Otages au Nigeria : que peut faire la France ?
"Ils veulent la libération de leurs frères au Cameroun et ils veulent la libération de leurs femmes emprisonnées au Nigeria ". Les revendications lues par l'un des otages français au Nigeria sont claires et
avant tout régionales. A aucun moment, les ravisseurs ne demandent par exemple le retrait des troupes françaises du Mali. Elles concernent en fait le Cameroun, où
s'est déroulée la prise d'otages, et le Nigeria où sont probablement détenus les sept otages français.
Mardi matin, le ministre de la défense français, Jean Yves
le Drian annonçait qu'il n'y
aurait aucune négociation. Mais en réalité, quelle est la marge de manœuvre de
François Hollande, de la France, dans une affaire qui concerne deux Etats indépendants et, pour ce qui est du Nigeria, qui ne contrôle pas la situation dans le nord du pays ?
Des rapports plus simples avec le Cameroun
La question des rapports avec l'Etat camerounais est a priori la plus simple. Cette
ancienne colonie française est un partenaire plutôt qu'un
adversaire pour l'Etat français. François Hollande pourra sans doute intervenir indirectement auprès des
autorités camerounaises afin de discuter du sort des prisonniers de Boko Haram manifestement
détenus dans les prisons du pays.
Quels interlocuteurs au Nigeria, cette "démocrazy" ?
Le Nigeria, que certains qualifie de démocratie de
façade, allant jusqu'à parler de "Démocrazy", est un pays instable et sans réel
dirigeant. Avec 150 millions d'habitants, 36 gouvernorats et 774 gouvernements
locaux, le géant d'Afrique n'est pas un interlocuteur fiable pour travailler à
la libération des otages avec les autorités françaises.
Et d'abord parce qu'il n'existe
pas véritablement de dirigeant en tous cas, pas pour l'ensemble du pays. Le
président actuel, GoodLuck Jonathan, chrétien qui en réalité semble ne contrôler
que le sud du pays, n'a pas d'influence sur le nord majoritairement musulman.
Quelle branche de Boko Haram détient les Français ?
Le groupe Boko Haram qui revendique l'enlèvement des sept
Français, sème la terreur dans cette région mais jusqu'alors sous forme
d'attentats ciblés ou de meurtres.
Leurs victimes étaient jusqu'à présent des militaires,
des policiers nigérians souvent chrétiens contre qui ils mènent une guerre
civile depuis 2009. Cette année-là, Boko Haram, fondé par des étudiants en révolte
contre le pouvoir en place, mènent une insurrection contre la corruption de
l'Etat nigérian. L'armée
intervient et tue 800 de ses membres. C'est à cette époque que ce mouvement insurrectionnel
s'est radicalisé pour devenir un mouvement clairement islamiste et terroriste,
faisant de plus en plus de victimes.
L'enlèvement était plus une pratique du sud du pays
Pour la première fois, ce mouvement terroriste, avec depuis peu plusieurs branches plus une moins radicales, utilise les
méthodes classiques des djiadistes proches d'Aqmi. Dans leur vidéo, un détail
important, ils s'expriment en arabe mais
surtout ils revendiquent cet enlèvement.
Jusqu'à présent Boko Haram ne
commettait pas de rapt. Cette pratique était très répandue au sud du pays,
zones d'extraction pétrolifère où des étrangers, trois Ukrainiens, deux Indiens et un Russe, ont encore été enlevés la
semaine dernière puis libérés ce mardi.
La France va devoir prendre contact avec ce nord-Nigeria aux contours incertains et dont les dirigeants officiels et élus ne contrôlent pas
les islamistes qui détiennent les otages français même s'ils peuvent sans doute
servir d'intermédiaire entre les agents français et les preneurs d'otages.
Finalement, face à la complexité de la situation, le premier
problème auquel doit faire face le gouvernement français est d'identifier les preneurs d'otages, quel que soit leur nom.
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