Manifestations anti-Charlie Hebdo : Odon Vallet appelle à "l'apaisement" et au "dialogue"
Six jours après la parution du dernier numéro de Charlie Hebdo, la colère de retombe pas dans une partie du monde musulman. Ce week-end, plusieurs milliers de personnes se sont réunis à Lahore, Dakar ou Niamey pour exprimer leur opposition à Charlie Hebdo. Dix personnes sont mortes au Niger dans ces manifestations. Comment expliquer de telles vagues de violence ?
"Les manifestations ont eu lieu contre le Président du Niger autant que contre Charlie Hebdo"
"C'est très bizarre, parce que les évènements de Paris ont été très suivis en Afrique. A la paroisse Saint-François-Xavier de Porto Novo, au Bénin, la feuille paroissiale avait même l'intitulé 'Je suis Charlie' ", explique Odon Vallet. "En même temps, on sentait bien qu'il y avait des interrogations sur les risques d'amalgame. C'est ce qu'on voit aujourd'hui avec les manifestations au Niger. Parce que le président du Niger avait défilé juste à côté du président Hollande, c'était évidemment très voyant. Et les manifestations ont eu lieu contre le président du Niger autant que contre Charlie Hebdo. Même chose pour le Mali, le Sénégal, etc ".
"Ne pas mettre d'huile sur le feu"
Les manifestations anti-Charlie Hebdo de ces derniers jours ont bien souvent tourné aux rassemblements anti-Français. Plusieurs drapeaux français et effigies de François Hollande y ont été brûlés. Des faits qui ne sont "pas très rassurants pour nos compatriotes expatriés ", d'après Odon Vallet. "On a le sentiment qu'il y a un risque majeur, c'est de voir la France se mettre à dos 1,4 milliard de musulmans, de voir les Instituts Français, les lycées français attaqués " ajoute Odon Vallet, qui appelle à l'apaisement. "Ce n'est pas le moment de mettre de l'huile sur le feu, mais plutôt de mettre de l'huile dans les rouages ", selon l'historien des religions.
"Sur le plan extérieur, on n'a pas vraiment compris à quel point les musulmans étaient choqués. Le pape François a d'ailleurs dit qu'il fallait respecter toutes les religions, ça vaut pour le christianisme, comme pour l'islam, comme pour le judaïsme ".
"Moi si j'avais 18 ans dans le nord du Nigéria, peut-être que je serais à Boko Haram"
Chercher l'accalmie mais aussi comprendre cette violence, un "exutoire " pour les problèmes intérieurs de beaucoup de ces manifestants, en particulier les jeunes. "Il y a des crises économiques terribles. Pensez au prix du pétrole qui baisse de moitié et qui va amputer de 90% les exportations nigérianes et de 37,5% le budget du Nigéria, qui ne pourra pas améliorer la vie scolaire. Moi si j'avais 18 ans dans le nord du Nigéria, peut-être que je serais à Boko Haram ".
Renouer le dialogue sur la scène internationale...
Que faire alors de ce courroux sur fond de chômage et de crises politiques intérieures ? Ne pas oublier ce qui se passe ailleurs et "qui provoque un nombre de victimes très élevé sans qu'on n'en parle jamais en France "... Mais aussi ne pas sous-estimer le risque international. "A l'avenir, il faudra non seulement un effort militaire mais aussi un effort civil pour essayer de renouer les liens, notamment par le biais du développement, entre la France et certains pays ".
Mais aussi à l'Ecole...
Privilégier le dialogue aussi à l'Ecole : un enjeu crucial, pour Odon Vallet, alors que de nombreux enseignants ont témoigné ces derniers jours de leurs difficultés pour répondre aux remarques de certains élèves. "Les enseignants et les élèves n'ont pas toujours les moyens de s'informer ", d'où la nécessité absolue de leur donner "les ressources et les compétences nécessaires pour fournir réflexion, documentation et information " sur le "fait religieux ".
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