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Théorie du genre: la grammaire suédoise consacre le sexe neutre

Le pronom personnel neutre «hen» doit faire son entrée officielle, le 15 avril 2015, dans le dictionnaire suédois. Inventé par des linguistes dans les années 60, en pleine vague féministe, il était tombé en désuétude. Dans les années 2000, il est relancé par des personnes revendiquant l'identité transgenre, type LGBT (lesbienne, gay, bisexuel, transgenre).
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Les entrées de nouveaux mots dans le dictionnaire suédois sont déterminées par leur réccurence et leur pertinence. (JOHANNA HANNO / BILDHUSET / SCANPIX)

«Hen» fait partie des 13.000 nouveaux mots qui figurent dans la toute dernière mouture du dictionnaire de l’Académie suédoise. «C’est évidemment une force, pour ceux qui utilisent ce pronom», souligne Sture Berg, l’un des rédacteurs de l’ouvrage, mis à jour tous les dix ans.

L'usage de ce pronom neutre permet de se référer à une personne sans dévoiler son sexe, soit parce qu’on l’ignore, soit parce que la personne dont il est question se revendique transgenre ou soit parce que le locuteur ou rédacteur estime superflue cette information.

Des linguistes suédois l'avaient mentionné, pour la première fois, au milieu des années 1960. Puis, rappelle Slate.fr, le linguiste Hans Karlgren, aujourd'hui décédé, suggéra en 1994 de l'ajouter en tant que nouveau pronom personnel, principalement pour des raisons pratiques. Simplifiant la langue et évitant d’écrire «il/elle» («han/hon» en suédois), «hen» se trouve déjà dans des textes officiels, des jugements, dans les médias et la littérature.

Premier livre «hen»
Son utilisation s’était accélérée en 2012, après la sortie d'un livre pour enfants : Kivi och Monsterhund (Kivi et Monstrochien). Dans ce premier ouvrage revendiqué sexuellement neutre, son auteur Jesper Lundqvist remplace par exemple mammor et pappor (mamans et papas) par mappor et pammor, souligne Slate.

La question transgenre est souvent abordée dans la littérature enfantine suédoise. «Les questions de genre prennent de plus en plus d’importance, soulignait Ann Sköld Nilsson, éditrice à Raben & Sjögren, en 2013. «Les parents d’aujourd’hui y sont très attentifs.», ajoutait-elle alors dans letemps.ch.

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Plusieurs médias ont, à leur tour, employé le pronom neutre dans leurs articles, comme Nöjesguiden, un gratuit dédié à l'art de vivre et distribué dans les grandes villes suédoises. Sa rédactrice en chef, Margret Atladottir demandait alors qu'il soit inclus dans le dictionnaire de l'Académie suédoise, l'institution qui remet chaque année le Prix Nobel de littérature.

Mais une telle émancipation de la grammaire suédoise est loin de faire consensus. Certains de ses opposants perçoivent «hen» comme un gadget quand d'autres qualifient ses partisans de «militants féministes qui cherchent à détruire notre langue».

La Suède avait été désignée comme étant le pays du monde le plus égalitaire sexuellement par le Forum économique mondial en 2010. Insuffisant, aux yeux de nombreux partisans de la neutralité sexuelle qui ne veulent plus que la société suédoise tolère la moindre distinction entre les sexes. 

Les Suédois qui défendent cette cause réclament également que les parents puissent choisir qu'un prénom clairement sexué soit indifféremment donné à leur enfant: par exemple Jack pour une fille ou Lisa pour un garçon.

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