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À Naples, des fresques en hommage à la mafia : "des symboles de la criminalité" ou "un message utile" pour les jeunes ?

De grandes fresques murales ont fleuri un peu partout à Naples et font partie du patrimoine de la ville. Beaucoup d'entre elles sont dédiées à des mafieux. 

Article rédigé par franceinfo - Bruce de Galzain, édité par Ariane Schwab
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
L'une des fresques murales de Naples dédiées à Ugo Russo, un jeune délinquant tué par un carabinier qu'il tentait de voler. (CIRO FUSCO / EPA/ANSA)

À Naples en Italie, on trouve 15 000 lieux où des fresques, des autels, des photos sont exposés en mémoire des mafieux ou de leurs lieutenants. En janvier 2020, le préfet avait décidé d'y mettre un terme et ordonné que toutes les fresques, autels et autres symboles dédiés à la Camorra soient effacés. Une entreprise moins aisée qu’il n’y paraît.

Francesco Emilio Borelli est conseiller régional de Campanie. Il lutte pour que soient effacés ces symboles. "À un moment, on a arrêté d'enlever les fresques murales, les autels dédiés aux criminels, aux mafieux de la Camorra et aux mineurs délinquants alors qu'on aurait dû y aller beaucoup plus fort !, dénonce-t-il. Ce sont des symboles de la criminalité, ils sont dédiés aux criminels, pas aux victimes. Sur les victimes, vous ne trouverez rien".   

"C'est tout un système criminel culturel qui doit être aboli dans notre ville !"

Francesco Emilio Borelli, conseiller régional de Campanie

à franceinfo

Lorsqu'une fresque est effacée ou un autel supprimé, ils réapparaissent au même endroit ou ailleurs en plein cœur de Naples. Les autels sont même branchés sur l'électricité communale pour être éclairés. Le conseiller Borelli prône désormais la tolérance zéro. Selon lui, il y a 1 000 familles criminelles à Naples qui, de génération en génération, ne sortent jamais de l'engrenage.

Des fresques utiles, selon certains   

Mais la frontière est ténue entre mafieux et délinquants. Un exemple avec cette fresque géante dédiée à Ugo Russo, un jeune délinquant de 15 ans. Il avait tenté de voler sa montre à un carabinier en civil qui l'a tué. Un comité a été créé pour défendre sa mémoire et le conseiller Borelli ne peut pas approcher les lieux. "Si j'allais là-bas tout seul en ce moment, il y aurait des problèmes d'ordre public et je risquerais ma tête, assure-t-il. Je parle d'un environnement criminel souvent lié à la Camorra". Et Francesco Emilio Borelli d'interroger : pourquoi un clan de la mafia sicilienne s'est-il filmé devant la fresque pour soutenir la famille d'Ugo Russo ?  

Ces liens avec la mafia, la famille les dément. Les proches aussi, comme cet homme de 40 ans rencontré sur place. Il a trois enfants et pour lui, cette fresque est utile.

"C'est un message pour tous ses amis du même âge : Ugo Russo a fait une erreur et personne ne doit plus en faire."

Un père de famille

à franceinfo

"Si on enlève cette fresque, on va l'oublier alors que là, ils le voient et ils comprennent qu'ils ne doivent plus faire d'erreur, estime le père de famille. Il a fait une erreur mais il a eu directement la peine de mort. Il avait droit à la justice".

Et ce proche de la famille d’assurer que les on-dit sur les liens supposés de la famille avec la Camorra sont faux. "Mais jamais ! s’exclame-t-il. Son père a eu quelques vieilles histoires mais ça n'a rien à voir avec la Camorra !" Dans ces quartiers espagnols, en plein cœur de Naples, on roule encore sans casque à trois sur un scooter. Ici les règles, toutes les règles, ce n'est pas pour tous.

Les fresques controversées de Naples : reportage de Bruce de Galzain

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