Massimo Loche, des bombardements de Hanoi aux studios de la Rai
En 1972, Massimo Loche a connu sa première expérience de journalisme de guerre au Vietnam. «J’ai eu le temps de subir les derniers bombardements à Hanoi et après j’ai pu suivre la guerre jusqu’à la conclusion, le 30 avril 1975.»
Pour le magazine hebdomadaire du PCI Rinascita puis l’hebdomadaire indépendant l’Espresso, Il a été correspondant de guerre au Moyen-Orient, couvrant l'invasion du Liban par Israël, le siège d’Arafat à Tripoli par les troupes syriennes (1983). Après avoir travaillé pour la presse écrite (dont l'Unita), Il a terminé sa carrière à la Rai, la télévision italienne.
Quels sont les moments les plus forts que vous avez vécus ?
Sans doute le bombardement de Hanoi, le 26 décembre 1972, et l’annonce de la chute de Saïgon, le 30 avril 1975. La visite des camps de Sabra et Chatila au lendemain du massacre, le voyage sur une route de montagne la nuit, en voiture tous feux éteints, pour échapper à l’artillerie syrienne et rejoindre et interviewer Yasser Arafat.
L’armée syrienne avait bloqué la route directe, mais le chauffeur qui devait me conduire chez Arafat en connaissait une autre par la montagne. Route sûre... sauf un passage, une centaine de mètres à découvert, sous le «regard» de l’artillerie de Damas. Arrivé à cet endroit, avant un tournant sur le flanc de la montagne, le chauffeur éteignit les phares. Nuit sans lune. A gauche, la roche, à droite, un ravin apparemment sans fond. Après des minutes interminables, le chauffeur ralluma les feux… et, soudain, derrière nous, l’éclat d’une décharge de Katioucha… Nous étions passés. Mais c'est à ce moment-là que j’ai eu peur, une peur terrible.
Il me reste beaucoup de souvenirs. Comment faire le tri. Je me souviens évidemment des grands événements que je viens de citer. Mais, il y a aussi de petits épisodes de vie quotidienne dans les situations les plus dangereuses ou les plus étranges. Les camps palestiniens au Moyen-Orient et la tentative d’organiser une vie «normale», le climat bizarre de Belgrade au début de la guerre avec l’élection de Miss Yougoslavie, ou encore la vente de Ferrari en plein embargo. Trop d’histoires à raconter…
Quels sont les principaux changements, selon vous, dans ce métier ?
Positifs et négatifs. Le positif est sans doute la technologie, la rapidité de transmissions, la possibilité de documenter avec tous les moyens possibles ce que vous pouvez voir. De Hanoi, j'envoyais mes papiers comme au XIXe siècle, par télégraphe, un dollar pour chaque mot ! Mais c’était dû aux conditions particulières du nord-Vietnam. Autrement, c’était le téléphone, mais des téléphones très peux fiables...
Pour la télévision, je pense que pouvoir filmer, monter et envoyer ses reportages tout seul, sans avoir besoin d’appareils lourds et de systèmes compliqués de transmission, c’est un grand avantage pour le journalisme de guerre.
Côté négatif, il y a la perte de liberté : les journalistes étaient libres d’aller presque partout, à leur risque, bien sûr. Au Vietnam, du côté Nord, j’ai connu d’avance la situation du journaliste «embedded». Les Nord-Vietnamiens étaient (peut-être à juste titre) obsédés par l’espionnage et contrôlaient chaque mouvement. A l’époque, j'étais envieux des collègues qui travaillaient au sud et qui pouvaient aller et venir au plus près des lignes de combat. Mais désormais cette liberté a disparu.
Comment analysez vous ces évolutions ?
Le problème est complexe. Pour faire court, on peut dire ceci : les états-majors militaires ont appris la leçon du Vietnam, le rôle décisif des médias (de la télévision surtout) dans la défaite américaine. Résultat : ils sont effrayés par la puissances des moyens dont les journalistes disposent aujourd’hui et tentent de contrôler l’information par tous les moyens.
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