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Risques d'embrasement au Proche-orient : les scénarios que pourrait choisir Israël

Le pouvoir israélien semble décidé à punir le Hamas après la mort de trois étudiants israéliens. Quels seront ses choix de riposte ? Francetv info esquisse trois possibilités.

Article rédigé par Kocila Makdeche
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a fait un discours, mardi 1er juillet 2014, lors de l'enterrement des trois adolescents israéliens enlevés et tués.  (GILI YAARI / NURPHOTO / AFP)

Un jeune Palestinien de 17 ans a été enlevé et assassiné à Jérusalem-Est, indique la radio militaire israélienne, mercredi 2 juillet. L'armée parle d'"un acte de vengeance présumé" après la découverte, lundi 30 juin, des corps des trois adolescents israéliens

Un nouveau meurtre qui accentue les risques d'embrasement, alors que Tel-Aviv est décidé à riposter à la mort des trois adolescents. "Le Hamas paiera", s'était exclamé lundi le Premier ministre, Benyamin Nétanyahou. De son côté, l'organisation islamiste nie toute implication dans ce triple meurtre, même si elle a salué l'opération.

Pour décider de la teneur future des représailles, le Premier ministre israélien a réuni, lundi et mardi, le cabinet de sécurité israélien. Il s'agit d'un conseil restreint de ministres et de responsables de l'armée choisis par Nétanyahou. Que va-t-il se passer dans les prochains jours ? Francetv info a isolé différents scénarios et en explique les risques.

Scénario 1 : l'occupation de Gaza par l'armée d'Israël

La mort des adolescents a suscité une très vive émotion au sein de la société israélienne. Leur enterrement a réuni des dizaines de milliers de personnes à Modin, mardi. La veille, "des milliers de jeunes Israéliens, surtout des religieux, ont passé la nuit place Rabin, à Tel-Aviv, ou dans le centre de Jérusalem, à prier et à allumer des bougies", racontait mardi Charles Enderlin, correspondant de France 2 à Jérusalem.

Des Israéliens se sont rassemblés place Rabin, à Tel-Aviv, après l'annonce de la découverte des corps de trois adolescents assassinés, le 30 juin 2014. (OREN ZIV / AFP)

Si des preuves de la culpabilité du Hamas sont établies – ce qui n'est pour l'instant pas le cas –, Nétanyahou pourrait vouloir intervenir directement à Gaza, pour calmer la colère de son peuple. Cette option musclée est portée par les partis d'extrême droite israéliens, Israël Beiteinou et le Foyer juif. Ils sont respectivement représentés dans le cabinet de sécurité israélien par les ministres Avigdor Lieberman et Naftali Bennett.

"Nous allons irrémédiablement entrer en guerre à Gaza. Alors, autant que nous soyons les premiers à attaquer", a affirmé Naftali Bennett. Le ministre, qui représente 10% des parlementaires, a proposé une panoplie de réponses militaires au Premier ministre, selon le journal israélien Haaretz. Certaines sont explosives : une nouvelle invasion de la bande de Gaza, la confiscation des fonds du parti islamiste et l'instauration de tribunaux militaires et de la peine de mort pour les terroristes.

De telles opérations engendreraient "une réponse du Hamas, qui pourrait envoyer des missiles à moyenne portée vers d'autres villes que Sderot [ville israélienne frontalière de la bande de Gaza], voire même jusqu'à Tel-Aviv. Ce sera donc la guerre, explique Samy Cohen, politologue au Centre d'études et de recherches internationales (Ceri), spécialiste du pouvoir et de l'armée en Israël. Ce scénario, qui est le plus extrême, reste peu probable, tempère-t-il. Nétanyahou n'a pas envie de gérer la vie de plus d’un million de personnes [dans le cas d'une invasion de la bande de Gaza] et tous les problèmes que cela posera en termes de sécurité."

Scénario 2 : des attaques ciblées

"Israël jouit d'une certaine sympathie de la communauté internationale après ces évènements. Une attaque massive risquerait de détériorer ses relations", explique le politologue Samy Cohen. Le président américain, Barack Obama, a en effet qualifié "d'acte terroriste insensé" le meurtre des trois jeunes Israéliens. François Hollande a, quant à lui, condamné un "lâche assassinat".

Le gouvernement Nétanyahou n'est pas sûr que les meurtres aient été commandités par la direction du Hamas, ni même que cette dernière ait été mise au courant. "Ce serait assez compliqué de partir en guerre contre le Hamas si l'on découvre que ce n'est qu'une opération locale et isolée, décrypte Samy Cohen. La crédibilité du gouvernement en prendrait un coup."

Autant d'éléments qui pourraient pousser le Premier ministre à préférer les attaques ciblées, comme ce fut le cas dans la nuit de lundi soir, avec le bombardement de 34 positions du Hamas. Mais la multiplication des bombardements "risque de réinstaurer les hostilités entre la bande côtière et Israël", explique le politologue. Un scénario d'embrasement rendu d'autant plus probable avec l'assassinat du jeune Palestinien. 

Depuis la mi-juin, une trentaine de roquettes se sont déjà abattues sur le sud d'Israël. Si les offensives continuent, Nétanyahou risque d'enterrer définitivement le statu quo en vigueur depuis l'offensive "Pilier de défense", qui avait causé la mort de 160 Gazaouis et 6 Israéliens en novembre 2012.

Lors d'une attaque aérienne israélienne à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 2014.  (SAID KHATIB / AFP)

 Scénario 3 : la création d'une nouvelle colonie

Troisième possibilité de représailles, avancée par le ministre de la Défense israélien, Moshé Ya'alon : créer une nouvelle colonie. Elle pourrait d'ailleurs porter le nom des trois jeunes défunts et être établie dans la région de G'vaot, située entre Hébron et Jérusalem, d'après le quotidien israélien Haaretz.

"C'est une réponse assez classique de la droite israélienne qui, à chaque affront, grignote davantage de territoires, explique le politologue Samy Cohen. L'idée est de dire au Hamas : 'Plus vous continuez à nous attaquer, plus nous construirons de colonies.' Là encore, Nétanyahou cherche à satisfaire son électorat."

La proposition a rencontré une certaine opposition au sein du gouvernement israélien, notamment celui de la ministre de la Justice, Tzipi Livni. Elle s'inquiète qu'une telle décision puisse entacher la légitimité d'Israël à l'international, selon Yahoo News

"Une autre option consisterait à agrandir les colonies déjà existantes, plutôt que d'en créer une nouvelle", explique Samy Cohen. Moins voyant, ce scénario provoquerait un plus petit nombre de critiques occidentales. Il risquerait cependant "d'affaiblir encore plus l'éventualité de négociations pacifiques entre l'autorité palestinienne et le gouvernement israélien". Des négociations déjà maintes fois avortées à cause du dossier de la colonisation.

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