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«La guerre de l’eau» vue par le photographe Franck Vogel
Publié le 01/10/2016 18:03
Temps de lecture : 1min
Chaque fleuve a son histoire. Et Franck Vogel, photojournaliste pour la presse internationale et ingénieur agronome de formation, a décidé de nous raconter, à travers son livre «Fleuves Frontières» (Editions de La Martinière), le Brahmapoutre, le Nil, le Colorado et le Jourdain. Des cartes et des infographies complètent ces récits.
L’eau est un enjeu économique, écologique et géopolitique pour de nombreux pays entraînant des conflits pour le contrôle de territoires riches de ce précieux liquide. Dans ce contexte, les fleuves transfrontaliers au cœur de ces problématiques sont particulièrement concernés.
«Si le premier reportage sur le Nil a été financé par le Festival photoreporter de St Brieuc , le reste de la série a été pris en charge par le magazine Geo. Pour cause : chaque fleuve photographié a donné lieu en amont à quantité de recherches sur les enjeux locaux, à nombre de rencontres avec des acteurs des différents pays traversés par ces fleuves, et ensuite à un travail de terrain illustrant de manière unique les enjeux ainsi pointés», a-t-il expliqué à Anne-Sophie Novel (Blogs du Monde) .
La sortie du livre est accompagné d’une exposition «Le Colorado - Le fleuve qui n’atteint plus la mer» au Pavillon de l’Eau à Paris, du 30 mai au 30 décembre 2016.
Franck Vogel prépare un second tome consacré aux fleuves Mékong, Amazonie, Zambèze et Gange.
traverse de nombreux pays d’Afrique. Deux traités (1929 et 1959) garantissent à l’Egypte et, dans une moindre mesure, au Soudan d’être les principaux bénéficiaires du partage des eaux du fleuve. De plus, une clause offre à l’Égypte un droit de veto sur n’importe quel projet de barrage en amont de son territoire. Le Nil fournit à l’Egypte 90% de son eau pour ses besoins domestiques et agricoles. (Franck Vogel)
avec la majorité des autres États du bassin du Nil, un traité qui prévoit l’utilisation équitable des eaux par les pays riverains. Or ce texte n’est reconnu ni par l’Égypte, ni par le Soudan», explique Franck Vogel. En 2013, la construction du barrage de la Grande Renaissance en Ethiopie fait craindre au Caire que cela n’affecte le débit du fleuve. Le projet envenime alors dangereusement les relations entre les deux pays. Mais en 2015, l’Égypte signe un accord de principe avec l’Éthiopie et le Soudan pour la construction du barrage et le 20 septembre 2016, les trois pays choisissent deux entreprises françaises pour mener des études d’impact de ce projet. (Franck Vogel)
la construction du canal de Jonglei est lancée au Soudan. Mais la guerre civile stoppera net les travaux, laissant un tiers du projet inachevé. Celui-ci a pour but de récupérer une partie de l'eau du Nil qui se perd dans les marécages. Pour les spécialistes, il est urgent de relancer ce projet pour permettre de développer l’agriculture sur les terres extrêmement fertiles d’une région considérée comme le «grenier à blé potentiel du monde». (Franck Vogel)
accuse la Chine «de vouloir monopoliser toutes les ressources en eau du Brahmapoutre».
93% de la production énergétique chinoise est dépendante de l'eau et l'agriculture représente entre 65 et 70% de l'eau utilisée. Pour répondre à cette demande, Pékin veut exploiter les eaux du Brahmapoutre qui prend sa source au Tibet. «En novembre 2014, les autorités chinoises ont activé les premières turbines du barrage de Zangmu (510 mégawatts) sur le Brahmapoutre, et programmé la construction de trois autres», précise Franck Vogel. (Franck Vogel)
New Delhi ne fait pas mieux que Pékin. Le gouvernement indien a lui aussi entrepris des travaux conséquents sur le fleuve dans deux États de l’extrême nord-est : l’Arunachal Pradesh et l’Assam. Au total, 150 barrages sont planifiés pour générer plus de 50 000 mégawatts d’électricité d’ici 2020, de quoi répondre à 10 % des besoins électriques du pays», raconte le photographe. (Franck Vogel)
pour développer leur potentiel hydroélectrique, d’autres pays comme le Bangladesh s’inquiètent aussi de cette situation. «Sans compter qu’un autre enjeu vient se superposer, car Pékin ne reconnaît toujours pas la souveraineté de l’Inde sur l’Arunachal Pradesh», ajoute le photographe. (Franck Vogel)
le Colarado alimente en eau sept Etats des Etats-Unis (Arizona, Californie, Nevada, Colorado, Utah, Nouveau-Mexique et Wyoming) ainsi que le Mexique. La construction des barrages Hoover puis Glen Canyon, ont permis d’urbaniser et de fertiliser les terres du sud-ouest américain. Mais le Colorado est devenu une source de conflits entre les USA et leur voisin. Car sécheresse, surexploitation et gaspillage, côté américain, entraînent un risque de pénurie et privent le Mexique de ressources hydriques. (Franck Vogel)
sur le blog du journaliste Cyrielle Hariel : «Le Colorado est le seul grand fleuve à ne plus se jeter dans la mer… à cause de l’agriculture qui consomme 85% de son eau. L’image de Las Vegas, symbole du gaspillage de l’eau dans un désert, est certes réelle mais c’est surtout un bouc émissaire pour ne pas parler de l’agriculture. L’Imperial Valley, dans le sud de la Californie, et ses 300 familles de fermiers prélèvent 70% de l’eau du Colorado (…). Il faut 3550 litres d’eau pour produire un steak de 200g ! Ici, il fait 45 degrés et j’ai découvert un élevage de 90.000 vaches». Pourtant, non loin de là, en Arizona, un tiers des Indiens Navajos n’ont pas accès à l’eau courante. (Franck Vogel)
la population du sud-ouest des États-Unis devrait augmenter de 20 millions d’habitants, ce qui la portera à 60 millions. Dans ces conditions, la Californie risque de ne plus pouvoir compter sur les eaux du bassin du Colorado. « Lors de ma venue », raconte le photographe «le gouverneur de l’État, le démocrate Jerry Brown, a décrété l’état d’urgence, demandant à ses administrés de réduire leur consommation en eau de 20 %. Mais difficile de trouver une solution à cette crise, quand les Californiens continuent d’arroser leurs jardins avec des jets automatiques». (Franck Vogel)
Au nord, entre le Liban et le lac de Tibériade, son cours supérieur est surexploité depuis plus d’un demi-siècle par les pays limitrophes (Israël, la Jordanie et la Syrie), qui ne disposent que de très rares ressources en eau. L’État hébreu puise 50 % des eaux du Jourdain pour irriguer son agriculture et approvisionner ses principales villes via l’Aqueduc national d’Israël (…). Les Palestiniens de Cisjordanie, qui n’ont pas d’accès direct au fleuve en raison de la zone de sécurité imposée par Israël sur la rive droite, n’en récupèrent que 5 %», raconte le photographe. (Franck Vogel)
«De leur côté, la Jordanie et la Syrie ont saisi leur part du gâteau en pompant respectivement 35 % et 15 % (des eaux du fleuve). Au sud, le cours inférieur du Jourdain est réduit à une maigre coulée de boue nauséabonde qui affecte la biodiversité et met en péril la mer Morte, ce lac salé exceptionnel menacé d’assèchement. Et tandis que le niveau de la mer Morte baisse d’un mètre par an, son pourtour se perfore de profondes crevasses qui ensevelissent routes et infrastructures touristiques.» (Franck Vogel)
Diverses initiatives, notamment celles du groupe environnemental EcoPeace Middle East, sont lancées pour tenter d’améliorer tant la gestion que la qualité des eaux du fleuve, arrêter les ponctions permanentes et injecter plusieurs centaines de millions de mètres cubes dans son cours inférieur. Par ailleurs, la priorité actuelle est celle de la survie de la mer Morte, que la mise en œuvre d’un projet de canal en provenance de la mer Rouge devrait permettre d’alimenter. La Jordanie et Israël se sont entendus pour débuter les travaux. Ce ‘‘canal de la paix’’ pourrait ainsi constituer un premier pas vers une réconciliation», conclut Franck Vogel. (Franck Vogel)
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