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Un an après, la Sicile est-elle le nouveau Lampedusa ?

Depuis le naufrage d’un bateau de migrants au large de Lampedusa, il y a un an jour pour jour, les réfugiés débarquent en Sicile. 130.000 ont traversé la Méditerranée cette année. Des voyages toujours très périlleux.
Article rédigé par Sébastien Baer
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
  (Le centre d'accueil pour migrants de Mineo, en Sicile © RF-Sébastien Baer)

Ce vendredi, direction la Sicile, un an jour pour jour après le naufrage d'un bateau de migrants, à Lampedusa, qui avait coûté la vie à plus de 360 personnes. Depuis l’accident, les migrants ne sont plus accueillis à Lampedusa, ils arrivent désormais en Sicile. Cette année, 130.000 ont déjà traversé la Méditerranée, trois fois plus que l’année dernière.

Ce matin, le Cassiopée est toujours à quai, dans le port d’Augusta, entre Catane et Syracuse, sur la côte est de la Sicile. Mais il devrait appareiller dans quelques heures pour partir à la recherche de migrants. C’est ce navire, de la marine italienne, qui a récupéré et ramené sur la terre ferme, mercredi soir, 315 personnes exténuées, épuisées. Sous les yeux de Giovanni, de l’organisation internationale pour les migrations.

3.000 morts en 2014

"Ils ont quitté l’Egypte il y a environ une semaine. Pendant leur périple, les passeurs les ont forcés à changer au moins trois fois de bateau. Parmi les migrants, il y a une centaine de femmes et d’enfants, et même des bébés. Ils avaient de grands risques de faire naufrage, car les bateaux sont surchargés. Ce sont de vieux bateaux de pêche, très vétustes… Et c’est ce qui explique en grande partie l’augmentation du nombre de morts en mer, cette année ", explique-t-il.

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Effectivement, cette année, 3.000 migrants ont perdu la vie entre les côtes libyennes et la Sicile. Triste record. Autre record, le nombre d’arrivées de réfugiés en Italie : 130.000 depuis le début de l’année, contre 40 .000 en moyenne, chaque année, depuis l’an 2000.

Accueil des migrants

  (l'entrée du centre Umberto Primo de Syracuse, en Sicile© Radio France/Sébastien Baer)

Les premières heures, les premiers jours, Gilda Violato, conseillère juridique, est très souvent à leurs côtés. "Quand ils arrivent dans le centre, on doit comprendre leur situation, pourquoi ils ont quitté leur pays : parce que c’était la pauvreté, parce que c’était la guerre, il y a beaucoup de raisons. On va leur expliquer leurs droits, qu’ils vont avoir un peu d’argent chaque jour et que le médecin travaille gratuitement. C’est très important, car ils ne connaissent rien de l’Italie ", raconte-t-elle.

Longs séjours

A une heure de route de Catane se trouve le centre d’accueil pour migrants de Mineo. Avec ses 4.000 réfugiés qui vivent dans des maisons aux murs rose, ocre et orange, c’est l’un des plus grands d’Europe. De l’extérieur, c’est très coquet. S’il n’y avait pas les grillages, les barbelés et les militaires qui montent la garde, on dirait presque un village de vacances.

Mais vivre dans le centre, c’est différent. C’est ce qu’explique Adama, un Sénégalais qui est arrivé ici il y a trois mois. "C’est du n’importe quoi, les maisons sont pleines à craquer, dans un appartement prévu pour quatre personnes il peut y avoir 20 personnes. Les habits qu’on nous donne à notre arrivée, ce sont des blousons, les chaussures sont en plastique. Au bout de deux jours, tout est cassé. On ne s’occupe pas de nous, c’est ça le problème. En arrivant ici, on voulait avoir une vie meilleure. Mais parfois c’est pire. C’est déplorable ".

La plupart des migrants sont là depuis plusieurs mois et attendent que leur demande d’asile soit examinée. Ibrahima, venu de Guinée, patiente depuis trois mois. "Nous on est là avec de maigres espoirs, ça ne se passe pas comme on espérait parce que ça prend beaucoup de temps. Moi, je ne peux pas retourner dans mon pays parce que je risque ma vie ". 

  (Des migrants de Gambie, du Sénégal et de Guinée près du centre d'accueil de Mineo. Ils refusent d’être photographiés de face © RF-Sébastien Baer)

La Sicile, république de Lampedusa ?

Depuis le drame de Lampedusa, la situation s’est améliorée. L’opération Mare Nostrum, lancée par l’Italie l’année dernière, a sauvé de nombreuses vies. Les bateaux patrouillent désormais en permanence. Mais la Sicile commence à être saturée. Plus ou presque de places d’accueil disponibles. Et surtout, l’Italie pourrait abandonner, le mois prochain, son opération de sauvetage, trop coûteuse (neuf millions d’euros par mois).

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Cette perspective préoccupe Mbaye, qui vient en aide aux migrants, à Catane. "Sans Mare Nostrum, beaucoup de gens vont mourir. On l’a vu l’année dernière, avec la mort de 300 personnes près de Lampedusa. Ce sera la même chose. On espère que l’Europe va s’impliquer. L’Italie est membre de l’Union européenne. Donc, il est normal que l’Europe fasse la même chose que l’Italie ".

A plusieurs reprises ces derniers mois, l’Italie a réclamé de l’aide aux autres pays de l’Union européenne. Pour éviter de devenir un nouveau Lampedusa, avec ses centres d’accueil surchargés et ses naufrages meurtriers.

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