Israël : une loi pour alimenter de force les prisonniers palestiniens
Le 24 avril 2014, 63 Palestiniens entamaient une grève de la faim pour protester contre leur détention par Israël, sans inculpation, ni jugement. Deux mois plus tard, le 25 juin, un de leurs avocats annonçait que les grévistes de la faim suspendaient leur mouvement suite à un accord avec les autorité pénitentiaires, à quelques jours du ramadan.
En 2012, 1.550 détenus palestiniens avaient mis un terme à une grève de la faim en échange d'une série de mesures incluant la visite de membres de leurs familles venues de Gaza et l'arrêt, pour certains d'entre eux, de mesures d'isolement.
Contraire à l'éthique
Pour tenter d'empêcher d'autres grèves de la faim, le gouvernement israélien veut faire adopter une loi qui permettrait de nourrir de force les grévistes. «Nous allons nous doter maintenant de moyens supplémentaires qui vont permettre une diminution des grèves de détenus», a affirmé le Premier ministre Benyamin Netanyahu, en allusion au projet de loi autorisant l'alimentation de force des détenus. Une pratique dénoncée par les organisations des droits de l'Homme et jugée contraire à l’éthique par l’association médicale israélienne, qui représente la majorité des médecins du pays.
Selon les statistiques israéliennes, 200 des 5.000 prisonniers palestiniens sont sous le coup d'une détention administrative. Cette disposition fait partie de la législation sur l'état d'urgence héritée du mandat britannique sur la Palestine (1920-1948). Elle permet aux autorités israéliennes de détenir des Palestiniens soupçonnés d’infraction à la sécurité, sans jugement, pour des périodes de six mois renouvelables. Israël affirme y avoir notamment recours pour garder secrets les dossiers des suspects et protéger son réseau d'informateurs, considérés comme des «collaborateurs» par les Palestiniens.
La grève de la faim, l'«issue ultime»
Cette mesure est qualifiée de «tyrannique» par d’actuels ou anciens détenus administratifs. «Il n'y a pas d'accusations, tout ce qu'ils affirment avoir contre vous est secret. La grève de la faim est l'issue ultime, même si elle mène à la mort», affirme Rami Barghouthi, libéré fin mai après quatre mois de détention, dont 26 jours de grève de la faim.
Sur les plus de 5.000 prisonniers palestiniens peuplant les geôles israéliennes, 340 sont en détention administrative, dont plus de 140 arrêtés à la suite de l'enlèvement, le 12 juin, de trois jeunes Israéliens en Cisjordanie occupée.
Une question qui s'est posée à Guantanamo
Le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, Juan Mendez, a exhorté Israël à ne pas légaliser «la nutrition forcée, cruelle et inhumaine», à l'encontre «d'individus qui ont choisi le recours extrême à la grève de la faim pour protester contre leur détention sans jugement et leurs conditions d'emprisonnement.»
La question de l'alimentation forcée d'un détenu syrien en grève de la faim s'est récemment posée à Guantanamo. Abou Wa'el Dhiab, 42 ans, qui a été déclaré libérable en 2009, reste incarcéré sans inculpation ni jugement depuis près de douze ans.
De «grandes souffrances»
La juge américaine Gladys Kessler a expliqué qu'elle était confrontée à un choix cornélien: soit elle prolongeait l'interdiction d'alimentation forcée et Dhiab mourait, soit elle autorisait le personnel médical à intervenir pour le maintenir en vie au prix de «grandes souffrances». Ses avocats ont pourtant fait valoir que la pratique consistant à extraire leur client de sa cellule, à l'immobiliser et à lui faire ingérer de la nourriture au moyen d'un tube glissé dans ses voies nasales était illégale.
En 2013, plusieurs dizaines de détenus de cette prison avaient mené une grève de la faim pendant plus de six mois et avaient été alimentés de force.
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