Grèce : l’Europe s’invite dans la politique intérieure
Le coup de poker du premier ministre grec d’avancer l’élection présidentielle a montré que la souveraineté nationale grecque ne semblait pas tellement plus respectée que sa souverainteté économique au sein de l’UE.
En effet, par sa décision d'avancer la date de l'élection présidentielle, le premier ministre conservateur, Antonis Samaras, joue l'avenir de sa majorité (union conservateurs-PS, ND-Pasok) et celle de la politique d'austérité imposée par la troïka et Bruxelles au grand dam des marchés qui voient avec horreur le retour d'une éventuelle crise de l'euro.
«Juncker vote pour Samaras», titrait d'ailleurs samedi, le quotidien Avghi, proche du Syriza.
«Nous préférerions que l'actuel Parlement élise un président», a indiqué M. Moscovici à Kathimerini. Sans ciller, il a même qualifié d'«homme bien» le candidat officiel à la succession de l'actuel président Carolos Papoulias, l'ancien Commissaire européen Stavros Dimas. Il a malgré tout indiqué que Bruxelles dialogue avec «tous les gouvernements».
Les bons points accordés par Pierre Moscovici à la politique d'austérité grecque a fait bondir un député socialiste français. L’eurodéputé Balas a en effet tweeté «Moscovici est en Grèce pour soutenir le gouvernement actuel #avoirjustehonte».
Moscovici est en Grèce pour soutenir le gouvernement actuel#AvoirJusteHonte
Moscovici est en Grèce pour soutenir le gouvernement actuel#AvoirJusteHonte
— Guillaume Balas (@BalasGuillaume) December 15, 2014
Un tweet relayé quelques heures plus tard par son courant, «Un monde d’avance» de Benoît Hamon, qui ajoute même que l’«indignation» de Balas est «légitime».
Quant au journal l'Humanité, il réagissait sur le «bilan flatteur» de la situation grec décrit par Pierre Moscovici. «Les discours sur l’introuvable «embellie économique» grecque masquent mal les ravages d’un chômage toujours massif. En septembre, selon les chiffres officiels, 25,7 % de la population active était toujours privée d’emploi. Ce taux grimpe à 49,8 % chez les moins de 25 ans. La Grèce détient le record européen du taux de pauvreté (23,1 %)», écrit le journal. Sans compter que la dette grecque n’a cessé d’augmenter malgré la politique d’austérité. Elle est passée de 120 à 177% du PIB…et pourtant une partie a (déjà) été annulée.
Un problème politique
Cette intrusion de Bruxelles dans la vie politique d'un Etat membre ne va pas sans susciter des interrogations. «Cela pose un problème de crédibilité quand la Commission demande quoique ce soit au pays, mais le soutien, par un commissaire étiqueté à gauche d'un gouvernement largement dominé par la droite, renforce encore l'indistinction grandissante entre ce qu'on appelle la gauche et la droite de gouvernement en Europe. Dans un sens, cela clarifie sans doute le débat politique, mais malheureusement, cela profite aussi assez souvent, mais pas toujours heureusement, à des partis extrémistes », notait dans Le Figaro Laurent Herblay qui tient le blog «gaulliste libre».
Ce n'est certes pas la première fois que ce genre d'interventionnisme est observé, à propos de la Grèce. On se souvient que quand le Premier ministre Papandréou avait annoncé vouloir faire un référendum, en 2011, sur le plan de sauvetage européen, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel étaient intervenus pour l’en empêcher.
C'est sans doute sur cette dramatisation du débat que joue le premier ministre grec. Antonis Samaras réussira-t-il son pari grâce à cela ? Réponse avant la fin de l'année.
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