La vie de misère des veuves d’Irak
Le constat est sans appel. Selon un rapport réalisé fin 2011 par Human Rights Watch (HRW), la situation des Irakiennes s'est considérablement dégradée durant les neuf ans de présence américaine dans le pays (2003-2011).
Et l’ONG d’égrainer leurs droits avant la première guerre du Golfe (1991), quand elles bénéficiaient «de la meilleure protection de tout le Moyen-Orient». En 1968, le parti Baas de Saddam Hussein avait fait adopter un cadre juridique garantissant l'égalité, l'éducation obligatoire des filles, le statut des femmes au travail et leur protection en cas de divorce.
Mais la guerre et les années d'embargo ont peu à peu rogné cet héritage jusqu’à le mettre à mal après 2003. Depuis le retrait américain d’Irak fin 2011, «la forte influence prise par les extrémistes religieux dans la politique et les questions de société», a fait le reste, souligne HRW.
En première ligne
Les veuves – au moins une femme sur dix ou quinze en Irak – sont en première ligne. Elles subissent les changements politiques, les manques d'infrastructures et de services de base.
Le CICR alloue des microcrédits à certaines d'entre elles, leur permettant de devenir autonomes financièrement avec un petit business. Sans quoi, le gouvernement leur verse environ une centaine d'euros par mois. Une somme qui ne leur permet pas de vivre et encore moins de s’émanciper de leur belle-famille chez qui elles vivent traditionnellement. En 2009, Oxfam déclarait même que 76% de ces femmes ne touchaient rien, faute d’y avoir accès.
Devenues chefs de famille, rôle traditionnellement dévolu aux hommes, elles manquent de tout, surtout celles qui ont été déplacées et vivent dans les camps.
«La pauvreté, l’absence d’emploi et le manque de sécurité… tout cela contribue à rendre la vie des femmes de plus en plus difficile», indiquait en septembre 2011, la représentante à l’étranger de l’Organisation pour la liberté des femmes en Irak, Houzan Mahmoud. Même écho de la part de Magne Barth, le Chef de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Bagdad. En août 2011, il expliquait : «Elles vivent dans la pauvreté et ont peu de nourriture» et elles doivent compter «sur leurs proches, voisins, communautés et associations de charité pour subvenir à leurs besoins. 70% d'entre elles dépensent plus qu'elles ne gagnent et sont obligées d'emprunter, de vendre leurs avoirs et de faire des économies sur des besoins de base comme l'éducation et la santé.»
«Le kilo de viande coûte 12 euros»
La romancière irakienne et collaboratrice du Guardian, Haifa Zangana, a elle aussi enfoncé le clou en avril 2013 sur le site MO : «Beaucoup de femmes doivent gérer toutes seules leur ménage qui se compose en moyenne de 6,4 personnes. Une veuve reçoit un supplément de 9,5 euros par enfant, mais cet enfant doit lui aussi vivre et manger. Un kilo de viande coûte 12 euros, en moyenne le loyer s'élève à 160 euros et, à cause du manque d'électricité, beaucoup de gens se rabattent sur des générateurs disponibles sur le marché privé qui coûtent les yeux de la tête. De même l'eau propre et l'enseignement sont chers. Il se dessine une vague de privatisations dans l'enseignement, ce qui ne fait qu'augmenter les frais. 40% des enfants n'accèdent pas à l'enseignement secondaire, et beaucoup parmi eux aboutissent dans la vente à la sauvette dans les rues.»
Cela explique que les plus jeunes, proies idéales pour les réseaux de proxénétisme, seraient 20% à se prostituer.
Pour d’autres, c’est la double peine, comme le montre la vidéo de France 24 ci-dessous. Parce qu’elles ont épousé des combattants d'al-Qaïda entrés illégalement en Irak – souvent sous la pression de leurs familles – l'Etat refuse de reconnaître les enfants nés de ces unions. Ils n’ont ni papiers d'identité, ni nationalité.
Et ce n’est pas la présence d’une femme à la tête du ministère du même nom qui va leur rendre espoir. Le 5 mars 2012, Ibtihal al-Zaïdi, seule parmi 33 ministres masculins du gouvernement de Nouri al-Maliki, a en effet affirmé que les hommes ont une position «supérieure» dans la société à celle des femmes.
Quelques temps plus tard, elle s’en est défendue : «La supériorité (des hommes, NDLR) ne signifie pas que les femmes valent moins quand la supériorité est fondée sur une compréhension mutuelle et le respect.» Comprenne qui veut, dans ce pays marqué par la violence.
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