Que se passe-t-il en Jordanie, où une vague d'arrestations secoue la famille royale ?
Le royaume du Proche-Orient, l'un des plus stables de la région, accuse l'un de ses princes d'avoir voulu mener un coup d'Etat contre le roi Abdallah II.
Rivalités fratricides au sein du royaume hachémite ? Les arrestations se sont multipliées parmi les proches de la famille royale, depuis le samedi 3 avril. Le prince Hamza, demi-frère du roi Abdallah II, actuellement sur le trône, a été assigné à résidence, soupçonné d'avoir eu des activités allant à l'encontre de la "sécurité du royaume". Franceinfo fait le point pour mieux comprendre ces arrestations et les tensions qui agitent la famille royale jordanienne.
1Que s'est-il passé ces dernières heures ?
Plusieurs personnalités proches de la famille royale ont été arrêtées pour "raisons de sécurité", samedi 3 avril. Au total, entre 14 et 16 personnes ont été interpellées, a déclaré dimanche le vice-Premier ministre jordanien. Parmi elles, des proches du prince Hamza, ancien prince héritier de Jordanie. Cherif Hassan ben Zaid, un proche de la famille royale jordanienne ou Bassem Awadallah, "l'ancien directeur de cabinet du roi, qui est aussi son émissaire en Arabie saoudite" font partie des personnes arrêtées, explique à franceinfo Antoine Basbous, politologue et directeur de l'Observatoire des pays arabes.
Le prince Hamza a annoncé, samedi, avoir été "assigné à résidence" dans son palais, à Amman. Il est soupçonné d'avoir "porté atteinte à la sécurité et à la stabilité" du royaume, selon les dernières déclarations du vice-Premier ministre de Jordanie, Ayman Safadi. Ce dernier a notamment fait état de communications entre des personnes du cercle d'Hamza et "des organes à l'étranger". Des accusations qui sous-entendent la préparation d'un complot visant à renverser le roi, sans que le mot soit publiquement prononcé.
Le chef d'état-major a ainsi signifié au prince Hamza le retrait de sa garde rapprochée, ainsi que l'interdiction de prendre contact avec toute personne extérieure à son domicile. Dans une vidéo transmise par ses avocats à la BBC (en anglais), le prince Hamza s'est défendu de toute action contre le roi Abdallah II. Sa mère, l'ancienne reine Noor, a pour sa part dénoncé des accusations "calomnieuses" contre son fils.
Ce remue-ménage n'a pas encore été commenté par le palais royal jordanien, mais une source gouvernementale a déclaré dimanche à la chaîne de télévision officielle Al-Mamlaka qu'une déclaration clarifiant les faits serait publiée dans les heures qui viennent par les autorités concernées.
2Qui est le prince Hamza ?
Le prince Hamza, âgé de 41 ans, est le demi-frère de l'actuel roi de Jordanie, Abdallah II. Ils ont le même père, Hussein, qui a régné sur le pays de 1952 à sa mort en 1999. Après des études secondaires à Londres, le jeune prince intègre l'académie militaire Sandhurst, où il accomplit un parcours brillant, comme avant lui son demi-frère Abdallah, de 18 ans son aîné. Il embrasse une carrière militaire et sert même en ex-Yougoslavie dans une unité jordano-émiratie, avant d'être diplômé de Harvard. Sportif accompli, il est aussi un pilote émérite, comme le fut son père.
Conformément au désir exprimé par son père, Hamza était l'héritier du trône jusqu'en 2004, date à laquelle l'actuel roi Abdallah II lui a retiré ce titre pour le donner à son fils aîné, Hussein.
"Entre le prince Hamza et le roi Abdallah II, il y a forcément une rivalité. Tous les deux avaient des prétentions dans la famille royale."
Antoine Basbousà franceinfo
"Dans les faits, c'est entre l'ancienne reine Noor, mère [américaine] d'Hamza, et le roi Abdallah II, qu'il y a réellement des tensions, explique Antoine Basbous. Elle avait profité de la faiblesse de son époux Hussein (ancien roi et père d'Abdallah II) pour s'approprier beaucoup de choses de la monarchie. Lorsque Abdallah II est monté sur le trône, il s'est vu dépossédé de nombreux lieux de pouvoir." Les relations entre les deux frères sont donc complexes et le prince Hamza ne compte pas réellement de partisans parmi les Jordaniens.
D'après un analyste jordanien qui a choisi l'anonymat pour s'exprimer auprès de l'AFP, le prince Hamza avait, ces derniers temps, "multiplié, devant son cercle d'amis, les critiques contre ce qu'il qualifiait de corruption au sein du pouvoir".
3 Dans quel contexte intervient cette affaire ?
La Jordanie, l'un des pays les plus stables du Proche-Orient depuis un demi-siècle, vit depuis plusieurs mois dans un contexte difficile. En plus d'affronter la crise sanitaire, le royaume fait face à de lourdes difficultés socio-économiques. Il y a également une campagne anticorruption à laquelle a participé Bassem Awadallah, quand il dirigeait le cabinet du roi. "C'est comme s'il y avait un fil qui reliait ces personnalités dans une idée de lutte contre la corruption", observe Antoine Basbous.
Viennent se greffer des relations extrêmement détériorées avec le voisin israélien qui ont créé une crispation de la monarchie en interne : "Le mois dernier, Israël a empêché le prince héritier de Jordanie de se rendre sur les lieux saints à Jérusalem, car il aurait eu trop de gardes. En retour, la Jordanie a empêché l'avion de Benyamin Nétanyahou, Premier ministre israélien, de survoler le territoire jordanien pour aller à Abu Dhabi, détaille le directeur de l'Observatoire des pays arabes. Aujourd'hui, il y a un relatif risque de désordre, autant induit par le contexte régional que le contexte intérieur."
Lors d'une conférence de presse dimanche, le vice-Premier ministre jordanien a notamment affirmé que les enquêtes menées par les services de police "ont permis de surveiller les interventions et les contacts avec des parties étrangères visant à déstabiliser la sécurité de la Jordanie". Il a également précisé que les services de sécurité ont recommandé au roi Abdallah II de déférer toutes les personnes mises en cause devant la Cour de sûreté de l'Etat.
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