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Le dégel et l'exploitation de l'Arctique, dangers pour la planète
Le président Obama donne son feu vert à un forage pétrolier dans l'Arctique. La fonte des glaces va donner accès aux réserves de gaz et de pétrole enfouies sous la banquise. Une perspective qui fait rêver les multinationales américaines, russes et canadiennes. Les scientifiques, eux, redoutent un dégagement massif de méthane, emmagasiné depuis des siècles dans les sols gelés du Grand Nord.
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Les huit pays membres du Conseil de l’Arctique (Canada, Finlande, Russie, Etats-Unis/Alaska, Norvège, Suède, Danemark/Groenland, Islande) réunis le 25 avril 2015 au Nuvanut dans le Grand Nord canadien avaient affiché leurs contradictions. Si chacun veut exploiter les prometteuses matières premières de la région, les Etats-Unis et les pays scandinaves mettent en avant la défense de l'environnement. Au moment où les Etats-Unis tentent de développer des sources énergétiques propres, Barack Obama a donné son feu vert au géant Shell de forer au large de l'Alaska. «Je travaille à travers le monde pour réduire nos émissions de dioxyde de carbone et pour remplacer à terme, les énergies fossiles par des énergies propres», s'est toutefois défendu le 14 mai le président américain. Les écologistes et les scientifiques tirent la sonnette d'alarme.
L’Arctique connaît un réchauffement rapide, provoquant une diminution régulière de la banquise en superficie et en épaisseur. Selon le Centre américain de la neige et de la glace (NSIDC), la surface de glace (mesurée à la fin de l’été) a diminué de 45% depuis 1979. A ce rythme, l’ensemble de la banquise pourrait disparaître l'été avant 2040, affirme Peter Wadhams, spécialiste de l’océan polaire à l’université de Cambridge. Cette débâcle donne accès aux richesses du sous-sol, estimées à 30% des réserves mondiales de gaz et à 13% de celles de pétrole. La disparition des icebergs ouvre également de nouvelles routes maritimes entre les océans Atlantique et Pacifique. Selon la Lloyds, 100 milliards de dollars d’investissements seront réalisés dans l’Arctique, dans les dix prochaines années.
Mais ce dégel pourrait également libérer une bombe climatique qui coûtera beaucoup plus cher que les revenus tirés de quelques années supplémentaires d’approvisionnement en gaz et en pétrole.
Le dégel du Permafrost, ces sols gelés de Sibérie, de l’Alaska et du Grand Nord canadien pourrait libérer des milliards de tonnes de méthane.
Le permafrost (ou pergélisol en anglais) est une couche de sol glacé pouvant atteindre plusieurs centaines de mètres. Ces sols couvrent, selon les géographes, 10 millions de km². Dans ces régions polaires, les températures descendent à -50° en hiver et montent aujourd’hui jusqu’à +30° en été. Selon Gilles Ramstein de l’Institut Pierre-Simon Laplace, «si tout le permafrost se mettait à fondre, cela libérait l’équivalent actuel de 70 années d’émission de carbone».
Bombe climatique
Toute la question est de savoir à quelle vitesse le permafrost va fondre et quelle épaisseur sera concernée. Une équipe franco-canadienne du CNRS débute une mission dans les régions arctiques du Canada pour étudier la rapidité du phénomène, notamment les échanges thermiques entre le sol et l’air afin d’estimer la quantité de CO2 libérée dans l’atmosphère. «Si la fonte est trop rapide et trop importante, les océans ne pourront pas absorber leur quantité habituelle de gaz et le réchauffement sera amplifié», affirme Gilles Ramstein.
Feux de tourbes, glissements de terrain… les signes de ce grand réchauffement sont déjà visibles en Sibérie et dans le Grand Nord canadien. Dans de nombreux villages, le dégel ravine les routes et les fondations des maisons. Des lacs se forment, avec à la surface des bulles de gaz dues à la transformation du carbone par les bactéries.
Les chercheurs évoquent des éruptions de méthane pour expliquer les cratères qui se forment dans le permafrost. Le «réchauffement climatique accélère de manière inquiétante la fonte des glaces souterraines, ce qui a pour effet de relâcher du gaz à la manière de l'ouverture d'un bouchon de champagne», affirme la scientifique russe Anna Kurchatova citée par le Siberian Times.
Dans un rapport publié en septembre 2012, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement souligne que les prévisions scientifiques ne prennent pas pleinement en compte le dégel du permafrost. De nombreux chercheurs s’inquiètent d’une possible spirale infernale entre dégel du permafrost et dégagement de gaz à effet de serre. Un emballement qui pourrait entraîner la planète vers un réchauffement accéléré.
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