Guerre dans la bande de Gaza : ce que l'on sait de la mort de sept humanitaires de l'ONG World Central Kitchen dans une frappe israélienne

Ils livraient de la nourriture, lundi, quand ils ont été bombardés. Benyamin Nétanyahou présente cette frappe comme "non intentionnelle".
Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le corps d'une des victimes du convoi de l'ONG World Central Kitchen, touché par une frappe israélienne, à l'hôpital Al Aqsa à Deir al Balah, dans la bande de Gaza, le 1er avril 2024. (ABDEL KAREEM HANA / AP / SIPA)

La Maison Blanche a "le cœur brisé". Sept humanitaires de l'ONG américaine World Central Kitchen (WCK) ont été tués dans une frappe alors qu'ils distribuaient de la nourriture dans la bande de Gaza, lundi 1er avril, a annoncé mardi l'organisation, qui a attribué le raid à l'armée israélienne.

Cette dernière a ouvert une enquête, assuré "passer en revue l'incident tragique au plus haut niveau pour en comprendre les circonstances" et affirmé avoir "travaillé en étroite collaboration avec WCK" pour sa distribution d'aide. Voici ce que l'on sait de ce drame, près de six mois après le début de la guerre entre Israël et le Hamas. 

Une ONG engagée dans l'envoi d'aide vers Gaza

WCK a été fondée en 2010 par le chef cuisinier hispano-américain José Andres et sa femme. "World Central Kitchen est née d'une idée simple à la maison, avec ma femme Patricia : lorsque les gens ont faim, il faut envoyer des cuisiniers. Pas demain, aujourd'hui", peut-on lire sur le site de l'organisation.

L'ONG est notamment intervenue pour de la distribution alimentaire en Haïti, en Ukraine et au Maroc lors du séisme de février 2023. Ses équipes ainsi que les cuisiniers palestiniens travaillant avec elle ont servi depuis le mois d'octobre plus de 32 millions de repas dans la bande de Gaza, affirme WCK au New York Times.

En mars, l'ONG s'est impliquée dans l'envoi d'aide par bateau de Chypre vers Gaza et dans la construction d'une jetée temporaire dans le territoire palestinien assiégé. "Nous essayons de réaliser l'impossible. Cela en vaut la peine pour nourrir la population de Gaza", avait déclaré José Andres, selon des propos rapportés par le quotidien américain.

Un premier bateau y avait déchargé mi-mars sa cargaison sous la supervision de l'armée israélienne.

Des humanitaires touchés par une frappe alors qu'ils quittaient un entrepôt

L'ONG assure que ses équipes ont été touchées par une frappe israélienne alors qu'elles se déplaçaient à bord de deux voitures blindées portant le logo de WCK et d'un véhicule à carrosserie souple dans le centre de la bande de Gaza.

"Malgré la coordination des mouvements avec les forces israéliennes, le convoi a été touché alors qu'il quittait l'entrepôt de Deir el-Balah, où l'équipe avait déchargé plus de 100 tonnes d'aide alimentaire humanitaire acheminée à Gaza par voie maritime", écrit l'organisation dans son communiqué. Selon cette dernière, les sept personnes à bord du convoi ont été tuées. 

Le ministère de la Santé du Hamas a, de son côté, annoncé que cinq victimes avaient été transportées dans un hôpital de Deir el-Balah, après "une frappe aérienne israélienne ayant visé un véhicule de l'organisation américaine World Central Kitchen""J'ai le cœur brisé et je suis en deuil pour leurs familles et leurs amis, ainsi que pour toute notre famille WCK", a réagi sur X le chef José Andres, enjoignant "le gouvernement israélien" à "mettre fin à ce massacre aveugle".

A la mi-journée, mardi, Benyamin Nétanyahou a reconnu une frappe de l'armée israélienne, qu'il qualifie de "non intentionnelle". "Cela se produit en temps de guerre et nous enquêterons jusqu'au bout, a promis le Premier ministre israélien. Nous sommes en contact avec les gouvernements concernés et nous ferons tout pour que cela ne se reproduise plus".

Une Australienne, un Britannique et un Polonais parmi les victimes

Un correspondant de l'AFP présent à l'hôpital de Deir el-Balah a constaté la présence de cinq corps et de trois passeports étrangers près des dépouilles. L'agence de presse AP a également publié une photo de ces trois passeports britannique, polonais et australien.

Trois victimes étaient "originaires d'Australie, de Pologne, du Royaume-Uni" a confirmé World Central Kitchen, ajoutant qu'une quatrième victime avait la double nationalité américaine et canadienne et qu'une cinquième était palestinienne. Le ministère de la Santé du Hamas a précisé de son côté que cette cinquième personne était chauffeur et traducteur. On ignore l'identité des deux dernières victimes.  

Les passeports britannique, polonais et australien de trois victimes de l'ONG World Central Kitchen tuées dans une frappe dans la bande de Gaza, le 1er avril 2024. (ABDEL KAREEM HANA / AP / SIPA)

Le Premier ministre australien, Anthony Albanese, a confirmé qu'une Australienne, Zomi Frankcom, figurait parmi les victimes. "C'est complètement inacceptable. L'Australie exige que tous les responsables de la mort de travailleurs humanitaires rendent des comptes", a-t-il réagi. Sur une vidéo publiée par WCK sur X fin mars, Zomi Frankcom intervenait, souriante, aux côtés de l'un des chefs de l'ONG pour expliquer la préparation des repas alimentaires distribués aux habitants de Gaza.

World Central Kitchen a annoncé interrompre immédiatement ses activités dans la région. "Nous prendrons bientôt des décisions sur l'avenir de notre travail", ajoute l'ONG.

Les Etats-Unis "profondément troublés" par cet événement

Les Etats-Unis, qui prennent de plus en plus leurs distances avec leur allié israélien après quasiment six mois de guerre dans la bande de Gaza, se sont déclarés "profondément troublés" par cet événement, comme l'a déclaré sur X Adrienne Watson, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, qui dépend de la Maison Blanche.

"Les travailleurs humanitaires doivent être protégés, car ils apportent une aide dont [les Palestiniens] ont désespérément besoin, et nous exhortons Israël à promptement enquêter sur ce qu'il s'est passé", a-t-elle poursuivi Adrienne Watson.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.