Conflit Israël-Hamas : "Il y a une véritable éradication du journalisme dans la bande de Gaza", réagit la directrice éditoriale de Reporters sans frontières
"Il y a une véritable éradication du journalisme dans la bande de Gaza", réagit Anne Bocandé, directrice éditoriale à Reporters sans frontières, dimanche 7 janvier sur franceinfo, après l'annonce par le Hamas de la mort de deux journalistes dans une frappe israélienne.
franceinfo. Avez-vous des informations sur les circonstances de la mort de ces deux journalistes ?
Anne Bocandé. Il s'agit de Moustafa Thuraya qui était journaliste vidéaste freelance, collaborant notamment avec l'AFP, l'Agence France-Presse, et Hamza Waël Dahdouh qui était journaliste pour la chaîne Al-Jazeera. Ce que nous savons, aujourd'hui, grâce à nos correspondants qui sont à Gaza : les journalistes revenaient de reportages à Khan Younès, ils portaient leurs vêtements de presse, ils ont été tués à Rafah par une frappe israélienne isolée sur leur voiture. Rappelons que Rafah est l'endroit à la pointe sud, du territoire palestinien, vers lequel les civils, dont les journalistes, ont été sommés d'évacuer par l'armée israélienne. Donc, ils ont dû quitter le nord vers le sud de Gaza pour être davantage en sécurité. Or, depuis la fin de la trêve humanitaire, Israël a concentré ses opérations dans le sud la bande de Gaza. Et c'est dans ce contexte qu'ont été tués ces deux journalistes. On peut aussi préciser que c'est la deuxième attaque en moins d'un mois contre le média Al-Jazeera. La dernière a tué le journaliste Samer Abou Daqa le 16 décembre et a blessé aussi Wael Dahdouh qui est le père de ce journaliste tué aujourd'hui, Hamza.
Cette guerre à Gaza contre le Hamas est-elle particulièrement meurtrière pour la presse ?
C'est une hécatombe, c'est une véritable tragédie. On serait au moins à 79 journalistes, avec les deux d'aujourd'hui, qui ont été tués à Gaza. Nous présumons aussi qu'au moins seize ont été tués dans l'exercice ou en raison de leurs fonctions. Dès la première semaine, nous avions alerté sur le fait qu'on était déjà au début de conflit le plus meurtrier du XXIᵉ siècle avec l'équivalent d'un journaliste tué par jour. On voit que la tragédie continue et qu'il y a une véritable éradication du journalisme dans la bande de Gaza.
Vous utilisez le mot "d'éradication", donc pour vous, tout cela est réellement volontaire ? Sachant qu'il y a 70 journalistes ou personnels de médias palestiniens dans le décompte.
En tout cas, quand on parle d'éradication et quand on évoque la question du ciblage, ce que nous signifions c'est qu'on ne peut pas dire que les journalistes sont protégés dans l'exercice de leurs fonctions, comme le droit international le préconise. Ils ne sont pas protégés par les opérations de l'armée israélienne. Ce que nous pouvons dire aussi, c'est que dans la notion d'éradication et d'étouffement du journalisme, Israël a clairement déclaré qu'elle ne pouvait pas protéger les journalistes. Il y a un blocus qui depuis le début du conflit, empêche tout accès aux journalistes de la région, aux journalistes internationaux. Une impossibilité pour ceux qui sont témoins de ce qui se passe de sortir s'ils le désirent, ou des coupures d'électricité ou d'Internet régulières qui empêchent les journalistes de faire leur travail, dès l'évacuation de différents endroits du territoire. Certains territoires de Gaza ne sont plus accessibles à aucune information. Donc c'est en ce sens que, en effet, on parle d'un étouffement, d'une éradication du journalisme dans cette zone.
Vous dites que les journalistes devraient être protégés, que c'est une question de droit international : qui serait censé les protéger ?
Israël notamment. Et on appelle la justice internationale à enquêter sur les crimes contre les journalistes et la non-protection des journalistes à Gaza. On a déposé une première plainte en octobre, et une deuxième plainte fin décembre pour justement appeler la justice internationale à enquêter sur les crimes contre les journalistes.
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