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Grèce: Tsipras repousse le Grexit et évite le scénario argentin de 2001

En 2001, l’Argentine fait face à une dette insoutenable qui mène le pays à la faillite. Comme la Grèce ces dernières années, Buenos Aires va connaître pas moins de sept plans d’austérité qui se termineront par un défaut de paiement et une grave crise sociale. Retour sur le scénario argentin que la Grèce vient de refuser.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un manifestant derrière une banderole «faim» devant le Palais du gouvernement, le 12 Décembre 2001, à Buenos Aires. ( AFP PHOTO/FABIAN GREDILLAS)

«Faute d’accord politique dimanche, la Banque Centrale Européenne cessera de soutenir les banques grecques » avertissait mardi 7 juillet 2015 le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer. Jeudi Alexis Tsipras cédait aux demandes de ces créanciers pour éviter un Grexit. Athènes a finalement refusé une sortie de la zone euro et la mise en place d'une monnaie parallèle. Un scénario vécu par l’Argentine dans les années 2000.

 En 1991, l’Argentine, décide d’aligner la parité du peso sur une monnaie forte le dollar. Un choix monétaire pas très éloigné de l’adoption de l’Euro par la Grèce. En 2001, en échange de son aide financière, le FMI  exige des baisses de salaires dans la fonction publique, et des coupes dans les aides sociales…les Argentins réduisent alors leur consommation, et la croissance se bloque. Le 5 décembre le FMI refuse de lui accorder une aide de 1,3 milliards de dollars après avoir débloqué 20 milliards de dollars la même année.
 
Fin 2001, la charge de la dette argentine représente 20% des dépenses de l’Etat. Les taux d’intérêts flambent. Début décembre, l’Argentine se déclare en défaut de paiement, et décide de ne plus honorer 95 milliards de dette, envers ses créanciers privés.
 
Défaut de Paiement
Très vite les Argentins se précipitent dans leurs banques, 8 milliards sont retirés en quelques jours. Le système bancaire ne peut répondre, le gouvernement argentin impose une limite de retrait de 250 pesos par semaine et interdit tout envoi de fonds à l’extérieur du pays. 70 milliards de dollars d'épargne sont bloqués. Les agences bancaires sont prises d’assaut, et les commerces pillés. Les émeutes font 39 morts à Buenos Aires. Le président Fernando de la Rua décrète l’état de siège avant de prendre la fuite en hélicoptère sous la pression de la rue.
 

Les argentins achètent des dollars au marché noir devant la Banque centrale argentine (AFP/Hugo Villalobos)
Le 6 janvier 2002, le gouvernement met fin à la parité peso-dollar. Un double taux de change est mis en place : l’un officiel à 1,40 peso pour 1 dollar réservé au commerce extérieur; l’autre, interne, chutera rapidement au taux de 4 pesos pour un dollar. La conversion forcée des comptes bancaires en nouveau peso fera perdre une grosse partie de leur épargne aux argentins.
 
Tous les contrats libellés en dollars deviennent immédiatement obsolètes, provoquant un très long contentieux avec les banques étrangères et les entreprises internationales présentes dans le pays.
Le marché immobilier et l’industrie automobile sont en chute libre. En 2002, le Pib argentin dégringole de 11%, le chômage monte à 20% et 57% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. 
 
La moitié des salaires des fonctionnaires sont alors payés par des reconnaissances de dette appelées LECOP. Elles ont l’apparence de billets de banque et sont acceptés comme moyen de paiement dans un grand nombre de magasin. Une économie de troc et de subsistance se met en place. Les argentins investissent la rue pour vendre ou échanger des objets et des services.
 
Les créanciers privés perdent 70% de leurs avoirs
Le 22 septembre, le gouvernement annonce que les emprunts d’Etat contractés par les investisseurs étrangers ne seront que partiellement remboursés. Le plan argentin de conversion de dette se traduit par des pertes de l’ordre de 70% pour les créanciers privés.
 
76% des épargnants et des détenteurs d’obligation finissent par accepter d’être remboursé, au taux de 0,32 dollars pour un dollar prêté.
 
Si l’Argentine à toujours remboursé la dette contractée envers le FMI, les banques privées et les fonds vautours américains (qui ont récupéré ses créances à vil prix) bataillent aujourd’hui encore pour se faire payer.
 
Après avoir touché le fond, l’économie argentine repart de manière vigoureuse, avec même un spectaculaire rétablissement affirmaient les économistes en 2010.
Dès 2003, la forte dévaluation du Peso permet de relancer la production et les exportations. L’Argentine bénéficie d’un triplement des prix du soja et de ses exportations de viande. La Grèce elle n’a pas grand-chose à attendre d’une dévaluation, elle ne peut compter que sur quelques productions agro-alimentaires et sur le tourisme pour relancer son économie. Athènes, en acceptant le 9 juillet 2015 les demandes de Bruxelles et du FMI, à sans doute échappé au mauvais film argentin.
 

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