Guerre au Proche-Orient : pourquoi Israël a choisi pour l'instant une réponse "ciblée" et "mesurée" contre l'Iran
Il est environ 2h15 en Iran, dans la nuit du vendredi 25 au samedi 26 octobre, lorsque des détonations retentissent à l'ouest de Téhéran. Comme ses dirigeants l'avaient annoncé, Israël a mené une série de frappes sur le territoire de son ennemi juré. L'opération, surveillée par Benyamin Nétanyahou depuis Tel-Aviv et le cabinet du ministère de la Défense, prend fin au petit matin. "Je peux maintenant confirmer que nous avons mené à bien la riposte israélienne aux attaques iraniennes", affirme Daniel Hagari, porte-parole de l'armée de l'Etat hébreu, à propos de frappes "précises et ciblées".
Aux yeux de plusieurs analystes, ces représailles sont au final mesurées et ne devraient pas constituer un tournant majeur dans le conflit au Proche-Orient. Le ministre de la Défense israélien, Yoav Gallant, avait pourtant promis une riposte "mortelle, précise et surprenante" après la seconde attaque iranienne la dernière et plus importante, le 1er octobre. Téhéran avait tiré quelque 200 missiles, notamment et pour la première fois des missiles hypersoniques.
Samedi, l'armée israélienne a déclaré avoir mené des frappes visant des installations de fabrication de missiles, des batteries de missiles sol-air et d'autres systèmes aériens. Si quatre militaires sont morts, les "dégâts" sont "limités" après cette opération qui n'a pas visé d'infrastructures sensibles de la République islamique. "Ce sont des cibles exclusivement militaires, ni nucléaires, ni pétrolières", explique à franceinfo le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de Revue Défense nationale, pour qui "c'est une riposte mesurée qui envoie des messages très précis à Téhéran", comme pour "siffler la fin de la récréation".
"Le message consiste à dire à l'Iran : 'Vous nous avez frappé deux fois sans grands résultats et on peut vous faire beaucoup plus mal'."
Le général Jérôme Pellistrandià franceinfo
Si Israël n'a pas visé ces sites stratégiques, c'est notamment pour s'assurer du soutien continu des Etats-Unis, analyse l'ancien colonel des troupes de marine Peer de Jong. "Les Américains n'ont pas donné le feu vert aux Israéliens pour utiliser du matériel américain", afin de cibler des sites sensibles comme ceux de production et d'enrichissement d'uranium, analyse le spécialiste sur franceinfo. Le président américain, Joe Biden, avait du reste appelé début octobre son allié israélien à épargner les sites pétroliers iraniens.
Ne pas ouvrir un nouveau front
Par ailleurs, Israël est déjà engagé sur plusieurs fronts. Depuis les attaques terroristes du 7-Octobre sur son sol, Israël mène une guerre sans relâche contre le Hamas dans la bande de Gaza, territoire dans lequel des dizaines de milliers de personnes sont mortes. Depuis plusieurs semaines, le conflit s'intensifie également au Liban, où l'Etat hébreu tente d'éliminer le Hezbollah en bombardant la région de Beyrouth et le sud du pays. Les deux organisations sont des "proxys" de l'Iran, des groupes qui lui permettent de mener une guerre par procuration, hors de son territoire.
Pour Peer de Jong, "les Israéliens ont choisi la formule minimum, qui leur permet de se concentrer sur les opérations à Gaza et au Liban et d’éviter l'ouverture d’un autre front avec l'Iran". Jérôme Pellistrandi s'attend d'ailleurs à ce qu'Israël "frappe un maximum le Hezbollah" dans les prochains jours, sur un front déjà existant.
Que va maintenant faire l'Iran, qui a assuré avoir "le devoir de se défendre" ? Peer de Jong estime que Téhéran ne répondra pas à ces frappes israéliennes limitées, car le pays "n'a aucun intérêt à relancer la machine et à être considéré comme un agresseur". Surtout, les deux belligérants ont en tête une date précise, qui peut changer la face du conflit : le 5 novembre. Ce jour-là, les Américains choisissent leur nouveau président au terme d'une campagne très indécise. "Pour les Iraniens, il s'agit de faire profil bas en attendant ce qui va se passer le 5 novembre", souligne Jérôme Pellistrandi.
L'élection de Donald Trump ou de Kamala Harris à la Maison Blanche aura des répercussions différentes sur le soutien de Washington à Israël et sur l'attitude adoptée face à l'Iran. "Si l'Iran provoque une escalade avant le 5 novembre, Donald Trump pourrait considérer qu'il est possible de répondre", illustre Jérôme Pellistrandi. D'ici à l'élection, "tout le monde est donc dans l'attente", résume le général.
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