurs venant des ex-pays de l’Est, au motif que l'opinion nourrit un sentiment d’anxiété, selon la ministre suisse de la Justice. Des restrictions concernent également les demandeurs d’asile qui étaient  22.551 à faire une demande en 2001, soit une hausse de 45% par rapport à 2010. Le pays se place ainsi en quatrième place en Europe dans ce domaine.

Un débat télévisé sur la xénophobie en Suisse

TSR, le 1er décembre 2010

L'action de l'UDC
Une première loi répressive contre les étrangers avait déjà été votée au Parlement en octobre 2010, sur une proposition du parti de droite populiste UDC. Les électeurs avaient alors approuvé à 52,9% des voix un durcissement de la politique de renvoi pour les criminels étrangers. La mesure concerne aussi bien un crime qu’un «abus de l’aide sociale».

En mai 2012, l'UDC a saisi le Parlement pour durcir les conditions d’accueil des immigrants afin de rendre le pays moins attractif. Les députés ont supprimé l’aide sociale, qui est remplacée par l’aide d’urgence, dont le montant est deux fois moins élevé. Les possibilités de regroupement familial ont, elles, été réduites alors que des centres spéciaux pour loger les requérants délinquants vont être créés. Ces choix politiques sont dénoncés par l’archevêque de Bâle qui y voit de la xénophobie.

De son côté, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga estime que les mesures décidées seront contre-productives car elles risquent de prolonger les procédures. En effet, les bénéficiaires de l’aide d’urgence n'ayant pas de logement fixe, ni le droit de travailler, ne peuvent être facilement retrouvés, ce qui retarde l'examen de leurs dossiers. Elle défend la nécessité «d’aider tous ceux qui ont besoin de la protection» des autorités.

Dans le même temps, les autorités ont prévu que les demandeurs d’asile invoquant une désertion ou un refus de l’obligation de servir dans l’armée de leur pays ne seront plus acceptés. Pourtant, une bonne partie des requérants viennent d'Etats en guerre tels l’Erythrée ou le Nigéria.

Berne a aussi décidé de mettre fin à la possibilité de demander l’asile dans les ambassades suisses à l’étranger.

En Syrie et en Egypte, cette nouvelle mesure avait été anticipée par les représentations diplomatiques helvétiques : une enquête a ainsi prouvé un viol des règles de procédure entre 2006-2008.

Un climat malsain
Pour certains observateurs, le jeu de l’UDC créée un climat particulier : ainsi, selon le journaliste Marc Schinder, le parti populiste a tendance à présenter la population étrangère comme responsable de tous les maux de la société suisse. En clair, à en faire un bouc-émissaire.

Exemple cité par les mêmes observateurs: le 3 mai 2012, un tract anonyme a circulé dans les hôpitaux universitaires de Genève : «La guerre totale est déclarée. Brûlons leurs maisons, leurs voitures». Précisons que ce libelle fait référence aux quelques 100.000 frontaliers qui viennent faire tourner chaque jour l’entreprise Suisse.

Cette affaire est à l'origine d'une polémique. Le président démocrate-chrétien du Conseil d'Etat de Genève (gouvernement du canton de Genève), Pierre-François Unger, a soutenu la déclaration des autorités des Hôpitaux de Genève selon laquelle «il ne faut plus nommer de responsables d’unités de soin frontaliers», c'est-à-dire originaires de pays limitrophes.

Malgré tout, cette ambiance ne profite pas forcément au parti populiste. Lors des élections d’octobre 2011, il n’a obtenu que 25,9% des voix contre 28,9% en 2007. Des chercheurs expliquent dans Le Matin, qu’en musclant son profil, le premier parti suisse a conquis des électeurs. Dans le même temps, il est devenu infréquentable pour une majorité de citoyens helvétiques.      

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