Le président kazakh a été réélu dimanche avec 95,5 % des voix, selon des résultats communiqués lundi
"Plus de 90 % pour un candidat, c'est à dire moi, cela fait bien sûr sensation dans les Etats occidentaux", a estimé Noursoultan Nazarbaïev devant ses partisans.
Pour autant, les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) estiment que cette présidentielle n'a pas été "une véritable élection démocratique".
"Nous avons montré que nous étions unis, alors qu'en général, les élections présidentielles divisent les pays et les peuples en factions partisanes", a déclaré de son côté le dirigeant kazakh.
L'OSCE indique avoir "noté de sérieuses irrégularités, notamment un grand nombre de signatures apparemment identiques sur les listes électorales et des cas de bourrage d'urnes". "Le comptage des suffrages (...) manquait de transparence", poursuit son rapport, qui souligne aussi que "dans l'ensemble, les médias opèrent dans un environnement restrictif induisant l'auto-censure". Aucune élection au Kazakhstan n'a été reconnue comme libre par l'OSCE depuis l'indépendance en 1991 de cette ex-république soviétique d'Asie centrale.
Noursoultan Nazarbaïev, 70 ans dont près de 22 au pouvoir, avait convoqué en février cette présidentielle à la surprise générale. Conséquence: l'opposition l'a boycottée, estimant ne pas avoir le temps de faire campagne.
Seuls trois autres candidats sans envergure étaient en lice. Deux avaient soutenu en janvier l'idée d'un référendum pour maintenir le président sortant au pouvoir jusqu'en 2020. Quant au troisième, il a annoncé dimanche avoir voté... pour Nazarbaïev.
En 2005, ce dernier s'était fait réélire avec plus de 91 % des voix, et aux dernières législatives en 2007, son parti a obtenu tous les sièges du Parlement. Il est par ailleurs depuis 2010 "Elbassy" ("chef de la Nation" en kazakh): un statut qui lui confère le pouvoir de décider à vie des grandes orientations politiques du pays ainsi qu'une immunité perpétuelle.
Paradoxe
Pour les observateurs les plus impartiaux, le Kazakhstan est loin d'être un modèle de démocratie. Pour autant, soulignent-ils Noursoultan Nazarbaïev bénéficie néanmoins d'une réelle popularité auprès de ses 16 millions de concitoyens, notamment en raison d'un boom économique lié aux vastes réserves de pétrole du pays. Il représente aussi un facteur de stabilité dans une région n'est pas forcément très stable.
Sous son impulsion, le Kazakhstan, dont le sous-sol regorge aussi de gaz et d'autres matières premières, a bâti des relations étroites avec la Russie, la Chine et les puissances occidentales. Le Kazakhstan a ainsi obtenu en 2010 la présidence de l'OSCE, une organisation pourtant chargée de s'assurer du respect des principes
démocratiques chez ses membres.
Un "autocrate policé"
Noursoultan Nazarbaïev est un autocrate policé dont le principal atout face aux accusations de despotisme est de diriger le pays le plus prospère d'Asie centrale, expliquent souvent les observateurs et les chancelleries occidentales.
Cet homme de 70 ans au visage rond, avare en sourires et au regard vif, a commencé sa carrière en tant qu'ouvrier dans la métallurgie avant de grimper les échelons du Kazakhstan soviétique. En 1989, il devient le premier secrétaire du parti communiste local, alors centre du pouvoir.
Malgré un appel du Parlement, il a rejeté l'organisation d'un référendum pour se maintenir à la présidence jusqu'en 2020. Mais en janvier, il a annoncé qu'il était prêt à rester indéfiniment au pouvoir, avant de convoquer avec près de deux ans d'avance une présidentielle pour le 3 avril.
"Je suis prêt à travailler autant que je le pourrai, si mon état de santé me le permet", a déclaré Noursoultan Nazarbaïev, 70 ans, en s'adressant à la nation en début d'année. "J'ai compris le signal du peuple : ne pas quitter mon poste, continuer à travailler", a-t-il ajouté.
Apparatchik soviétique, Noursoultan Nazarbaïev opère comme nombre d'autres dirigeants locaux une mue politique lorsque tombe l'URSS en 1991 et que le Kazakhstan accède pour la première fois à l'indépendance. Il se convertit alors au capitalisme et impose peu à peu sur la scène internationale sa vaste république désertique, riche en hydrocarbures et minerais, encadrée par les géants russe et chinois. Une république à la conscience nationale récente, faut-il le rappeler.
Le dirigeant kazakh mène une politique étrangère "multivectorielle", selon la terminologie officielle, a su se lier d'amitié aussi bien avec Moscou et Pékin qu'avec Washington. Pour cela, il utilise avec pragmatisme les énormes réserves d'hydrocarbures, accordant aux uns et aux autres concessions pétrolières et oléoducs, tout en agitant la menace d'amendes ou d'expropriations pour imposer les intérêts de son pays. Le résultat a été spectaculaire: jusqu'à 2008 et le début de la crise mondiale qui a plombé ses résultats économiques, le Kazakhstan enchaîne une décennie de croissance flirtant avec les 10 % annuels.
A Astana, la nouvelle capitale depuis 1997, il a forgé une ville à l'architecture extravagante à coup de milliards de pétrodollars. Il a fait élever des gratte-ciel biscornus, une pyramide, un musée à sa gloire et d'autres bizarreries architecturales censées incarner la réussite kazakhe.
Mais Noursoultan Nazarbaïev n'est pas un modèle de démocratie. Plusieurs de ses opposants sont morts dans des circonstances troubles et d'autres ont été emprisonnés ou contraints à l'exil.
Omniprésent à la télévision, son visage s'affiche aussi sur les panneaux le long des routes et ses citations s'étalent dans les localités kazakhes. Il figure dans la Constitution comme co-auteur de l'hymne national.
Sa réputation a par ailleurs été ternie au début des années 2000 par un scandale de corruption pour l'attribution de concessions pétrolières. Conséquence d'une procédure judiciaire, ce "kazakhgate" l'empêchera pendant six ans de se rendre aux Etats-Unis.
L'entreprise de BTP de sa troisième fille, Alia Nazarbaïeva, a bâti une bonne partie d'Astana. Le mari de sa cadette, Timour Koulibaïev, a la haute main sur le secteur pétrolier.
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