Inde : l’accès aux toilettes, la croisade du Premier ministre Narendra Modi
En 2014, Narendra Modi avait annoncé ces mesures pour lutter contre la pauvreté et empêcher la propagation de maladies liées aux excréments disséminés dans la nature : 188.000 enfants indiens de moins de 5 ans meurent chaque année de diarrhées.
Son plan de 18 milliards d'euros doit permettre d’ici à 2019 la construction de 130 millions de toilettes dans les foyers et 50.000 sanitaires dans les écoles (257.000 en étaient dépourvues avant le lancement du plan).
L’effort porté sur les établissements scolaires vise à éviter la déscolarisation des filles dès l’âge de 11-12 ans, selon l’association Waterless Toilets for India. En cause, le manque de lieux où elles peuvent se soulager. Voire, quand il y en a, des latrines communes à celles des garçons.
A l’occasion du 69e anniversaire de l’indépendance de l’Inde, M.Modi a dressé un bilan positif de ses mesures: «En très peu de temps, plus de 20 millions de toilettes ont été construites dans les villages indiens et plus de 70.000 d'entre eux ne sont plus concernés par la défécation en plein air.»
Une déclaration qui prêterait à sourire si elle n’était pas un problème de salubrité publique dans ce pays émergent. Selon l’Unicef, la moitié de la population (1,2 milliard d’habitants) s’y soulage dans la nature.
Ce manque de lieux d’aisance génère d’importantes conséquences pour la santé, l'éducation, l’économie, l'environnement, la dignité humaine et la sécurité. Les femmes et les jeunes filles figurent au premier rang des personnes les plus impactées par le phénomène. Elles doivent souvent attendre la nuit pour faire leur besoins dans les champs, où elles sont vulnérables aux violences.
Pour mener à bien le projet gouvernemental, il a fallu former 150.000 maçons pour construire des toilettes. Et former 50.000 éducateurs pour convaincre les habitants de les utiliser. Car, comme le veut tradition hindoue, il est impur de faire ses besoins près des maisons.
Mais il y a loin de la promesse à la réalité, comme le montre l’enquête d’IndiaSpend. Selon le site, moins de toilettes que prévu ont été installées et celles construites, souvent à la va-vite, manquent parfois d'eau ou sont carrément impraticables.
Pour autant, la quête de Narendra Modi, lui-même issu d’une famille pauvre ayant vécu ces problèmes, a fait des émules au sein de la population: début 2016, 71% des Indiens plébiscitaient sa politique sanitaire… bien avant la lutte contre le chômage et le terrorisme.
Un grave problème à l’échelle de la planète
Cette problématique ne touche pas que le sous-continent indien. Chaque 19 novembre, la Journée mondiale des toilettes est là pour le rappeler.
Dans ce domaine, l’Afrique subsaharienne est également plutôt mal lotie, 70% des Africaines n’ayant pas accès à des toilettes salubres.
Dans le monde, 2,5 milliards de personnes n’ont toujours pas accès à un système d’assainissement amélioré, un milliard d’autres (15% de la population mondiale) défèquent dans la nature et un tiers des femmes se sentent en insécurité.
En 2012, l’ONG WaterAid écrivait: «Dans le monde en développement, les femmes et les filles passent 97 milliards d'heures par an à chercher un endroit approprié pour aller aux toilettes... Soit le double des heures travaillées chaque année par la population active au Royaume-Uni.»
En 2014, la Banque mondiale estimait que les frais liés à ce problème coûtaient chaque année l'équivalent de 6% du PIB en Inde et de 5% de celui de l'Afrique sub-saharienne.
Un phénomène qui n’épargne pas l'Union européenne, où 20 millions de personnes n’ont pas accès à des installations sanitaires décentes. Et ce, alors même qu’en 2000, l'ONU s'est fixée comme objectif de réduire d'ici à 2015 de 50% la proportion de la population mondiale qui n'a pas accès à des toilettes décentes.
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