Le pétrole, richesse et talon d'Achille de l'Irak
Les chiffres de février sont les plus hauts depuis l’invasion du Koweït par Saddam Hussein en 1990. Cette opération avait déclenché un embargo et des sanctions internationales. Puis en 2003, les Etats-Unis avaient envahi l’Irak et renversé le régime baasiste. Autant d’opérations qui ont considérablement handicapé le secteur énergétique irakien. Un secteur d’autant plus vital pour Bagdad qu’il assure 95% de ses ressources.
En principe, le pays ne devrait pas se faire d’inquiétude en la matière. Selon les estimations, il disposerait des «quatrièmes réserves prouvées du monde, avec 11% du total». Dans le même temps, il est le troisième exportateur d’or noir, rappelle l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Selon cette source, la production pourrait atteindre 6,1 millions de barils en 2020. Et 8,3 millions en 2035.
Mais pour certains spécialistes, le pays «n’est pas – encore – l’eldorado du pétrole attendu». Motif : «le poids de l’Etat dans l’industrie pétrolière, qui décourage tout investissement lourd, la médiocre qualité des infrastructures de transport ou de raffinage, l’insécurité politique endémique, liée notamment à la persistance des violences interconfessionnelles» et les tensions au Moyen-Orient, constate le quotidien économique Les Echos.
Un autre obstacle, et non des moindres, empêche pour l’instant l’Irak d’envisager son avenir pétrolier avec un franc optimisme : les relations tendues entre l’Etat central et la région autonome du Kurdistan, elle-même assise sur un tas d’or noir. Les réserves de cette dernière sont estimées à 45 milliards de barils. Des réserves découvertes depuis les années 2000 par les «majors» du secteur : les américains Exxon, Mobil et Chevron, le russe Gazprom, le français Total. Sans parler du gaz : 3000 à 6000 milliards de m3 de gaz dormiraient dans le sous-sol kurde.
Depuis plusieurs mois, les deux parties n’arrivent pas à s’entendre sur la question du partage des ressources. A Bagdad, on estime que celles produite dans les régions appartiennent au pays tout entier. Tandis que la seconde traite directement avec les firmes étrangères au motif que le pétrole produit sur son sol est sa propriété. «Le défi le plus important est que nous n'avons pas trouvé d'accord national sur l'extraction et la commercialisation du pétrole dans l'ensemble des territoires irakiens», a déclaré le 1er février 2014 le vice-premier ministre irakien en charge de l’énergie, Hussein Chahristani.
Vers l’indépendance ?
Cela n’empêche pas le gouvernement régional du Kurdistan d’exploiter ses réserves d’hydrocarbures. Et de les commercialiser, au grand dam de Bagdad. «Depuis pas mal de temps déjà, une noria de camions citernes turcs achemine le pétrole kurde vers la Turquie», expliquait en décembre 2013 un (excellent) article du Monde. Désormais, un oléoduc relie directement Erbil, capitale de la province kurde (nord de l’Irak) à Habur sur la frontière turque. De plus, «Ankara et Erbil ont conclu un accord d’approvisionnement à long terme», selon la même source.
En janvier, le gouvernement irakien avait menacé de boycotter les entreprises turques et d'annuler des contrats si du pétrole kurde était exporté à l'étranger via la Turquie sans son aval. Pour autant, le problème n’est toujours pas réglé.
Il l’est d’autant moins qu’un autre conflit oppose l’Etat central et le gouvernement régional du Kurdistan à propos de la province de Kirkouk (nord), qui elle aussi regorge… d’or noir. Les deux questions sont sans doute loin, très loin d’être tranchées. Car sous protection aérienne américaine depuis 2001, le Kurdistan (6 millions d’habitants) jouit d’une importante autonomie et dispose de son propre gouvernement, de ses propres forces de sécurité et de son propre drapeau. Désormais, avec ses hydrocarbures, il a désormais les moyens financiers de s’affranchir de la tutelle de Bagdad. Et d’assurer son indépendance politique.
La guerre du pétrole entre l'Irak et le Kurdistan
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