Japon : louer un «ami» pour ne pas perdre la face
L'illusion d'une vie remplie de chaleur humaine.Tel est le nouveau crédo des Japonais, trop longtemps repliés sur eux-mêmes. Pour 40 euros de l'heure, ils peuvent désormais louer un «ami» pour une journée shopping, mais aussi un «collègue», un «témoin de mariage» ou un «compagnon» pour un dîner au restaurant.
Une fois par mois, ce célibataire de 35 ans du nord de Tokyo s'offre ce petit plaisir. L'heure et le lieu du rendez-vous sont toujours les mêmes: 11h devant une boutique de vêtements dans un quartier branché de la capitale. Une jeune femme «amie» l'attend et tous les deux passent la journée à faire du lèche-vitrines et à «papoter». Même s'il n'ose pas l'appeller par son prénom, il lui confie ses soucis personnels: «Maman a été hospitalisée.» «Ah bon, vous devez être inquiet», lui répond-elle. Une journée de shopping accompagné lui coûte 235 euros, selon Courrier International citant un article d'Asahi Shimbun. Le soir, il rentre seul chez lui. Cette «amie» travaille pour Clients Partner.
Car le vague à l'âme des Japonais en manque de partenaire a donné des idées à certains. Plusieurs sociétés de location d'amis ont vu le jour. Et ça marche. Le leader, Clients Partner, affiche plusieurs dizaines de demandes par mois. «Il s'agit de personnes manquant de confiance en elles, particulièrement sensibles au jugement des autres», déclare-t-on à l'agence, selon Le Monde. Et le problème de la solitude commence très jeune, dès l'école. «Si les étudiants n'arrivent pas à nouer des contacts dès leurs débuts sur le campus, ils restent définitivement isolés», assure Clients Partner.
Un phénomène qui s'accentue et que le psychiatre Rika Kayama attribue au développement des mobiles, smartphones et consoles de jeux. «Les jeunes d'aujourd'hui s'immergent sous nos yeux dans des mondes où ils peuvent vivre complètement séparés de nous.» Certains de ses patients avouent «se sentir seuls même au milieu de la foule». On trouve beaucoup d'étudiants parmi les clients de Clients Partner. Etre jeune et sans ami, impensable chez nous, mais une réalité cruelle au Japon. Par le biais de cette société, ils pourront «papoter» un après-midi, aller au cinéma avec quelqu'un d'attentionné et à l'écoute.
Mais pas question d'aller au-delà de la relation amicale. L'alcool est interdit pendant les rencontres et les «amis» de location n'ont pas le droit de se rendre seuls chez un client, ni de monter dans sa voiture. Pas question non plus de se toucher. Seule une poignée de mains est autorisée et seulement lors de la première rencontre. Clients Partner veille à ce que ces règles strictes soient respectées et se défend de flirter avec le proxénétisme.
Même si la société confucianiste pousse de nombreux Japonais à masquer leurs sentiments, la solitude dans un lieu public ou lors d'une cérémonie reste mal vue.
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