Même face à Daech, la rivalité entre l’Iran et l’Arabie Saoudite persiste
C'est la dernière provocation d'une longue rivalité. La condamnation à mort en Arabie saoudite, pour «sédition», d'un dignitaire religieux chiite risque d'attiser les tensions entre l'Iran et l'Arabie Saoudite. Nimr Baqer al-Nimr, 55 ans, figure du mouvement de contestation antigouvernementale, avait prêché lors de manifestations en 2011 pour une sécession de l'est de l'Arabie, à majorité chiite, et sa fusion avec le royaume proche de Bahreïn, également agité à l'époque par un mouvement de contestation des chiites majoritaires.
Un haut responsable iranien a mis en garde contre des risques de tensions dans le monde musulman. «Si les informations selon lesquelles un tribunal saoudien a condamné à mort cheikh Nimr sont vraies, cela va sans nul doute heurter les sentiments des musulmans et provoquer une réaction internationale», a déclaré le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, cité par l'agence Mehr.
La guerre des mots
De récents échanges entre l'Arabie Saoudite et l'Iran ont montré que la défiance reste la norme entre ces deux grandes puissances régionales. Le chef de la diplomatie saoudienne Saoud al Fayçal, cité le 13 octobre 2014 par la presse locale, a une fois encore qualifié l'Iran de «puissance occupante» en Syrie, appelant Téhéran à «retirer ses forces de Syrie» où Téhéran soutient le président Bachar al Assad, issu de la minorité alaouite, face aux rebelles sunnites. Et le prince al Fayçal d'ajouter: «Cela vaut aussi pour le Yémen et l'Irak».
«L'Iran aide les peuples de Syrie, d'Irak et de la région à lutter contre le terrorisme», a aussitôt réagi le vice-ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir Abdollahian dans un communiqué à l’agence Reuters. Il dénonce aussi le soutien militaire de Riyad à la monarchie sunnite de Bahreïn qui réprime durement sa majorité chiite, soit 75% de la population, au moindre signe de contestation.
Un entretien entre les deux hommes, en août 2014 à Djeddah (Arabie Saoudite), puis un autre entre Saoud al Fayçal et son homologue iranien Mohammad Javad Zarif, en septembre à New York, avaient pourtant laissé entrevoir une espoir détente entre ces deux grandes puissances régionales.
Rapprochement conjoncturel
Leur rapprochement, par exemple pour lutter contre les djihadistes de Daech, ne serait que conjoncturel, estime Mohammad ali Shabani, spécialiste des relations irano-irakiennes. «La coopération avec l'Iran sur des questions comme l'Irak est probablement dictée (à Riyad) par le sentiment qu'un manque d'engagement serait préjudiciable pour les intérêts saoudiens», souligne-t-il. L’Iran avait lui aussi proposé son aide en échange d’un allègement des sanctions américaines, en vain.
La dynastie saoudienne, malgré le fait qu'elle applique une version rigoriste de l'islam, le wahhabisme, voit d'un mauvais œil toutes les formations islamistes susceptibles de contester ses prétentions au leadership du monde sunnite. Avec les autres monarchies sunnites du Golfe, l'Arabie saoudite soutient les rebelles syriens qui tentent de renverser le régime de Bachar al-Assad à Damas. Ce dernier jouit du soutien financier et militaire de l'Iran et s'appuie également, dans ses combats, sur le Hezbollah, mouvement chiite libanais financé par Téhéran.
Dans le cadre de la coalition internationale conduite par les Etats-Unis, l'Arabie Saoudite et quatre autres pays arabes (Bahreïn, Qatar, Emirats arabes unis, Koweit) bombardent les positions de Daech combattu par le régime syrien. Néanmoins, leurs relations sont marquées par des divergences sur plusieurs conflits régionaux. Le Qatar soutient la mouvance islamiste des Frères musulmans, ce qui irrite ses voisins.
Le programme nucélaire iranien
A propos du Yemen, M. Amir-Abdollahian a rejeté les propos du prince Al-Fayçal en affirmant que «ce qui se passe au Yémen est une affaire intérieure de ce pays». La République islamique est accusée par l'Arabie saoudite de soutenir les rebelles chiites qui, le 21 septembre 2014, ont pris le contrôle de la capitale yeménite Sanaa.
Outre ces points de désaccord, les relations entre l'Arabie Saoudite et l'Iran s'étaient également refroidies ces dernières années à cause du programme nucléaire iranien. Toutefois, depuis l'élection du président modéré iranien Hassan Rohani, un timide rapprochement diplomatique a été opéré. Les chiites représentent deux millions des 18 millions de Saoudiens sunnites en grande majorité. Ils se plaignent de discrimination, l'accès à d'importants postes dans l'administration et dans les services de sécurité leur étant interdit.
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