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Des dizaines d'officiers yéménites ont annoncé leur ralliement à la contestation contre le président Saleh

Outre les chefs de l'armée, le principal chef tribal, cheikh Sadek al-Ahmar, a demandé au président Saleh, au pouvoir depuis 32 ans, de se retirer, joignant sa voix à celles de dignitaires religieux.Deux commandants de régions se sont déclarés en faveur des protestataires et cinq ambassadeurs du Yémen en Europe ont aussi annoncé leur démission.
Article rédigé par France2.fr avec agences
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Hommage, le 20 mars 2011, de milliers de manifestants yéménites aux 52 tués du 18 mars, à Sanaa. (AFP/AHMAD GHARABLI)

Outre les chefs de l'armée, le principal chef tribal, cheikh Sadek al-Ahmar, a demandé au président Saleh, au pouvoir depuis 32 ans, de se retirer, joignant sa voix à celles de dignitaires religieux.

Deux commandants de régions se sont déclarés en faveur des protestataires et cinq ambassadeurs du Yémen en Europe ont aussi annoncé leur démission.

Le président Saleh affirme lui que la "majorité du peuple" le soutient.

La France qui juge le départ du président Saleh "incontournable" est devenu lundi le premier pays occidental à tenir ouvertement ce langage. "Il faut aujourd'hui aider ceux qui veulent faire avancer les droits de l'homme, construire la démocratie. Ceci est valable pour tous les pays. Nous le disons au Yémen où la situation est en train de se dégrader", a dit M. Juppé au cours d'un point de presse, à l'issue d'une réunion avec ses homologues européens à Bruxelles.

A la suite de la diplomatie française, la Maison-Blanche a fait savoir lundi qu'elle avait dit au gouvernement du Yémen que la violence est "inacceptable".

La contestation ne faiblit pas à Sanaa
Lundi, alors que des chars avaient été déployés à des endroits stratégiques de Sanaa, comme le palais présidentiel, une foule de protestataires bravait toujours dans le centre de la capitale yéménite une interdiction de manifester. Ils exigent le départ du président Saleh, de plus en plus isolé à la tête de l'unique république de la péninsule arabique.

Devant ces manifestants qui campent depuis un mois sur la place de l'Université, des officiers de tous rangs, ainsi que des soldats, se sont succédés à la tribune pour annoncer leur soutien à la contestation.

Nouveaux ralliements
Outre les chefs de l'armée qui ont lâché le président Saleh, le principal chef tribal, cheikh Sadek al-Ahmar, lui a demandé de céder le pouvoir qu'il détient depuis 32 ans et de se ménager "une sortie honorable".

Le général, issu de la plus influente tribu du pays et commandant de la première division blindée, a accusé le chef de l'Etat de "réprimer les manifestants pacifiques" et de "pousser le pays vers la guerre civile".

Deux commandants de régions, le général Ali Mohsen al-Ahmar, responsable du nord-est qui comprend Sanaa, et le général Mohammed Ali Mohsen, en charge du district militaire oriental, se sont déclarés en faveur des protestataires.

Dans le sud du pays, deux autres généraux, Nasser Ali Chouaïbi et Fayçal Rajab, ont eux aussi aussi apporté leir soutien à la contestation, en même temps que 60 officiers de la province de l'Hadramout et de 50 officiers du ministère de l'Intérieur.

Le gouverneur d'Aden, deuxième ville du pays, Ahmad Qaatabi, a présenté sa démission, "pour protester contre ce qui se produit dans le pays".

Ces défections s'ajoutent à celles de responsables du régime qui se sont multipliées ces jours-ci, contraignant le président Saleh à limoger dimanche soir le gouvernement, après la démission de trois ministres.

Le président Saleh assure avoir le soutien du peuple
Mais le président Saleh, 68 ans, a affirmé que la "majorité du peuple" le soutient. "La grande majorité du peuple est avec la sécurité, la stabilité et la légalité constitutionnelle. Et ceux qui appellent au chaos, à la violence, à la haine et au sabotage ne sont qu'une infime minorité", a-t-il assuré lundi.

Les chefs de l'armée loyalistes ont affirmé, dans un communiqué, que "les forces armées n'autoriseront aucune atteinte à la légalité constitutionnelle, à la démocratie, à la sécurité de la nation et à celle des citoyens".

La contestation s'est amplifiée depuis vendredi
La contestation a pris de l'ampleur après la mort de 52 personnes, tuées lors d'une attaque vendredi contre des manifestants à Sanaa. Cette tuerie attribuée à des partisans du régime a marqué la journée la plus sanglante depuis le début fin janvier de la contestation.

Pour l'opposition yéménite, il s'est agi de "massacre", un thème qui a été largement repris depuis samedi par les orateurs à la tribune sur la place de l'Université. L'opposition accuse également les fils du président Saleh, qui dirigent l'essentiel de l'appareil de sécurité du régime, pour les violences de vendredi.

Dans le nord du pays, des rebelles chiites ont pris le contrôle d'une installation militaire dimanche lors de combats contre des combattants pro-gouvernementaux qui ont fait au moins vingt morts, ont indiqué lundi des sources militaires et tribales.

Les rebelles appartiennent à la branche zaïdite du chiisme, et combattent le pouvoir central de Sanaa depuis 2004. Cette rébellion a fait des milliers morts et plus de 250.000 déplacés, et elle inquiète l'Arabie saoudite qui est intervenue en août 2009 pour soutenir l'armée de Sanaa.

Réactions internationales
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon
, a condamné lundi la répression de vendredi au Yémen: "Je condamne avec force l'usage de balles réelles contre les manifestants par les forces de sécurité à Sanaa", a déclaré M.Ban à l'issue d'un entretien avec le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, au Caire.

"Le gouvernement yéménite a l'obligation de protéger les civils. J'appelle à un maximum de retenue et à mettre fin à la violence", a déclaré M.Ban. "Il n'y a pas d'alternative à un dialogue global portant sur des réformes politiques, sociales et économiques, pour traiter la crise politique".

La France a condamné "avec fermeté" les "attaques meurtrières" et jugé "impératif" que cessent ces violences, dans une déclaration du porte-parole du ministère des Affaires étrangères. "Il est maintenant impératif que s'arrêtent les attaques des forces de sécurité et de groupes armés pro-gouvernementaux contre des personnes exerçant leur droit d'expression et de manifestation", a affirmé Bernard Valero.

Le président américain Barack Obama a exhorté le président Saleh à autoriser le déroulement des manifestations."Je condamne fermement les violences qui se sont produites aujourd'hui au Yémen", a dit Barack Obama. Il a appellé "le président Saleh à tenir sa promesse d'autoriser les manifestations à se dérouler pacifiquement". Les Etats-Unis considèrent M. Saleh comme un allié dans la guerre contre Al-Qaïda, qui est largement implanté dans le sud-ouest de ce pays pauvre où l'Etat contrôle mal les zones tribales.

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