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Pays à double monnaie : les exemples existent
Dans la présidentielle française, le débat fait rage autour des propositions de la candidate Marine Le Pen sur la question de la monnaie. Abandon de l’euro, retour au franc, instauration d’une double monnaie… ? Cette dernière option a existé en Chine, où elle est en perte de vitesse, et s'est imposée un temps en Europe et dans d'autres pays.
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Un pays, une monnaie. Telle est la règle communément admise. Pourtant cette règle n'a pas toujours existé. Retour sur des exemples qui montrent la diversité des situations monétaires.
L'exemple chinois
Pendant longtemps, la Chine a eu une double monnaie. Une destinée aux activités internes, l’autre aux échanges avec l’étranger. Ce système a permis au pays de se développer à l'abri de la concurrence internationale, dans le cadre d'une économie dirigiste.
Mais avec l’intégration de plus en plus grande de la Chine dans l’économie mondiale, sa monnaie tend à être de plus en plus convertible même si Pékin est régulièrement accusé de jouer sur la valeur du yuan pour faciliter ses exportations.
Mais avec l’intégration de plus en plus grande de la Chine dans l’économie mondiale, sa monnaie tend à être de plus en plus convertible même si Pékin est régulièrement accusé de jouer sur la valeur du yuan pour faciliter ses exportations.
Dernièrement, en 2016, la monnaie chinoise a rejoint un panier de monnaies de référence au sein du FMI aux côtés de l’euro et du dollar.
Il faut dire que depuis que la Chine s'est ouverte, la croissance de ses échanges a fait un bond incroyable et que sa croissance a affiché pendant des dizaines d'années des taux record. Ainsi en 1979, lorsque les relations diplomatiques furent établies entre Washington et Pékin, le commerce bilatéral se montait à seulement 2,5 milliards de dollars. En 2016, le volume du commerce sino-américain a atteint 519,6 milliards de dollars, soit 207 fois plus....
Malgré ces ouvertures successives, «l'évolution du yuan reste toutefois strictement encadrée par les autorités chinoises» et l'idée qu'il soit reconnu librement utilisable ne fait pas l'unanimité. En effet, « contrairement aux autres monnaies, le yuan n'est pas pleinement convertible, et le rapatriement de capitaux investis en Chine par des étrangers reste difficile », notait le Figaro en 2016.
Il est loin le temps où la monnaie chinoise n'avait cours qu'en Chine. Le yuan se classe désormais au deuxième ou troisième rang des monnaies les plus utilisées pour le commerce international. La monnaie de Mao est devenue une monnaie de réserve.
D’autres exemples
Dans les pays exportateurs de matières premières, le dollar cohabite souvent avec la devise nationale, en particulier en Amérique latine, mais aussi dans les pays du Golfe.
«Les pays à double monnaie sont des Etats qui ont une volonté de se détacher de la pression des monnaies importées, comme le Venezuela ou Cuba», explique Ludovic Subran, chef économiste chez Euler Hermès. Des pays qui sont de ce fait obligés d'assurer un strict contrôle des changes.
«Les pays à double monnaie sont des Etats qui ont une volonté de se détacher de la pression des monnaies importées, comme le Venezuela ou Cuba», explique Ludovic Subran, chef économiste chez Euler Hermès. Des pays qui sont de ce fait obligés d'assurer un strict contrôle des changes.
«Il y aussi des pays qui ont connu des crises, comme le Nigéria ou l'Argentine», ajoute-t-il. Dans ce pays d'Amérique latine, la monnaie locale avait été totalement alignée sur la monnaie américaine et avait perdue toute autonomie afin de casser l'inflation. Cette politique a connu un certain succès jusqu'au moment (2001) où la montée du dollar a tué la productivité argentine. Le système s'est alors effondré entraînant une véritable crise, obligeant le pays à ne plus rembourser ses dettes.
La dévaluation et le retour à une monnaie nationale ont permis un temps au pays de connaître une forte reprise, notamment grâce aux exportations, avant de retomber dans d'importants problèmes structurels.
Et en Europe ?
L’Europe, avant la création de l’euro, avait pendant un temps vécu dans un système avec une sorte de double monnaie, régi par le SME (serpent monétaire) qui fixait la marge de fluctuation des monnaies. La monnaie nationale ne pouvait évoluer que dans certaines marges, en liaison avec l'Ecu (européan currency unit) qui servait d'unité de compte pour les institutions européennes et les banques centrales des pays membres, ainsi que comme instrument sur les marchés financiers.
Dans les années 92-93, le système avait failli exploser tant les tensions sur les changes s'étaient aggravés. «L'élargissement brutal à 15% de la marge de fluctuation des monnaies européennes de part et d'autre d'une valeur pivot semblait rejeter aux calendes grecques l'adoption d'une monnaie unique. Mais cela a permis de déjouer les attaques spéculatives contre les devises les plus vulnérables», écrivait en 2011 dans La Tribune, Harold James, professeur d'histoire et d'affaires internationales à Princeton.
Dans les années 92-93, le système avait failli exploser tant les tensions sur les changes s'étaient aggravés. «L'élargissement brutal à 15% de la marge de fluctuation des monnaies européennes de part et d'autre d'une valeur pivot semblait rejeter aux calendes grecques l'adoption d'une monnaie unique. Mais cela a permis de déjouer les attaques spéculatives contre les devises les plus vulnérables», écrivait en 2011 dans La Tribune, Harold James, professeur d'histoire et d'affaires internationales à Princeton.
«L'équivalent actuel de l'élargissement de la marge de fluctuation serait le maintien dans la zone euro de tous les pays membres, tout en autorisant ceux qui le jugeraient nécessaire à émettre une monnaie nationale», ajoutait-il. «Aussi surprenant que cela peut être, deux monnaies différentes ont déjà coexisté sans problème durant une longue période», rappelle l’universitaire qui ajoutait «offrir la possibilité d'utiliser deux monnaies, l'une à usage interne et l'autre à usage externe, paraît étrange et contre-intuitif. Mais c'est réalisable et cela a déjà été fait. Cela peut être un moyen remarquablement efficace pour répondre à l'exigence de stabilité».
Plus récemment, Joseph Stiglitz, Prix Nobel d'Économie en 2001, très critique sur les conditions de mise en oeuvre de l’euro, affirmait que «la fin de la monnaie unique ne serait pas la fin du projet européen» et proposait la création de deux zones euro, l'une pour les pays du Nord et l'autre pour les pays du Sud...
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