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Les pêcheurs, cibles du conflit territorial entre l’Inde et le Pakistan

C’est un conflit méconnu qui oppose le Pakistan et l’Inde. Une affaire d’eaux territoriales dont les pêcheurs des deux pays sont les principales victimes. Régulièrement, les navires sont arraisonnés et les équipages emprisonnés. L’enjeu: le Sir Creek, une ria longue de 100 kilomètres très poissonneuse où passe la frontière entre les deux pays.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Un soldat indien monte la garde devant des bateaux confisqués à des pêcheurs pakistanais. (AFP/Sam Panthaky)

D’un côté, l’Etat indien du Gujarat. De l’autre, la province pakistanaise du Sind. Les deux sont séparés par une longue et étroite bande de mer que les Indiens appellent Sir Creek. Le Pakistan revendique la totalité du secteur, estimant que, selon une résolution de 1914, sa frontière se situe sur la côte Est de la ria. En revanche, l’Inde veut faire passer la frontière entre les deux rives, en accord avec les règlements internationaux.

Dans cette région de mangroves, les eaux sont particulièrement poissonneuses, et depuis la nuit des temps, la vie s’organise autour de la pêche. Chaque pays revendique une zone économique exclusive (ZEE) aux limites floues, unilatéralement reconnues.

Un conflit qui s'éternise
Des années de négociation n’ont pas abouti et les pêcheurs du secteur deviennent les victimes de cette guérilla territoriale. Un conflit bien plus discret que celui du Cachemire avec ses affrontements militaires.

L’Agence pakistanaise de sécurité maritime (PMSA) précise sur son site internet que plus de 20.000 petits bateaux pakistanais pêchent dans les eaux du Golfe arabique. PMSA promet d'assurer leur protection «contre la menace par les polices des pays voisins», preuve que cette guérilla n’est pas anecdotique.
 
Carte de la région frontalière entre le Pakistan et l'Inde (QORA)

Parallèlement, les gardes-côtes pakistanais assurent avoir intercepté un grand nombre de bateaux de pays voisins pêchant illégalement dans sa zone économique exclusive. Ainsi, le 27 avril 2017, le Times of India annonçait l’arrestation de 23 pêcheurs indiens et la saisie de leurs quatre bateaux par l’Agence pakistanaise de sécurité maritime.

Les pêcheurs sont accusés d'avoir pénétré dans les eaux territoriales pakistanaises. Une accusation très difficile à contester. Les pêcheurs ne possèdent pas de matériel de navigation de pointe pour éviter de se rouver hors la loi.

Des centaines d'arrestations
Le site internet de l’association des pêcheurs du Gujarat énumère le nombre de bateaux de pêche interceptés par le Pakistan: 42 pêcheurs et 7 bateaux le 9 avril 2017, 100 pêcheurs et 19 bateaux le 26 mars 2017, 94 pêcheurs et 17 bateaux le 5 mars 2017… Les pêcheurs traditionnels indiens demandent que des efforts concrets soient entrepris par le gouvernement «pour protéger les pêcheurs qui sont constamment l’objet des attaques suscitées par le Pakistan et la marine sri-lankaise».
 
Pour le seul mois de mars 2017, le bilan s’élève à 225 pêcheurs arrêtés et une trentaine de bateaux saisis, affirme Manish Lodhari, secrétaire d’un syndicat indien de pêcheurs. Une réaction musclée aux opérations menées par les gardes-côtes indiens qui ne se gênent pas non plus pour arraisonner les bateaux de pêche pakistanais. Les pêcheurs sont bien conscients qu’il y a une escalade dans le conflit. Lors d’une assemblée générale fin 2016, ils demandaient aux autorités de ne pas arrêter les pêcheurs pakistanais afin d’éviter les actions de représailles de la part du Pakistan. Cela «provoque une aggravation des conflits et amène les forces maritimes pakistanaises à arrêter les pêcheurs indiens.»

Pourtant,fin 2016, le Pakistan en signe de «bonne volonté» avait relâché 220 pêcheurs indiens détenus pendant un an pour «entrée illégale dans les eaux pakistanaises». L’apaisement ne semble plus à l’ordre du jour.

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