Pierre Monégier, correspondant de France 2, sur la panne de courant en Inde
Quelle a été l’ampleur de la panne ?
Les Indiens sont habitués aux coupures de courant et sont souvent équipés de générateurs pour y faire face. En temps ordinaire, elles durent de quelques minutes à plusieurs heures. Mais là, la panne a été beaucoup plus longue !
Pour autant, il faut un peu relativiser ce qui s’est passé. 660 millions de personnes ont effectivement été touchées. Mais ce chiffre vient de l’addition des bassins de population. Il ne tient pas compte du fait qu’un tiers de la population indienne n’a pas accès à l’électricité.
Dans ce contexte, le pays dépend moins du courant qu’un pays comme les Etats-Unis. Il n’y a qu’à voir ce qui s’est passé en 2003 dans le nord-est des USA et au Canada. En Inde, les conséquences ont été un peu moins violentes. Et les générateurs ont permis d’amortir le choc.
Quelles sont les causes de cette gigantesque coupure ? Les infrastructures du pays sont-elles suffisantes ?
Il y a eu deux pannes : l’une dans la nuit du 29 au 30 juillet, une seconde le 31. Pour la première, on en connait apparemment les raisons. Il faut voir qu’en Inde, l’électricité est produite par plusieurs régions qui l’acheminent vers celles qui en ont le plus besoin. Dans ce cas précis, il semble que certains Etats producteurs aient un peu tiré sur la corde. Ils ont plus consommé que d’habitude et ont donc fourni moins de courant aux autres Etats.
Pour la seconde panne, on est moins sûr. Apparemment partie d’un équipement-relais à Agra, là ou se trouve le Taj Mahal, elle est peut-être liée à une demande trop forte.
D'une manière générale, il y a effectivement un problème d’infrastructures car la consommation est plus importante que la production. Conséquence : le pays doit importer de l’électricité à l’extérieur. On lit d’ailleurs dans la presse que la Chine voit dans le problème indien un possible débouché !
Actuellement, l’Inde achète notamment du courant à un Etat himalayen comme le Bhoutan, qui tire près de la moitié de son PIB de ces achats d’hydroélectricité. Ses grands équipements, barrages et centrales, ont d’ailleurs souvent été construits avec l’aide des Indiens.
Dans le même temps, ceux-ci n’ont pas suffisamment développé leurs propres équipements hydroélectriques. Certes, le débit des fleuves est faible. Mais ils n’ont pas pu ou pas voulu construire davantage de barrages. Il faut dire qu’ici, les rivières sont sacrées : c’est donc un sujet sensible.
Dans ce contexte, les autorités ont décidé d’investir dans le nucléaire. Elles ont notamment signé un contrat avec Areva. La firme française va construire à Jaitapur (160 km au sud de Bombay) deux à six réacteurs EPR pour ce qui est le plus grand projet du monde dans ce domaine.
On entend dire que dans un pays où l’on ne plaisante pas avec le sentiment de fierté nationale, l’opinion s’est sentie humiliée par ces pannes. Est-ce le cas ?
Effectivement, les Indiens sont très sensibles à l’image de leur pays à l’étranger. Et ils n’ont pas apprécié la récente couverture du magazine américain Time sur le premier ministre indien, Manmohan Singh avec ce titre : «The Underachiever», ««De bien piètres résultats».
Mais pour les pannes, je n’ai pas le sentiment d’une humiliation nationale. Les journaux indiens se montrent aussi critiques que la presse étrangère. Ils n’ont pas hésité à titrer : «India, Superpower Without Power» [«L’Inde, superpuissance sans courant» ; en anglais, «power» voulant à la fois dire «puissance» et «courant électrique», NDLR].
La méga-panne a perturbé la vie dans le nord de l'Inde
Al Jazeera, 31-7-2012
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